Les Soninkés sont l'un des peuples les plus anciens de l'Ouest africain. Dans son ouvrage intitulé Les Diasporas des travailleurs soninkés (1848- 1960). Migrants volontaires, François MANCHUELLE écrivait que : « Les Soninkés sont un peuple particulièrement intéressant. Ils formèrent le premier des plus grands empires d'Afrique de l'Ouest, le Ghana . » Ce peuple était (et ceci jusqu'à nos jours, malgré la modernisation des sociétés africaines) extrêmement acquis au système de la hiérarchisation sociale qui mettait chaque fraction du groupe à une place bien déterminée dans la pyramide sociale. Les Soninkés sont répartis en trois groupes : les Kusa, les Wago et les Kagoro. Leur origine reste indéterminée malgré les quelques versions mises à la disposition des chercheurs par les historiens. Les Kusa, dont il est question dans cette étude, comme l'ensemble de la communauté soninké, constituaient un royaume bien organisé dans sa structuration sociale. Les relations existant entre les différents membres de cette fraction étaient strictement réglées selon des principes bien déterminés. La légende de la dispersion des Kusa raconte leur calvaire et leur dispersion causés, selon la tradition, par la maladresse de leurs rois successifs, sanguinaires.
Dans cet exposé, nous allons essayer de déterminer succinctement la frontière existant entre l'histoire et le mythe dans cette légende des Kusa, mais avant d'aborder cette étude, nous avons estimé nécessaire de faire un état des lieux sur l'origine des Soninkés, l'organisation socio- politique de cette ethnie ouest africaine, dans la mesure où ce travail ne pouvait avoir son véritable sens que placé dans son cadre général.
Par SOUMARE Zakaria Demba
La légende de la dispersion des Kusa (épopée soninké) entre histoire et mythe

André Arcin
POINT D’HISTOIRE (Le SEGOVIEN du 23 MARS 07)
Les sources orales font-elles des femmes les grandes muettes ? Au primat de l'écrit comme moyen de connaissance du passé, héritage de l'histoire positiviste, a succédé l'évidence du recours à l'éventail le plus large possible de sources. Les traditions et enquêtes orales ont ainsi acquis leurs lettres de noblesse, en particulier pour l'étude des sociétés de l'oralité1. Cet important acquis méthodologique, novateur en lui-même, comporte cependant bien souvent un aspect conservateur et réducteur : la parole est donnée aux hommes en tant que producteurs et véhicules de traditions historiques. Cette restriction, non seulement à un « genre » mais bien souvent à une fraction des hommes i.e. les historiens officiels au service des dirigeants, notamment les dits « griots » de l'Afrique de l'ouest, est vivement contestée par Mamadou Diawara2. Il fut un des premiers historiens à interroger le savoir auparavant négligé non seulement des femmes mais aussi des catégories sociales peu sollicitées. Travaillant sur sa propre société, les Soninko du Mali, il s'est efforcé de restituer aux femmes leur place dans les témoignages du passé et ceci dans toutes les couches sociales. La société soninke présente en effet une structure très complexe, hiérarchisée, opposant diverses catégories de libres à la strate elle-même variée des gens de condition servile. Plutôt que de rentrer dans le détail de l'organisation sociale et des divers types de savoir, je souhaiterais tirer des recherches de M. Diawara des enseignements de portée plus générale. Le premier serait d'ordre méthodologique : l'accès aux domaines des femmes pour un homme n'est pas toujours aisé et suppose parfois des détours car l'historien ne peut réaliser lui-même toutes les enquêtes.