THIERNO DIALLO, UN ALBINOS DIRECTEUR GENERAL
"Tout couple peut avoir un albinos si l'anomalie génétique existe en eux"sociétéLes Echos2005-07-22, 16:50:39 GMT

Thierno Diallo, le directeur général de la Pyramide du souvenir, est un albinos. Dans l'entretien ci-dessous, il nous parle de l'albinis­me, des préjugés à l'égard des albinos et de leurs conditions de vie.

Les Echos : Pouvez-vous nous dire ce que c'est que l'al­binisme et comment le devient-on ?
T. D. : Je dois d'abord remerci­er « Les Echos » pour cette initia­tive, qui va certainement contribuer à éclairer la lanterne de plus d'un sur un sujet aussi vieux que le monde. Cela étant, l'albinisme est tout simplement l'absence de mélanine dans la peau. C'est une anomalie génétique héréditaire. Donc, tout couple peut avoir un albinos si cette anomalie génétique existe en eux.

Les Echos : Les causes étant connues, est-ce qu'il y a des mesures correctives pour qu'un enfant ne naisse pas albi­nos ?
T. D. : C'est vrai que la science a évolué, mais actuellement elle peut seulement détecter un albinos chez une femme enceinte de 3 mois. Peut-être bien que dans l'avenir ce sera possible d'éviter que l'enfant albinos très vite détec­té naisse avec l'anomalie.

Les Echos : Comment, selon vous, l'albinos est accueilli dans sa famille d'abord, dans la société en général ?
T. D. : Ça dépend des con­cepts que les sociétés ont de ce phénomène. L'albinos est bien accueilli par les spirituels parce que pour eux les écrits bibliques et autres disent que le prophète Noé était albinos. Certains musulmans trouvent que c'est la manifestation du prophète Mohamed dans les rêves.

Par contre, il est mal accueilli par ceux-là qui pensent qu'il est le fruit des esprits, de la souillure (enfant conçu lors des périodes des règles de la femme), ce qui est scientifiquement faux tout comme des affirmations qui soutiennent qu'il y a albinos lorsque la femme fait l'amour à la belle étoile ou en plein jour. C'est pourquoi, certains l'appellent « enfant de la lune ».

Les Echos : Cela veut dire qu'il y a beaucoup de préjugés sur l'albinos ?
T. D. : Ah oui ! Quels que soient les concepts, l'albinos est victime de préjugés. II servira de sacrifice parce que, pour certains, il porte en lui des pouvoirs mag­iques. Ou souvent, il est victime d'infanticide...

Les Echos : Comment se sent un albinos dans la commu­nauté, un homme extraordinaire ou normal comme les autres ?
T. D. : C'est une question très difficile. Mais, personnellement, je ne sens pas de différence entre les autres et moi parce que éduqué dans un amour total de parents intellectuels. Souvent, il m'arrive de me demander est-ce que si je n'étais pas albinos, je serai ce que je suis. Cependant, certains albi­nos souffrent d'exclusion, de marginalisation compte tenu des préjugés évoqués tantôt.

Les Echos : Autres diffi­cultés ?
T. D. : II y a la fragilité pigmen­taire et la faiblesse de la vue d'où le terme « yé-fégué », qui n'a rien de péjoratif. Ça signifie simplement quelqu'un qui n'a pas une bonne vue.

Les Echos : Existe-t-il au Mali, une association des albi­nos ?
T. D. : II y a effectivement l'Association pour la promotion et l'insertion sociale des enfants albi­nos (SOS-Albinos) créée en 1992 par d'autres pour les albinos.

Les Echos : Comment doit­-on se comporter à l'égard d'un albinos ?
T. D. : On doit le traiter comme un homme tout court. Pour moi, il n'y a pas de demi-homme. On doit le traiter en homme normal sans tenir compter des préjugés. Certains des jeunes diplômés albi­nos n'arrivent pas à accéder à l'emploi du fait des préjugés. C'est dommage. Je saisis cette opportu­nité que vous m'offrez pour dire que l'albinisme n'est qu'une anomalie qui peut être uniquement oculaire, qu'il existe partout dans le monde, c'est-à-dire dans toutes les sociétés humaines et même ani­males. Ayons cela à l'esprit ! Toute personne bien portante est un handicapé potentiel.



Rédacteur(s): Propos recueillis par IDRISSA SACKO