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Voilà comment l'historien et le grand politologue africain a décortiqué sans langue de bois le discours de Sarkozy
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AFRIQUE-FRANCE
Achille Mbembé défie Sarkozy de prononcer à Pretoria le discours de Dakar
mercredi 8 août 2007, par Nettali /
Dakar, 8 août (APS) - Le chercheur camerounais Achille Mbembé a mis au défi Nicolas Sarkozy de prononcer, lors de de sa prochaine visite à Pretoria, le même discours que celui qu’il a adressé à la jeunesse africaine, le 26 juillet dernier à Dakar.
Un tel discours ’’ne pourrait pas (se) prononcer en Afrique du Sud, parce qu’il déclencherait d’énormes passions racistes’’, a déclaré mercredi sur Radio France internationale (RFI), M. MBembé.
’’On ne peut pas parler comme ça aujourd’hui. Et de toutes les manières, ce type de discours, qu’il soit empreint de franchise, de sincérité ou pas, n’est pas recevable. Les Africains ne l’écouteront pas’’, a estimé le chercheur camerounais.
’’Je défie le président Sarkozy de tenir un tel discours lors de sa visite annoncée à Pretoria’’, a lancé Achille Mbembé selon qui avec le genre de discours prononcé par le président français à Dakar ’’on arrive à réhabiliter des schémas intellectuels et politiques qui sont hérités du 19-ème siècle’’. Le tout, a-t-il ajouté, ’’sous couvert de sincérité, de franchise’’.
Dans le discours incriminé, le président français a notamment dit : ’’ le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain (...) dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles’’.
Selon Nicolas Sarkozy, ’’Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, (il) reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin’’.
Ce discours est ’’invraisemblable’’, juge Achille Mbembé, avant de marteler : ’’Manifestement, le président ne connaît ni notre histoire, ni les significations humaines dont elle est porteuse. Il se permet de parler des Africains et par extension de tous les Noirs à la manière du maître qui a pris la mauvaise habitude de maltraiter son esclave ou encore d’avilir sa chose’’.
Evoquant ’’l’insolence qu’autorise l’ignorance’’, le chercheur camerounais souligne que ’’finalement le président (français) prétend s’adresser à l’élite africaine, en fait dans ce discours, il essaie de faire des clins d’œil à la frange la plus obscurantiste de l’électorat français, ce qu’on pourrait appeler les colons nostalgiques, tous ceux-là qui pensent que quelques centaines de milliers d’immigrés noirs et arabes menaceraient l’identité française’’.
Sarkozy reprend, selon lui, les théories de Lévy-Bruhl sur ’’la mentalité primitive’’ qui ont été élaborés au cours du 19-ème siècle, ainsi que ce que Léo Frobenius notamment avait développé concernant ’’la force vitale’’ des Noirs.
Achille Mbembé a également cité le révérend Père Temples, qui a écrit sur la philosophie bantoue, soulignant que ’’tout cela est mis à la sauce de Senghor dont on sait très bien que la réflexion sur la culture, le métissage, la civilisation dépend en très grande partie des théories racistes du 19-ème siècle’’.
’’Il ne faut pas se contenter de si peu’’, a-t-il indiqué, faisant allusion à des passages de ce discours qui parlent de la diversité de ’’l’Afrique qui ne veut pas de charité ni de passe-droits, selon Nicolas Sarkozy, mais qui demande compréhension et respect’’.
’’Il faut, estime Achille MBembé, que le président soit cohérent. Je propose que pour sa prochaine visite, le président s’alimente à des sources disons un peu plus d’actualité, que ceux qui préparent ses discours et sa politique africaine prennent en considération l’ensemble des recherches qui ont été faites au cours du dernier quart de siècle’’.