Bonsoir
Comme il a été dit plus haut, l’immigration soninkée ne date pas d’aujourd’hui. Les Soninkés ont toujours été « un peuple migrateur, mobile et insinuant » pour reprendre les termes de Maurice Delafosse. Et pour ne parler que de ses aspects positifs, je note que grâce à l’immigration soninkée dans des pays comme la France, les Etats-Unis, le Congo, le Zaïre, et j’en passe, nombreuses réalisations ont vu le jour dans nos villes et villages d’origine. Des hôpitaux, des dispensaires, des mosquées, des écoles, des puits, des villas, etc, ont vu le jour grâce à l’argent des milliers et des milliers d’immigrés soninkés. Nombreuses sont les familles qui vivent décemment aujourd’hui grâce à la clémence de l’immigration. Notre frère Fodyé disait dans un autre thread qu’à Wawoundé, sa ville natale, les immigrés ont pu mettre en place un magasin où tout le monde prend sa ration alimentaire à la fin du mois. Cette entreprise a permis, si ma mémoire est bonne, de créer aussi des emplois. Les habitants n’ont plus à acheter des denrées de première nécessité à des prix exorbitants auprès des commerçants peu scrupules. Cet exemple salutaire pour l’éclosion d'une vraie économie locale est sans doute très positive et à saluer.
J’ai assisté à la brillante soutenance de thèse de doctorat de notre frère Mamadou Soumaré, dont la teneur est consacrée à une association d'aide au développement fondée ici en France pour aider son village qu’est Khabou (Mauritanie). Cette thèse (dont voici le libellé exact : Mamadou SOUMARE, Enjeux politiques autour d'un projet de developpement: le cas du village de Khabou (Mauritanie), Thèse d'Ethnologie, Université de Paris V, 2006, 368p., ) a montré brillamment, malgré toutes les difficultés locales et le désengagement l'État, comment l’association a pu avoir raison de plusieurs problèmes, dont la santé. Un dispensaire est mis en place où les gens qui étaient obligés d’aller se soigner jusqu’au Mali peuvent désormais faire certains soins sur place.
Parallèlement, tous les immigrés soninkés, quelle que soit leur origine, ont mis sur pied des associations pour par exemple rapatrier le corps des personnes décédées. J’ai fait partie d’une association dénommée SEKAD qui est montée ici en France par les gens de Kaédi et de ceux de Djéol. Et des associations pareilles appelées hurun kesi font florès ici en France. C’est dire que la solidarité est une donnée correcte de l’immigration soninkée.
Pour un examen minutieux de la question, on peut lire aussi avec profit: Yaya SY, Les associations villagoises soninké en France (AVSF) (Leur rôle dans la dynamique associative africaine en France et le développement des villages d'origine), Thèse d'Anthopologie sociale, Université René Descartes, 1996-1997, 471 p.
Pour ajouter une autre pièce au dossier, il importe de noter que malgré le fait que nous soyons dans un pays où la conservation de notre identité pose un certain nombre de problèmes et où le manque de temps est cruel, nous voyons que des bonnes volontés font le pied de grue pour promouvoir la langue et la culture soninkées. L’APS, Soninkara.com, entre autres, militent dans ce sens. Il suffit de mesurer l’ampleur de la rencontre d’hier des filles et des femmes de soninkara pour se rendre compte que quelque chose de formidable est en train de naître dans le contexte migratoire : l’amitié, les rapprochements familiaux, le retour aux sources, etc, etc. Notons par là que toutes ces filles et femmes qui se sont rencontrées hier sont presque toutes des enfants issus des regroupements familiaux du milieu des années 1970, avec la fermeture des frontières à partir de 1974. Et ces filles ne se connaissaient presque pas. Les différents cris d’alarme de Demba Tandia dans ces chansons en disent long. Aujourd'hui, qu'elles soient d'origine gambienne, mauritanienne, sénégalaise, malienne, elles se connaissent et sont devenues des sœurs, alors que si elles étaient nées dans les pays d'origine, cette rencontre aurait presque ou pas été possible, tant les chances sont réduites pour que leurs chemins se croisent. Mais dans le contexte migratoire, grâce à l’énergie des uns et le génie des autres, toutes ces barrières sont entrain de s’effriter. Et cela, j’avoue est un aspect très positif de l’immigration. Nous nous devons de ne plus rater une seule occasion similaire. Cela renforce notre unité et valorise notre identité soninkée. Et cela, il faut le dire, n'a rien à voir avec le communautarisme.
C'est dire que les immigrés soninkés font des réalisations ici et ailleurs.
Il y a certainement d’autres aspects positifs de l’immigration que les autres soninkaranautes ne manqueront pas de noter. Je tiens cependant à dire qu’il ne s’agit là que de la médaille, c’est-à-dire le côté positif, le jour où je m’attaquerai à l’autre versant, c'est-à-dire aux aspects négatifs de l’immigration qu’on ne me tienne pas rigueur, car il ne doit pas y avoir d'état d'âme pour celui qui veut être, autant que faire se peut, objectif. Nous nous devons d’accepter l’autocritique. Je laisse la main aux autres.