Les Pays-Bas irrités par l'accueil réservé à Ayaan Hirsi Ali au Parlement européen.
Les Pays-Bas irrités par l'accueil réservé à Ayaan Hirsi Ali au Parlement européen
L'ancienne députée libérale néerlandaise d'origine somalienne Ayaan Hirsi Ali, exilée à Washington et menacée de mort par des groupes radicaux pour ses critiques de l'islam, devait être reçue, jeudi 14 février, au Parlement européen, à Bruxelles. Elle devait y rencontrer le président Hans-Gert Pöttering, avant de participer à un débat.
Mme Hirsi Ali avait été conviée par des socialistes français, dont Benoît Hamon, auteur d'une déclaration écrite sur la prise en charge par l'Union européenne de sa protection. Ce texte a été signé par près d'une centaine d'eurodéputés, émus par la décision des autorités néerlandaises qui, depuis octobre 2007, refusent d'assumer le coût de ses gardes du corps.
L'initiative parlementaire et la rencontre avec M. Pöttering ont mis de mauvaise humeur le gouvernement de La Haye, déjà agacé par le meeting de soutien à Ayaan Hirsi Ali organisé à Paris, dimanche 10 février. Au cours de celui-ci avait été évoqué l'idée de créer un fonds européen pour assurer sa protection, ainsi que son éventuelle naturalisation française.
Le gouvernement néerlandais affirme qu'il est prêt à discuter d'un tel projet de fonds. Mais il ne cache pas son irritation tant à l'égard de la France que du Parlement européen. Il souligne que Mme Hirsi Ali a choisi volontairement de s'exiler et ne pouvait exiger ni des Etats-Unis ni de son pays qu'ils assument le coût de sa protection, estimé, selon le ministre de la justice néerlandais, à 2 millions d'euros par an. L'ex-députée a donc été contrainte il y a quelques mois de lancer un appel à des fonds privés.
"ATTITUDE INVRAISEMBLABLE"
Au Parlement européen, des députés néerlandais, écologistes et réformateurs, appuient le texte de M. Hamon. Jan Marinus Wiersma, travailliste, évoque, en revanche, une "absurdité". Selon lui, la chambre néerlandaise s'est exprimée sur le sujet et l'affaire est "close". Pour Jules Maaten, libéral et ancien collègue de parti de Mme Hirsi Ali, certains ont fait un "coup publicitaire à bon marché".
"Les Pays-Bas ont une attitude invraisemblable et affichent leur crispation, confirmant que ce pays est empoisonné par les débats sur le multiculturalisme et la confusion entre islam et islamisme", réplique M. Hamon. L'eurodéputé PS souligne, en tout cas, que certains programmes européens actuels, ou des programmes spécifiques, permettraient de financer la protection de Mme Hirsi Ali.
La presse néerlandaise s'est elle aussi divisée. Des commentateurs, de gauche comme de droite, réunis par leur méfiance à l'égard de la France, se gaussent du soutien apporté par des intellectuels et des hommes politiques français à Mme Hirsi Ali, contestée aux Pays-Bas. Sylvain Ephimenco, éditorialiste du quotidien chrétien Trouw, juge, en revanche, réconfortant "le fait que, grâce à des intellectuels français, la gauche ait retrouvé ses valeurs universelles, foulées au pied aux Pays-Bas".
Jean-Pierre Stroobants
Source : Le Monde