Equipe : K. Delaunay, A. Hugon, D. Juhé-Beaulaton, A. Lainé
Historique et objectifs du thème
Dans les années 1980, au CRA (intégré dans l’UMR MALD), quelques jeunes chercheurs s’étaient intéressés aux questions de santé sur des sujets variés : épidémies, épizooties (trypanosomiase, onchocercose), maladies génétiques (drépanocytose), questions d’alimentation et de nutrition, puis les initiatives s’étaient taries. En 2001, quatre chercheurs, soulignant l’indigence de la recherche historique sur ce thème en France en comparaison d’autres pays notamment anglo-saxons, ont décidé de réactiver ce thème de recherche au MALD.
Les premiers ateliers (2001-2002) ont d’abord conduit à des inventaires bibliographiques, à des réflexions méthodologiques et à l’élaboration de problématiques s’appuyant sur les travaux de la socio-anthropologie de la santé mais dans la perspective d’une historicisation des questions de santé en Afrique.
Problématique
Se pencher sur la notion de santé implique de réfléchir à une histoire des maladies, des thérapies et des politiques de santé mais également d’élargir cette réflexion à l’ensemble des techniques, pratiques, politiques et processus de gestion des corps. Mettant en relation le corps individuel et le corps social, l’intime et le collectif, l’entrée “ santé ” amène à porter un regard particulier sur l’histoire des hommes et des femmes, de leurs relations (de pouvoir aussi bien que rapports de genre ou de génération, relations de dépendance ou de domination aussi bien que stratégies d’émancipation, etc.), comme avec leur environnement au sens large (naturel, économique, social, juridique et politique) dans des contextes locaux, nationaux et internationaux de plus en plus prégnants dans l’histoire contemporaine. L’équipe en charge de ce thème de recherche a choisi de travailler en direction d’une histoire des savoirs en matière de santé, qui permet un éclairage multivarié des enjeux sociaux et économiques, des tensions institutionnelles ou politiques, des approches culturelles et philosophiques qui sous-tendent l’histoire de la santé dans le présent comme dans la plus longue durée.
Travaux collectifs
Une table ronde a été organisée en janvier 2003 sur « Santé et maladie en Afrique. Histoire de la diffusion des savoirs ». Depuis, les activités de ce groupe se sont poursuivies par :
- des travaux en vue de la publication des interventions à la table ronde (dossier accepté par la revue Outre-mers)
- l’élaboration d’un programme de recherche soumis une première fois en 2003 à l’appel d’offre ACI « Histoire des savoirs » (dossier non retenu) mais sur lequel le groupe continue à travailler pour le présenter de nouveau lors d’une prochaine session.
- l’organisation d’un séminaire de recherche et de DEA, qui a débuté en janvier 2004, intitulé « Historicité de la santé » avec la collaboration de Doris Bonnet (DR IRD).
Travaux individuels
Karine Delaunay développe une recherche visant à analyser, dans la durée, la construction et le fonctionnement des dispositifs de prévention mis en œuvre face au VIH/sida, ainsi que les expériences qui en sont faites, en replaçant cette pandémie dans l’ensemble des affections dites autrefois sociales, notamment la tuberculose et les MST. Ces maladies, affectant les liens sociaux, agissent comme des révélateurs des situations de crise, à l’époque coloniale comme actuellement. Une attention particulière est portée aux procédures de désignation des « cibles » de la prévention (à leurs argumentaires et à leurs choix, à leurs transmissions et leurs réactualisations ou redéfinitions) ainsi qu’aux médiateurs ou « relais » mobilisés pour pénétrer la société. Reposant sur des recherches documentaires et des enquêtes en milieu urbain, au Sénégal et si possible en Côte-d’Ivoire, l’analyse portera en particulier sur le façonnement des catégories sexuées, dans leur double dimension d’attribution et de qualification du féminin et du masculin, dont les rapports à la santé ne peuvent être dissociés de relations de pouvoir plus larges ni de processus tels que les migrations, l’urbanisation, l’accès au travail, le marché matrimonial, etc.
Anne Hugon a commencé en 1999 une recherche sur l’histoire de la maternité à l’époque coloniale au Ghana, notamment sur tout ce qui a trait aux premières tentatives de médicalisation de la grossesse et de l’accouchement. Dans ces processus, restés d’ailleurs partiels, l’influence des sages-femmes, formées par les autorités coloniales à partir de 1928, est cruciale : d’où de nombreux entretiens menés avec des sages-femmes retraitées, ainsi qu’avec des femmes âgées ayant accouché dans les années 1940 ou 1950. Pour le reste, cette recherche s’appuie essentiellement sur des archives du Département Médical (ancêtre du Ministère de la Santé), au Ghana mais aussi en Grande-Bretagne. Il s’agit de comprendre comment le rapport des femmes (et plus largement des diverses communautés ghanéennes) à la maternité a évolué au milieu du 20ème siècle, et comment ce rapport, mettant en jeu différents groupes sociaux, informe plus généralement sur les changements à l’œuvre durant la période coloniale.
Dominique Juhé-Beaulaton travaille en collaboration avec Agnès Lainé sur les sources missionnaires du XIXe siècle afin de rédiger un article sur « la reconnaissance et l’appropriation par les Européens de savoirs phytothérapeutiques sur la côte ouest africaine aux XVIIe-XIXe siècles ». Ces recherches sur la construction des savoirs seront poursuivies dans le cadre du programme en cours d’élaboration.
Agnès Lainé, outre ce travail en commun, a entrepris une recherche sur les acteurs sociaux émergents dans le domaine de la santé « néotradithérapeutes » et « associations de malades » autour d’une maladie génétique à forte prévalence africaine, la drépanocytose. Cette recherche a pour cadre le Bénin mais passe par l’examen de réseaux transnationaux. Une partie est conduite en collaboration avec un chercheur de l’IRD, une autre avec l’hôpital Necker-enfants malades à Paris. Elle entre dans le cadre de son programme de recherches sur l’histoire des savoirs de santé en Afrique au XXe siècle (étude comparative Bénin-Sénégal) à partir des maladies génétiques (drépanocytoses, thalassémies) . Elle a également dirigé la publication d’un ouvrage collectif sur la drépanocytose (Karthala, 2004).
Perspectives
Le travail engagé collectivement il y a trois ans se poursuit, avec dans l’immédiat un effort éditorial pour achever la publication des contributions à la table ronde du 13 janvier 2003. Ce devrait être chose faite au plus tard au printemps 2005.
Il s’agirait pour l’équipe actuelle de s’enrichir des apports de nouveaux collègues. Doris Bonnet, chercheur à l’IRD, a déjà été associée à l’organisation du séminaire en 2003-2004 et des candidatures sont à l’étude en ce moment pour des chercheurs travaillant sur l’histoire de la santé en Afrique et souhaitant être affiliés au MALD.
Enfin, une nouvelle table ronde est prévue pour juin 2005, avec un double objectif : présenter des travaux durant la première demi-journée mais aussi et surtout rassembler des collègues afin de constituer un véritable réseau pluridisciplinaire de chercheurs s’intéressant à l’histoire de la santé et de la maladie en Afrique.