PARIS — Le ministre de l'Immigration, Eric Besson, a annoncé mercredi vouloir engager une "réflexion" sur les "mariages gris", qualifiés "d'escroqueries sentimentales à but migratoire", un projet immédiatement dénoncé par les associations de droit des étrangers. Ces "mariages gris" désignent des mariages conclus entre un étranger et une personne de nationalité française de bonne foi, abusée dans ses sentiments par un(e) étranger(e) dont l'objectif est d'obtenir titre de séjour ou nationalité française. Réunissant dans son ministère des hommes et des femmes se disant victimes de tels mariages, Eric Besson a d'abord fait valoir devant la presse que le nombre de mariages mixtes représente environ 30% de la totalité des mariages (273.500 en 2008). Un chiffre contesté par le sociologue Eric Fassin qui lui, donne le taux de 26,5%. Plus de 100.000 naissances issues de couples mixtes ont été enregistrées en 2008, soit 13% des enfants nés en France, contre 6% il y a dix ans, a également indiqué le ministre. M. Besson a souligné que le mariage représente aujourd'hui la principale "source" d'immigration en France: avec 50.000 autorisations de long séjour délivrées chaque année à ce titre, il représente le double du nombre de titres de séjours délivrés à titre professionnel. Une réalité qui ne correspond pas à l'objectif fixé par le président Sarkozy de parvenir à 50% d'immigration par le travail (l'immigration "choisie"). Par ailleurs, sur 100.000 acquisitions de nationalité française en 2007, les accessions par mariage ont représenté à elles seules près de 30.000. Le ministre a encore précisé que 80% des cas d'annulation de mariage concernent des mariages mixtes. Si Eric Besson a pris soin d'affirmer que les mariages mixtes représentaient "un enrichissement pour notre société", il a néanmoins souligné que leur défense "doit aller de pair avec la lutte contre les mariages de complaisance". Il a chargé Claude Greff, députée UMP d'Indre-et-Loire, d'"engager une réflexion" sur le sujet, à laquelle sera associé le ministère de la Justice. "Nous étudierons l'opportunité de proposer de nouvelles mesures afin de lutter plus efficacement contre les mariages de complaisance", a-t-il ajouté. "On est en train de fabriquer une peur, un danger pour préparer le terrain à un durcissement de la législation", a rétorqué Nicolas Ferran, porte-parole du collectif des "Amoureux au ban public", qui défend les couples franco-étrangers.
"Dans l'immigration subie" dénoncée par Nicolas Sarkozy, il y a d'abord l'immigration familiale dont une part importante est constituée par les conjoints de Français, explique Nicolas Ferran. Mais comment expliquer aux Français que leurs conjoints ne sont pas les bienvenus ? C'est inassumable. Alors, le gouvernement ressort du chapeau les mariages blancs ou gris". Nicolas Ferran a par ailleurs contesté le fait que 80% des cas d'annulations de mariages concerneraient des unions mixtes. Citant des chiffres du ministère de la justice, il a indiqué que les annulations concernent moins de 1% des mariages. En 2004, il y aurait eu ainsi 737 mariages annulés dont 395 au motif qu'il ce serait agi de mariages blancs. Sur 88.123 mariages mixtes célébrés en 2004, a fait valoir M. Ferran, il y aurait donc eu 0,45% de mariages blancs annulés par la justice. En France, contracter un mariage de complaisance est un délit puni de 5 ans de prison et de 15.000 euros d'amende. Le conjoint de Français peut obtenir une carte de résident au bout de 3 ans de vie commune, et peut obtenir la nationalité au bout de 4 ans de vie commune. "Notre Nation est généreuse", a observé Eric Besson.
De Anne-Marie LADOUES (AFP)