Bonjour Badem
Je suis entièrement d’accord avec toi que la culture, l’identité, la civilisation, la langue ne sont pas des entités figées. Elles évoluent au gré des circonstances historiques et ne trouvent leur salut que dans ce que tu appelles une dynamique interne et externe. Je suis aussi d’accord avec toi que toute culture qui se recroqueville s’étiole tôt ou tard. La société soninkée ne semble pas se soustraire à cette règle, en dépit de son propre mode de fonctionnement.
Pour nous en convaincre, revisitons ensemble l’histoire. Depuis la dislocation de l’empire de Ghana au milieu du 12e siècle, les Soninkés se sont dispersés. Et au cours de toutes leurs pérégrinations, ils ont eu à apporter à d’autres populations, mais aussi à s’enrichir d’elles d’un point de vue culturel, démographique, linguistique, et j’en passe. Des Douckourés devenus des Douckés chez les Torodo du Fouta Toro, des Mangassouba, devenus des Magassoubas, chez les peulhs de la Guinée. On trouve dans la langue soninkée, plusieurs emprunts. Les exemples ne manquent pas. Beaucoup de Soninkés sont devenus aujourd’hui autre chose que ce qu’ils étaient d’un point de vue culturel. Tout cela pour te dire que je ne pense pas que les Soninkés soient aussi réfractaires au dynamisme comme l’on nous fait croire.
Quant à leurs stratégies matrimoniales, je ne pense pas, sans les défendre, qu’ils aient, en l’espèce, tort, s’il s’agit simplement de conserver son identité, sa langue, son homogénéité, bref sa culture au sens large du mot. Car l’expérience a montré –nombreux sont les chercheurs qui sont unanimes sur ce point- que très souvent c’est par le biais des mariages extracommunautaires que l’on arrive à assimiler les minorités nationales. Et comme les Soninkés ont largement subi par le passé cette forme d’assimilation dans plusieurs coins ouest africains, ils cherchent à sauvegarder leur culture par le refus des mariages mixtes. C’est une dynamique interne qu’ils ont mises en avant, ce qui ne veut forcement pas dire qu’ils sont contre les autres où qu’ils sont contre une dynamique qui vient de l’extérieur. Une dynamique extérieure peut se faire sans passer par le mariage. Les Soninkés en ont largement profité aussi, car ils ont beaucoup emprunté de leurs voisins.
Je ne défends aucune tendance, mais j’essaye de montrer que l’attitude des Soninkés à ne pas vouloir les mariages mixtes s’expliquent par le fait que, en tant que minorité au Sénégal, au Mali, en Mauritanie, en Gambie, ne veulent pas être absorbés par les populations les plus majoritaires, perdre leur personnalité culturelle, leurs particularités, expression de leur identité. Donc, il ne s'agit pas d'une simplification, mais d'un combat pour la survie de son identité. Et cela n'est pas qu'une spécificité soninkée. Je reviendrai sur le sujet, s’il le faut, car la discussion prend une tournure sérieuse où seuls les arguments scientifiques sont à même de mieux étoffer les choses.
Quant à l’ouvrage dont parle Sylvain sur le « branchement », il me faut absolument le lire. Il est tentant.