Bonsoir
Voici quelques passages qui peuvent en partie expliquer les problèmes structurels que rencontrent les associations soninkées, qu'elles soient ici ou au pays.
Cheikhna Mouhamed WAGUE dit :
Les conflits socio-identitaires n’épargnent pas non plus le volet culturel. A tire d’exemple, en Août 1996, j’ai assisté, dans le cadre d’une observation participante, à une assemblée des jeunes soninkés de Kaédi (Mauritanie) réunis pour l’élection du président de leur association culturelle. Plusieurs candidats étaient en lice, mais celui d’origine servile a été rejeté par les jeunes hooro (hooro-n-lenmu), au motif que son statut ne lui donnait pas le droit de diriger. Et, la mésintelligence s’aggravant, chaque groupe a décidé d’évoluer de nos jours dans sa propre structure. Cet état d’esprit incline à dire que la jeune génération n’est pas prête à changer les anciennes règles du jeu identitaire et politique, que les appellations hoore, ňaxamalo et kome sont bien vivantes, et la vigueur des revendications intacte. Les pratiques ont certes évolué, mais les mentalités peinent à s’inscrire dans une logique de changement. [1]
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[1] C.-M, WAGUE, « Quand les identités sociales s’affrontent la coexistence devient difficile au Fouta Toro. Les Soninkés face aux mutations du XX e siècle », Hypothèses 2006, Travaux de l’Ecole Doctorale d’Histoire de Paris I, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p.225.
Mahamet TIMERA dit:
L’appartenance nationale a de plus en plus tendance à devenir un critère pertinent au sein de l’immigration et son rôle dans la formation des associations n’est pas toujours absent. Il semble que, même entre Soninké, l’origine nationale détermine un certain degré ou une certaine distanciation. La référence fréquente à la nationalité et non à l’ethnie seule pour définir et désigner des voisins, le sentiment de supériorité des uns vis-à-vis des autres, des Soninkés du Sénégal notamment vis-à-vis de leurs « frères » du Mali ou de la Mauritanie témoignent de la réalité du fait national comme critère pertinent. En fait, ce qui est surtout déterminant dans les rapports entre ces différentes communautés soninké, c’est souvent la profondeur de l’impact colonial et du contact avec le colonisateur qui se traduit par une moindre résistance à l’acculturation dans l’espace urbain en France. Ainsi, les plus avertis des normes de la vie urbaine participent à la stigmatisation de leurs compatriotes et adoptent parfois de stratégies de distinction ou de distanciation[1]
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1] M. TIMERA, Les Soninké en France. D'une histoire à l'autre, Paris, Karthala, 1996, p. 135.