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Où sont elles Les communes?
Triste spectacle que celui offert par nos rues et nos avenues. Des tonnes d'immondices s'amoncellent dans l'indifférence générale, même les alentours de la Présidence de la République n'ont pas été épargnés par l'irresponsabilité et la démission des services chargés de l'assainissement et de l'hygiène.![]()
Et pourtant, ce ne sont ni les structures , ni les moyens et encore moins les contrats faramineux qui manquent. C'est surtout la volonté, le sérieux et le patriotisme qui font défaut. Pourquoi faut il que ça continue? pourquoi veut-on donner un mauvais visage de ce pays ? pourquoi se cramponne-t-on aux avantages et fuit-on les devoirs? et pourquoi continue t-on en depit de la creation d'une communauté urbaine aux moyens faramineux et de neufs autres communes à Nouakchott à présenter un visage deguelasse de la capitale de tout un pays.
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Des questions auxquelles les réponses sont pourtant aisées. Cette démission vis à vis d'un petit defi relevé dans toutes les capitales du monde est le résultat de l'incurie, de l'insouciance et de la mauvaise gestion qui restent de mise au niveau des communes et de la communauté très peu urbaine de Nouakchott.
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Jusqu'à quand ? Que nous soyons ensevelis sous les ordures? Refusons ce destin! Les " almoudo "
Des enfants sans enfance
Nouakchott, comme beaucoup d'autres grandes villes de l'Afrique de l'Ouest, se caractérise par l'existence de petits mendiants communément appelés " almoudo ". Ce terme qui tire son origine de la langue pulaar désigne en réalité un apprenant du coran, le texte sacré que les musulmans prennent le soin de faire réciter, en entier ou en partie, par leurs garçons et filles dès leur plus tendre enfance. Certains parents ont, pour ce faire, pris l'habitude de confier leurs garçons de manière exclusive à des maîtres de coran qui finissent par se trouver acculés par le quotidien au point de réduire leurs petits disciples à de misérables chercheurs d'une pitance censée leur permettre de subsister dans une famille que leur présence n'aura pas manqué de rendre nombreuse.
Errance et devoir de mendicité
Les almoudo passent le plus gros de leur temps dans les grandes artères de la ville, à l'entrée des mosquées, des épiceries ou autour des stations d'essence et surtout des feux de signalisation. On les voit, très tôt le matin ou très tard la nuit, tenant à la main une sébile, cet éternel vieux pot de tomate usagé qui leur sert de fourre tout. Ils vont la paume ouverte et tendue aux passants ; ils retournent désespérément parfois le sable près des marchés pour trouver quelques pièces providentielles de monnaie qui leur éviteraient de rentrer bredouilles et de s'exposer aux châtiments du thierno, le maître à qui ils doivent rapporter quotidiennement de l'argent, du riz, du sucre, des biscuits…bref, de tout ce qui peut être revendu ou servir à boucher les trous, soit de la poche du maître, soit de la marmite de la concession. " Je n'ose pas rentrer chez mon maître sans avoir cinquante ouguiya à lui rapporter… ", dit un petit garçon de huit ans qui traînait encore à une heure tardive du soir dans les environs de la polyclinique… Avec le froid qui s'annonce, on les verra certainement mal vêtus et grelottant dehors qui sillonnent en somnolant les grands axes, ou s'affairent autour de restaurants à la recherche d'un repas…
Précocement responsables
Devenus par la force des choses des sortes de représentants en mendicité, les braves petits quémandeurs " blanchissent leur aumône " en échangeant autour des minibus, non sans un bénéfice certain, des pièces de monnaie contre des billets de cent, deux cents, cinq cent… ou en vendant des restes de repas à des chercheurs de nourritures pour bétail.
Quand ils ne sont pas en train de mendier dans les rues, les almoudo se transforment en porteurs dans les marchés où certaines ménagères louent leurs services pour charger les provisions, ou encore en petits revendeurs de sacs jetables en plastic dont les femmes se servent plus pour augmenter la saleté des quartiers que pour mettre leurs victuailles à l'abri des mouches et autres prédateurs de nourriture.
Les almoudo qui travaillent plus qu'ils n'étudient prennent pratiquement en charge les dépenses de leur thierno et donnent ainsi l'impression d'être des adultes confrontés à la dure réalité de la vie " alors que ceux qui ont leur âge, affirme M.B -sage femme et mère de famille indignée de voir ces petits gueux au travail- se contentent de consommer ce que leurs parents apportent et jouissent de leur enfance en toute liberté. "
Enfance bafouée
Exposés à tous les dangers, les almoudo qui fréquentent les lieux publics sont l'objet de méfiance et deviennent la proie facile des "chercheurs de coupables" lorsqu'on crie au voleur…" C'est normal, avec ces marabouts qui exigent d'eux l'impossible, ces pauvres enfants finiront par devenir des voleurs " , dit une dame qui se révolte en voyant un boutiquier harceler un petit garçon qu'il soupçonnait d'avoir volé un paquet de cigarettes.
Certains adultes ont l'habitude de réprimander ces jeunes en leur disant en guise de réponse à leur demande : " Va à l'école au lieu de quémander ! ", oubliant ainsi qu'un enfant ne se met pas tout seul à l'école.
Lorsqu'ils ont la chance de se consacrer à leurs tablettes, ces mendiants-apprenants sont en proie à la fatigue et ont toutes les difficultés à mémoriser quelque verset que ce soit. A l'image de cet autre garçonnet qui avait tout le mal possible à restituer correctement des versets consignés sur son ardoise " depuis une semaine déjà", selon un disciple-surveillant qui n'hésitait pas de lui envoyer quelques coups de chicote sur la dos.
Ces enfants sans enfance ont tout à envier à d'autres dont on n'a pas forcément fait du destin un apprentissage exclusif du coran et qui sont régulièrement à l'école et ont accès aujourd'hui à tous les cadres d'épanouissement nécessaires pour leur croissance. Education, soins, affection…tout manque à ces bambins peut-être sacrifiés.
Véritable drame social
Transformés en enfants de la rue, les almoudo continuent à vivre misérablement dans la cruauté d'une vie où on ne pardonne pas à l'innocence d'être sans défense. Ils continuent à chercher leur pitance en même temps que le savoir en toute difficulté…
" A qui faut-il imputer la faute d'une vie d'errance devenue celle de ces gamins?
- A leurs parents, répond une jeune femme qui trouve que les parents sont irresponsables car, selon elle, on ne confie pas son enfant à un marabout sans vérifier s'il est capable ou non de subvenir à ses propres besoins d'abord avant de prétendre prendre en charge les enfants d'autrui. "
En réalité le problème pourrait se situer à d'autres niveaux beaucoup plus complexes. On se demande, comme ce sociologue que nous avons interpellé sur la question, si les phénomènes de polygamie, de divorces, d'indigence…bref, de tous les déséquilibres familiaux ne contribuent pas à aggraver la situation de ces jeunes dont l'enfance est de plus en plus confisquée. En effet, avec tous ces pères de familles qui, après avoir procréé à leur guise, croient faire acte de bienfaisance en envoyant leur rejetons chez des maîtres de coran, il y a de quoi se révolter contre une société qui s'enlise de plus en plus dans la désolation inconsciente.
Pourtant, certains trouvent dans ce phénomène un aspect positif dans la formation de la personnalité de l'enfant. C'est en tout cas l'avis de O.A.N, commerçant de tissus âgé d'une soixantaine d'années qui déclare : " Nous sommes tous passés par là. Moi qui vous parle j'ai connu des situations plus difficiles où il fallait faire en plus de la mendicité toutes les corvées ménagères pour les épouses de notre maître …cela ne m'a pas empêché d'avoir la bénédiction et de devenir le commerçant que vous voyez. Et j'ai pu, ajoute-il, réciter le coran trois fois sans compter que j'ai appris la charia et tous les autres sciences islamiques. "
O.A.N se réfère à une époque où la vie n'était peut-être pas aussi cruelle et où pour survivre on n'avait pas besoin de " tirer le diable par la queue ".
-Tous les almoudo ne sont pas des petits Samba Diallo, déclare S.A, assistant social qui se souvient d'avoir lu le roman de Cheikh Hamidou Kane, ils ne connaîtront sûrement pas l'école moderne. Celle que nous avons combiné avec notre apprentissage du dogme de notre islam, poursuit-il.
Il faut dire, en plus, que ces petits apprenants sont en définitive des vendeurs de versets coraniques dont la récitation leur vaut, dans certaines communautés, quelques pièces de monnaie ou quelques mesures de mil…
Et ce sont finalement des enfants qui pourraient être exposés au désir de vengeance lorsqu'ils voudront rattraper le temps que cette société est en train de leur faire perdre.
Et quand on parlera de délinquance, ils seront les premières cibles puisque de toutes les façons, ces gamins n'inspirent aucune confiance à la société dans laquelle ils ne comptent pas le moindre soutien.
Qu'ils soient à plaindre ou à admirer, les almoudo mènent une vie d'enfer dans un contexte où, quelque part dans le monde, on se soucie d'affranchir l'enfance du joug des adultes… Venus pour apprendre ils grandissent, sans en avoir l'impression, dans une frustration perpétuelle …
Kissima DIAGANA
Source: Nouakchott info