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A la cité des Tarterêts : "C'est la France que les Bleus représentent, pas la banlieue"
Il ne reste plus une place. Mercredi 23 juin, environ 80 jeunes suivent la rencontre Algérie-Etats-Unis sur écran géant à la maison de quartier des Tarterêts à Corbeil-Essonnes. Après la défaite des Bleus, beaucoup ont reporté leurs espoirs sur les Fennecs. Quelques supporteurs portent le maillot algérien. On ne voit pas de drapeau rouge et vert mais il y a de l'ambiance dans la petite salle de cinéma
La fin du match approche, les supporters cessent d'y croire. Plutôt que l'abattement, les jeunes optent pour la rigolade. Au but américain, ils se lèvent, sautent et exultent comme si l'Algérie avait marqué. Les bilans sont tirés à l'issue de la rencontre. "Cette Coupe du monde, elle est chim!", nulle. Pas de coups de klaxon, pas de départ à Paris. Dépité, Nassou Moindjie, 22 ans, compte les défaites: "La France a perdu, l'Algérie a perdu. Le Ghana va se faire battre par l'Allemagne, la Côte d'Ivoire, c'est mort aussi. L'Afrique, c'est fini, les gars. Et maintenant, je ne sais pas qui on va supporter." Le cœur y était pourtant. Au début de la compétition, Nassou "voyait la France porter la Coupe!". Christophe Yammine, 23 ans, avait "parié vingt euros que les Bleus iraient en finale". Karim Ouchani, 21 ans, déclarait mardi "soutenir les Bleus. Je suis français et j'en suis fier".
Pourtant, ces derniers jours, plusieurs déclarations ont mis en doute l'attachement des jeunes issus de l'immigration au drapeau tricolore et fait un rapprochement entre l'attitude dédaigneuse des joueurs français et l'image négative des banlieues. "Tout le monde condamne les quartiers populaires. On est en train de construire une autoroute pour le Front national", a alerté mardi 22 juin Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Ville, après les "racailles" et "petits merdeux" proférés à huis clos par des députés UMP.
"DES BOUCS ÉMISSAIRES"
Dimanche 20 juin sur Europe 1, le philosophe Alain Finkielkraut avait déclaré: "On a rêvé avec l'équipe de la génération Zidane, aujourd'hui on a plutôt envie de vomir avec la génération “caillera”." Eric Zemmour embrayait sur RTL: "Gourcuff a été mis à l'amende comme les premiers de la classe dans certains quartiers de banlieue…" Aux Tarterêts, les réactions sont fatalistes. "On a grandi avec le racisme et l'hypocrisie, cela ne nous touche plus. C'est grave mais cela ne m'étonne pas de la part de députés de la droite décomplexée de Sarkozy. Ils veulent trouver des boucs émissaires, qu'ils le fassent. Heureusement, il n'y avait pas de “rebeus” dans l'équipe, ils ne pourront pas islamiser l'échec des Bleus", ironise Franck Moracin, 38 ans.
"Avec Zemmour, on est habitué, réagit Lassata Dirra, 25 ans. Au début, cela me choquait, maintenant, je ne fais plus attention. De toute façon, si les Bleus avaient gagné, personne n'aurait parlé de racaille…" Oubliée la formule "black-blanc-beur" de 1998. Des commentaires à géométrie variable que dénonce Lassana Wassa, 25 ans: "Quand l'équipe gagne, les joueurs sont français. Quand elle perd, ce sont des Africains de nationalité française." "Et en 2006, quand Zidane a mis un coup de boule, personne n'a dit que c'était un voyou", relève Ibrahim Diakit, 25 ans.
"DÉGOÛTÉS DES MOTS D'ANELKA"
L'assimilation des Bleus aux jeunes des cités n'a pour eux aucun sens. "Les joueurs ont vécu dans les quartiers jusqu'à 12 ans et sont partis ensuite en centre de formation", note MedhiB., 29 ans. "Ce ne sont pas des jeunes, Anelka a 31ans, Ribéry, 27 ans… C'est la France qu'ils représentent, pas la banlieue", commente Nassou. Loin de s'identifier aux joueurs, les habitants des Tarterêts condamnent leur comportement. "Etre appelé en équipe nationale c'est comme être appelé à l'armée, vous devez vous battre pour votre pays, estime Franck. Je crois que les Bleus n'ont pas pris la mesure de l'attente des Français, qu'ils soient jaunes, noirs ou blancs. La Coupe du monde a un impact sur le moral des gens! Si j'avais été Domenech, j'aurais viré Anelka encore plus vite."
Tchooo