Apparemment, depuis quelques semaines, en Mauritanie, c’est le « Tous contre nous même »*, comme le dit la chanson, qui semble prévaloir. Imaginez, un pays dont la majorité de la population a pour langue maternelle, un dialecte arabe, le Hassanya, dont la proximité avec l‘arabe littéral est de même valeur que celle de pays reconnus comme arabes, de par le monde. Un pays dit « des Mille poètes », connu pour la qualité de ses productions littéraires en langue arabe, une vertu héritée de ses ancêtres, dont les manuscrits, patrimoine de l’humanité, sont soigneusement conservés dans la mythique ville de Chinguetti.

Imaginez encore, une nation qui fédère différentes communautés, de races différentes, mais dont le métissage et le brassage exclut toute référence raciale. Au sein de cette nation, les populations dont la langue maternelle n’est pas l’arabe, Haal pulaar, Soninkés et Wolofs, ont un partage avec la composante dite maure, un art de vivre, un esprit et une culture, cimentés par un ensemble de valeurs sociales et culturelles qui fondent ce qu’on pourrait appeler, la Mauritanité. C’est un esprit, qui fait que le Wolof mauritanien est plus proche de l’Arabe mauritanien que du Wolof sénégalais, que le Haal pulaar de la vallée du fleuve est culturellement différent du Toucouleur de langue Pulaar du Sénégal, que le Soninké de Sélibaby n’est pas totalement le même que celui du Mali. La Mauritanité transcende la langue parlée par l’une ou l’autre des ethnies du pays, elle est cet esprit, à nul autre pareil, atypique en Afrique, que partagent toutes les composantes d’un peuple de toutes les couleurs.

Alors, la langue arabe, cette langue, objet de toutes les polémiques depuis quelques semaines, qui est présentée comme le facteur de division de la nation, à travers les débats et les tribunes, en Mauritanie d‘abord et qui ensuite semblent avoir fait des émules dans les médias africains et même occidentaux … Eh bien, cette langue, ni propriété des Maures, ni imposée aux autres ethnies, elle est le produit d’une histoire et d’une géographie, qui font que des Haal pulaars, des Wolofs ou des Soninkés ont pu l’enseigner à des Maures, la pratiquer et la porter comme une part profonde d’eux même … et des Arabes et Arabo-berbères, la reconnaitre comme une langue maternelle.

Imaginez surtout, que gravée dans le marbre de la constitution de la République islamique de la Mauritanie, depuis sa naissance l’arabe est langue officielle, dans ce pays. Et voilà bien longtemps, que ses filles et ses fils sont scolarisés en arabe et en français, que les documents officiels sont dans les deux langues et … des fois seulement en arabe, que les discours officiels se font majoritairement en arabe, que la presse et la télévision sont bilingues, que le français et l’arabe se côtoient sur toutes les enseignes, et j’en passe encore ….

Les mauritaniens à la jointure de deux Afriques, celle dite « Noire » et l’autre dite « du Nord », le Maghreb, se reconnaissent tous dans cette géopolitique atypique qui place leur pays, à la fois, comme un membre à part entière de l’Union pour le Maghreb Arabe, de l’Union pour la Méditerranée, de l’Union africaine, comme un pays qui est sorti de sa propre initiative de la zone franc (se démarquant des autres pays d’Afrique noire) en créant sa propre monnaie, l’ouguiya … un pays qui peut, en toute légitimité, parler au nom des Arabes ou des Noirs d‘Afrique. Dans l’espace francophone, la Mauritanie ne se sent, non plus, nullement étrangère à la « Francité », cet esprit français qui passe au travers de la langue française, comme le disait Léopold Sédar Senghor.

Le débat sur l’arabisation est donc un leurre, un faux débat …. Puisque l’arabité de la Mauritanie est une réalité, à la fois culturelle, politique et sociale. La langue arabe, en tant que patrimoine culturel de toute la nation, est au cœur de cet esprit fort exaltant, qu’est la Mauritanité.
Ce pays ne saurait donc être caricaturé, comme le font certains mauritaniens, dans cet exercice fort périlleux du « Tous contre nous même » à des fins politiciennes, ou les medias, ailleurs dans le monde, en toute méconnaissance de la complexité de ce pays. Erigés en valeurs, la simplicité et l’hospitalité y accueillent, sur le pas de la porte, l’étranger au domicile, avec le mot « bismillah », prononcé différemment suivant les accents des différentes langues nationales … Et, c’est un mot arabe que toutes les ethnies se sont appropriées pour vous dire « entrez, vous êtes bienvenu chez nous » !

Bint Fouta de France pour Mauritanidees
Copyright Ciesma Avril 2010


*Titre d’une Chanson de « Kery James », France, 2009

sources: Agoravox (lien vers l'article)