Histoire de l’esclavage en Mauritanie
1 Avant la colonisation
Le peuplement et l’histoire de la Mauritanie se situent au carrefour de l’Afrique noire et du
Maghreb. Dès le paléolithique cohabitaient dans le pays des hommes blancs venus d’Afrique
du nord et des hommes noirs venant de la zone tropicale humide ou de l’est. La désertification
du Sahara provoque le recul des populations noires et l’avancée des Berbères qui viennent se
CRR-Centre d’information géopolitique 3 26/10/2005
heurter à l’empire noir du Ghana. Leur colonisation s’étend du Ier siècle avant notre ère
jusqu’au XVe siècle.
A partir du XVe siècle se développent deux événements capitaux : le progrès de la pénétration
arabe des tribus Hassan et les débuts de tentatives de colonisation européenne sur les côtes.
Les tribus guerrières arabes fondent des émirats, groupements fragiles et instables de tribus
dirigées par un chef de guerre, qui donnent leurs noms aux régions actuelles. Une période de
conflits incessants s’en suit jusqu’à la fin du XIXe siècle. La langue majoritaire devient le
hassanya, l’arabe parlé par les Hassan. A partir de 1448, la présence européenne devient
constante.
Cette histoire explique que le pays soit partagé en deux groupes de population distincts :
les Maures et les Négro-africains ou Négro-mauritaniens :
 Le groupe des Maures est composé des Beydannes ou Bidan, Maures blancs, et Sudan,
Maures noirs.
 Le groupe des Négro-mauritaniens, qui représente, d’après les derniers chiffres, 30% de
la population, est appelé Kwar (Noirs) par les Maures. Il compte différentes ethnies, les
Peulhs, Wolofs, Soninkés, Fulbe, Bambara, Sarakolé, Toucouleurs.
L’esclavage existe en Mauritanie depuis plusieurs siècles. Se sont ajoutés sur ce territoire
l’esclavage traditionnel des sociétés noires et l’esclavage des sociétés musulmanes et maures,
alimenté par les guerres tribales dans l’Arabie antique, admis par le Coran et les Traditions
pour les infidèles et juridiquement reconnu par le droit.
Les esclaves des Maures ne sont pas des membres de communautés négromauritaniennes
du fleuve. Ils composent le groupe de Maures noirs (Sudan), qu’il
s’agisse d’esclaves au sens strict (Abid ou Abd) ou d’affranchis (Haratines)1. Cette
population n’est en très grande majorité même pas issue des populations noires de l’actuelle
Mauritanie, même s’il elle est en général d’origine négro-africaine, mais provient
essentiellement du territoire alors appelé Soudan, actuel Mali, qu’ils s’agisse du résultat de
captures ou razzias ou encore du commerce transsaharien. Les spécialistes qui se penchent sur
l’origine des populations Haratines convergent pour affirmer que la source principale
d’approvisionnement de captifs des Maures en Mauritanie n’a jamais été constituée des
populations négro-africaines de la vallée. Non seulement ces sociétés n’ont pas fourni la
majorité des effectifs d’esclaves mais elles ont souvent participé à leur commerce. Les
Soninkés notamment ont été très actifs dans l’échange d’esclaves contre des chevaux et du sel
en raison des liens qu’ils avaient conservé avec le territoire d’origine des esclaves.
L’islamisation ancienne (depuis le XIe siècle) a pu protéger les communautés du fleuve, le
droit islamique sunnite en vigueur dans la société maure stipulant que seuls les infidèles
peuvent être mis en esclavage à la suite de guerres saintes. Cependant des musulmans ont pu
être réduits en esclavage en dépit de l’interdiction faite par le Coran de réduire en esclavage
des musulmans. La cause en est donc plutôt la force des royaumes de la vallée qui ont pu
protéger leurs sujets.
1 Haratine : pluriel de Hartani, qui désigne les affranchis. Les Haratines (ou Hrâtîn) est le terme utilisé
aujourd’hui pour désigner aussi bien les esclaves (abd ou ‘abid) que les affranchis (hrâtîn) en Mauritanie. Cette
tendance est attribuée par certains observateurs au fait qu’on ne veuille plus ou n’ose plus employer le terme
d’esclave. Au sens strict cependant le Haratine est un ancien esclave affranchi. Cette libération peut-être
extrêmement ancienne (200 ans) et amener certain Haratines à nier être des descendants d’esclaves.

Abd, Abid : esclave.
Bambara : peuple mandingue, vivant principalement au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et
au Burkina. Ils ont résisté à l’islamisation.
Beydanne, bidan : blanc en arabe. Désigne les Maures blancs par opposition aux Maures
noirs.
Cadi : juge musulman.
Haalpulaar : l’ensemble de la population qui parle le peul : on retrouve les appellations
« peulh », « peul », « toucouleur », « poular » pour désigner des membres de cette
communauté. Dans cet ensemble, les Peulhs éleveurs forment une minorité. Les termes de
« pullo » et « fulbe » sont utilisés pour désigner ce sous-groupe.
Hartani : affranchi, masculin singulier.
Hartania : affranchie, féminin singulier.
Haratine : pluriel de Hartani, qui désigne les affranchis. Les Haratines (ou Hrâtîn) est le
terme utilisé aujourd’hui pour désigner aussi bien les esclaves que les affranchis en
Mauritanie.
Harnos : diminutif moqueur de Haratine.
Hassanya : langue pratiquée par les Maures en Mauritanie, dialecte arabe. L’arabe est la
langue officielle du pays.
Khadam : esclave, féminin de abd.
Kewri : négro-africain, masculin.
Kewria : négro-africain, féminin.
Kwar : négro-africains, pluriel, neutre.
Rempeccem : littéralement « cultive et nous partageons », forme de métayage dans lequel
l’exploitant verse une fraction de sa récolte au dépositaire du droit de maîtrise.
Saafaalße Hormankooße : désignait les esclaves noirs razziés par un groupe de guerriers
marocains ayant fui leur maître pour se réfugier dans le Fuuta Tooro ; désigne aujourd’hui
l’ensemble des Haratines assimilés à la culture pulaar.
Sarakolés : voir Soninkés.
Soninkés : peuple vivant disséminé en zone sahélienne. Islamisés, les Soninkés sont de
grands voyageurs. Ils constituent la part majeure de l’immigration noire en France. Aussi
appelés Sarakolés.
Sudan : Maure noir.
Toucouleurs : peuple vivant au Sénegal, Mali et Mauritanie, parlant le peule et faisant ainsi
partie des Haalpular.
Wolof : peuple dominant au Sénégal.