PARIS (Reuters) - En dépit des pressions des gouvernements angolais et français pour y mettre fin, le procès des ventes d'armes à l'Angola qui vise 42 personnalités se tiendra normalement pendant les cinq prochains mois, a décidé le tribunal correctionnel de Paris.

Le tribunal, présidé par Jean-Baptiste Parlos, a refusé de renoncer aux poursuites, malgré l'arrivée-surprise à l'audience lundi d'un avocat de l'Etat angolais, Me Francis Teitgen.

Ce dernier avait plaidé mardi pour l'annulation des poursuites en menaçant la France d'un procès devant les instances internationales.

Ce dossier risque de brouiller les relations entre la France et l'Angola, pays riche en pétrole où Total, première société française, a d'importants intérêts. .

Les 42 personnalités jugées redoutent aussi l'audience, qui va détailler les sommes très importantes perçues des vendeurs d'armes par, notamment, Jean-Christophe Mitterrand, fils ainé de l'ex-chef de l'Etat, Jacques Attali, ex-conseiller de ce même président, l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua et son ancien bras droit Jean-Charles Marchiani .

Procéduralement, le tribunal a décidé qu'il statuerait sur la demande de l'Angola dans le jugement sur le fond, après avoir examiné les faits comme prévu pendant les 55 journées d'audience programmées.

Me Teitgen et les avocats de Pierre Falcone ont immédiatement tenté une dernière démarche en saisissant la cour d'appel de Paris d'une requête pour qu'elle oblige le tribunal à se prononcer immédiatement sur leurs demandes. Cette ultime manoeuvre a juridiquement peu de chances d'aboutir.

Les avocats de Pierre Falcone avaient demandé aussi mardi l'arrêt du procès en estimant que leur client avait une immunité et en s'appuyant sur un courrier que le ministre de la Défense Hervé Morin leur a envoyé le 11 juillet dernier.

LA PLAINTE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Le ministre estime que le délit de commerce illicite d'armes n'existe pas, car les armes n'ont pas transité par la France.

L'affaire reposant en partie sur une plainte du même ministère de la Défense, déposée en 2001 par le socialiste Alain Richard, les avocats de Pierre Falcone estiment que les poursuites sont "de fait éteintes par la lettre du ministre".

Le substitut du procureur Romain Victor n'est pas d'accord et il a souligné l'ambiguïté de la démarche d'Hervé Morin, qui n'a pas notifié au tribunal de retrait de plainte. Sa lettre n'a donc pour l'accusation "qu'une simple valeur d'avis".

Quant à l'Angola, qui n'est ni prévenu ni partie civile dans le dossier, sa demande est tout simplement "irrecevable", a dit le représentant de l'accusation.

Suscitant la déception de nombreux prévenus qui espéraient avoir un "permis de sortie" pour la plupart des audiences, le tribunal a prévu d'examiner jusqu'au 12 novembre les faits relatifs à la vente d'armes proprement dite et a demandé aux 42 personnes jugées d'être présentes.
Devrait être examiné d'emblée le rôle prêté à Jean-Christophe Mitterrand, qui aurait mis en contact Luanda et Pierre Falcone, comme le soutient l'accusation.

L'enquête ouverte fin 2000 a établi que Pierre Falcone et son associé Arcady Gaydamak, Israélien d'origine russe, ont vendu au gouvernement du président Dos Santos 790 millions de dollars d'armes achetées en Europe de l'Est.

Le président Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 1979, a pu ainsi solder à son profit la guerre, qui a fait 500.000 morts de 1975 à 2002. Le tribunal doit évoquer le versement par les vendeurs d'armes à une trentaine d'officiels angolais, dont le président Dos Santos, de 54,4 millions de dollars et la prise en charge de 4,22 millions d'euros de frais.

D'autres versements de centaines de millions de dollars - dont 37 pour Eduardo Dos Santos - versés en marge de la renégociation de la dette angolaise par le duo Falcone-Gaydamak seront aussi évoqués.

Par Yves Clarisse
Source : AFP