" Ecolou lemu nia nxa ! Batara lemu nia nxa ! Yiga remu nia nxa " ( Les ecoliers ont terminé les cours, les "vaut rien" ont fini les cours, les gourmands sont descendus ) tel etait le refrain fièrement scandé dans les rues des villages Soninkes à la descente des écoliers. Autrefois, les Soninkés n'accordaient de l'importance qu'aux études coraniques. Les parents du monde Soninke envoyaient instinctivement leurs enfants dés leur bas âge chez le marabout du quartier ou du village. Initier son enfant aux preceptes de l'islam était une obligation dont chaque parent Soninke devait s’acquitter. Les parents confiaient ainsi leurs enfants aux familles maraboutiques du village. Tel etait le mode opératoire du monde Soninke auquel chaque parent Soninke devait se conformer.
Pendant longtemps l'école française était pérçue comme un lieu de pérdition et d'acculturation. Aucun parent ne voulait envoyer son enfant dans cette voie sinueuse et dangereuse. De même mettre son enfant à l'école revenait à faire un sacrifice énorme. Les Soninkes vivaient d'agriculture, de pêche et d'artisanat. L'émigration n'était pas importante et concernait peu de familles. Mettre son enfant à l'école coranique était un handicap énorme pour les travaux champêtres. Les enfants étaient une ressource humaine importante sur laquelle les parents se reposaient pour faire vivre leur famille.
Les parents préféraient amener leurs enfants à l’école coranique qui proposait des horaires aménagées et non contraignantes pour les travaux champêtres. Par contre cette thèse devenait indéfendable dans certains cas parce que certains parents faisaient des kilomètres pour inscrire leur progéniture dans les écoles coraniques réputées et les laissaient à la disposition des familles maraboutiques. L'enfant alternera études coraniques et travaux champêtres et ne sera d'aucune utilité pour ses parents. Tout enfant devait s'investir dans l'étude du coran et dans les travaux champêtres.
Autrefois, les écoles théologiques du monde Soninke étaient très organisées. Elles étaient à l'image des écoles françaises même s'il y avait pas de salles de classe et de diplômes. Les jeunes devaient d'abord maîtriser le coran avant de gravir les echelons. On commencait par le Xaralemaxu pour finir par le Talibaxu. Tout parent Soninke rêvait de voir son enfant franchir ses differentes étapes. Parallèlement, l'émigration commençait à prendre une place importante dans les villages Soninkes. Dans toutes les classes sociales, émigrer etait devenu un challenge qui fait rêver chaque jeune Soninke. Avec l'avênement de l'émigration associée à la dispartition des grands marabouts, les mentalités commencèrent à changer. De même les successeurs dans certaines grandes familles maraboutiques ont preférés aller à l'aventure tandis que d'autres n'avaient pas le niveau requis pour dispenser un bon enseignement. Au même moment, l'école française a commencé à accueillir ses premiers élèves. Malgré des réticences et les lourds préjugés plusieurs familles envoyèrent leurs enfants à l'école française. On assista alors à l'avênement du :
" Ecolou lemu nia nxa ! Batara lemu nia nxa ! Yiga remu nia nxa "
Les jeunes enfants qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'ecole chantaient ce refrain tous les midi. Ils considèrent les écoliers comme des fénéants, des "bon à rien". Selon eux, l'école française rend paresseux et calculateur. Les écoliers qui doivent suivre leurs cours du matin jusqu'au soir ne peuvent plus aider dans les travaux champêtres. Ils trouvent toujours des excuses pour ne pas aller aux champs. On a que le week end pour les faire travailler. Les habitudes des fils de cultivateurs changent.
Le matin, ardoises à la main, ils prennent d'assaut l'école du village. Les premiers jours sont toujours agréales. Les maîtres font les appels devant les salles de classe. Les enfants identifient leurs salles et se font de nouveaux camarades. Une fois l'appel terminé, les enfants choisissent leurs voisins de table par affinité ou par copinage. C'est le jour de la prise de contact. Le maître écrit au tableau les fournitures à acheter ou distribue une liste de fournitures. Dans les années soixante dix ( 70 ) et quatre vingt ( 80 ), l’Etat dirtribuait gratuitement les fournitures. La prise de contact s'opère ainsi dans tous les niveaux de l'école primaire. C'est parti pour six années d'école pour les débutants en classe de CI ( cours d'initiation ) quelques années pour les autres. Chaque année a son lot de faits divers. Entre les coups de cravache du maître, le bizutage des camarades, tout est sujet de stress à l'école primaire. Tous les jours, le maître désigne cinq élèves qui viendront réciter leur leçon. Ceux qui réciteront correctement auront la mention " Leçon sue " avec une bonne note tandis que les autres seront battus à coup de cravaches avec la mention " leçon non sue ". Au fur et mesure que les mois et années passent les plus nuls prendront l'habitude de venir avec de gros pulls pour échapper aux coups tandis que les studieux se sentiront comme du poisson dans l'eau. Les récréations constituent les moments de répis pour les jeunes. Les uns jouent dans la cour de l'école pendant que les enfants des familles nanties savourent leurs aliments. Ils trouvent facilement des amis par intérêt ou des amis protecteurs moyennant un bout de pain. Les enfants qui n'ont pas la chance de venir avec un repas font le bizutage alors que d'autres prefèrent sortir la carte de l'amitié pour avoir ce bout de pain.
A Bakel, le bizutage et le racket etaient très répandus. Les victimes sont souvent les filles ou les enfants des fonctionnaires du quartier HLM. Ce quartier de Bakel était habité par les fonctionnaires Wolofs, Peuls, Serères, Diolas... Leurs enfants étaient toujours bien habillés et choyés. Ils viennent avec toute sorte d'aliments. Ils avaient de beaux sacs et des fournitures au complet. Contrairement à eux, il y avait les jeunes des quartiers populaires. Beaucoup d'entre aux sont là par accident. Ils accordent peu d'importance à l'école. Leurs parents les ont amenés à l'école parce que tous les autres enfants du quartier y vont. Ils sont là par circonstance que par volonté de réussir. Ils sont là pour apprendre à lire et à écrire pour décortiquer les futures lettres de leurs parents.
Dés l'ouverture de l'école, ils forment leurs groupes selon leur quartier d'origine ou par affinité. Ils pratiquent le bizutage et sont toujours prêts à aller au combat avec leurs ennemis. Dans la classe, ils sont toujours assis au fond de la classe. Ils terrifient leurs camarades et leurs maîtres. Ils ont peu d'estime pour les fils de fonctionnaires. Leurs parents sont cultivateurs, émigrés, pêcheurs et chomeurs. Ils se plaisent dans leur situation de défavorisés. Il n'est pas facile de faire sa place dans ces groupes. On y rentre par amitié ou par force. Beaucoup d'entre eux ne franchiront pas le cap du CM2. Le CM2 est la classe la plus difficile. C'est une classe préparatoire à l'entrée en sixième ( 6 ème ). On y rencontre des maîtres redoutables. Pour échapper à la difficulté de cette classe, beaucoup d'élèves redoublent la classe CM1... Certains choisiront l’école buissonnière et finiront par délaisser l’école au profit des métiers comme la mécanique, la menuiserie…
Cette classe est extrêmement pénible dans les villages. Autrefois, les maisons Soninkes n'avaient pas d'éclectritié. Les élèves se contentaient de lampes tempêtes ou de bougie pour réviser. La nuit est le moment le plus propice pour faire ses exercices ou apprendre ses leçons. Généralement, les jeunes vont travailler aux champs les après midi et les week end. Du coup, reviser pendant la journée devenait impossible. De plus certaines familles inscrivaient en même temps leurs enfants à l'école coranique. L'enfant est contraint d'aller apprendre ses sourates au lieu d'ouvrir son cahier de leçon. Tout cela peut constituer un handicap énorme pour la poursuite des études. Malgré ses difficultés, les jeunes Soninkes mettent coeur et âme pour réussir leur études primaires. Vers le mois de juillet, tous les élèves des villages environnants se retrouvent à Bakel pour passer les examens de certificat de fin d'études élèmentaires ( CFEE ) et d'entrée en sixième. Ses deux examens se font simultanément. Pendant deux jours la vie bakéloise est rythmée par la va et vient des candidats.
Dés la fin de l'éxamen, les jeunes retrournent dans leurs villages et attendent leurs resultats qui tomberont vers le mois de Septembre. La reussite au CFEE permet de ne refaire que l'examen de l'entrée en sixième l'année suivante tandis qu'un succés aux deux épreuves ouvrait les portes du collège.
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