FANDENE (Sénégal) - Le "pain de singe", fruit du baobab, va bientôt faire son apparition sur les étals des marchés des pays de l'Union européenne, après le feu vert de Bruxelles. Une nouvelle qui réjouit les Sénégalais, qui récoltent depuis toujours ce fruit très vitaminé, utilisé dans plusieurs cosmétiques.
Vingt "arbres de vie", autre nom donné au baobab, entourent la maison de Delphine dans le village de Thiawe Thiawe (centre-ouest). "J'ai toujours ramassé les fruits des baobabs, depuis que je suis toute petite", raconte cette cultivatrice de 41 ans.
Son quotidien s'est un peu amélioré depuis qu'elle a commencé à vendre les fruits ovales du baobab à une société sénégalaise, la Baobab Fruit Company, plutôt que d'écouler elle-même sa récolte. Et elle espère que l'accès au marché européen va lui permettre de voir l'avenir avec plus de sérénité.
La Baobab Fruit Company affirme être la seule du Sénégal à produire industriellement de la pulpe de fruit de baobab séchée et utilisée pour la fabrication de produits cosmétiques ou de compléments alimentaires.
Les baobabs sont tellement nombreux au Sénégal que le pays en a fait son emblème. Les villageois utilisent tout de l'arbre de vie... sauf le bois. Son fruit se mange, son écorce sert à construire de la corde, ses feuilles sont utilisées pour leurs vertus réputées tonifiantes. Les singes eux aussi raffolent du fruit du baobab, d'où son surnom.
Selon le Centre international des cultures sous-exploitées de l'Université de Southampton (sud de la Grande-Bretagne), le pain de singe serait "un fruit de l'avenir", car riche en vitamines C, B1, B2 et regorgeant d'antioxydants. Des scientifiques avancent même qu'il recèle trois fois plus de vitamine C que les oranges et davantage de calcium qu'un verre de lait.
"Le pain de singe, c'est bon pour les maux de ventre", assure Aloyse Tine qui vend également à Baobab Fruit Company les fruits oblongues au goût acidulé. Une nouvelle source de revenu qui, dit-il, lui "permet d'envoyer (ses) enfants à l'école".
Le pain de singe avait su éveiller l'intérêt de PhytoTrade Africa, une organisation à but non lucratif qui promeut le commerce équitable de produits naturels. En 2006, PhytoTrade a lancé le processus qui a abouti le mois dernier à l'autorisation par Bruxelles du pain de singe dans l'Union européenne (UE).
Conformément aux règles de l'UE, tout produit alimentaire "nouveau" - adjectif utilisé pour ce qui n'était pas consommé en Europe avant 1997 - doit recevoir une autorisation spéciale pour faire son entrée dans les magasins des 27.
Cette "ouverture du marché européen fera vraiment la différence pour les communautés rurales pauvres (...) en leur procurant une source de revenu qui peut changer leur quotidien", estime Cyril Lombard, au nom de PhytoTrade.
La Baobab Fruit Company dit avoir déjà constaté plus d'intérêt pour ses produits depuis quelques semaines.
Normalement, "on collecte 150 à 200 tonnes par récolte. Il y a eu une explosion des demandes dans les dernières semaines", affirme Laudana Zorzella, responsable commerciale pour l'Afrique à la Baobab Fruit Company. La prochaine récolte pourrait être dix fois plus importante que la précédente, estime-t-elle.
Le baobab n'est pas cultivé industriellement au Sénégal. La Baobab Fruit Company travaille donc en collaboration avec des villages et des organisations pour obtenir des fruits récoltés par des particuliers.
Rien qu'au Sénégal, "nous pourrions collecter 13.000 tonnes de fruits" par an, estime Laudana Zorzella.
Selon elle, des sociétés agro-alimentaires européennes vont consacrer encore environ huit mois de recherche sur ce fruit africain avant que les Européens ne puissent découvrir sa saveur dans des smoothies ou des barres de céréales.
Source : AFP