Rituels de la cérémonie de circoncision en milieu soninké
Auteur : Mamadou SOUMARÉ (Doctorant en éthnologie)
" … Les Colchidiens (habitants de la côte orientale de la mer Noire), les Egyptiens et les Ethiopiens sont les seuls peuples qui aient de tout temps pratiqué la circoncision. Les Phéniciens et les Syriens de la Palestine reconnaissent qu'ils tiennent cet usage des Egyptiens ; les Syriens établis dans les vallées du Thermodon déclarent l'avoir depuis peu emprunté aux Colchidiens. Voilà les seuls qui aient cet usage, et l'on constate qu'ils observent sur ce point les mêmes règles que les Egyptiens.
Des Egyptiens et des Ethiopiens, je ne saurais dire quel est le peuple qui a pris cette coutume à l'autre car elle est, de toute évidence, des plus anciennes " (Hérodote 484-425, Av J.C, Enquête II, 104), cité par Malek Chebel (in L'histoire de la circoncision, des origines à nos jours, 1992, Le Nadir, éditions Balland) p.07. Par cette citation, je veux tout simplement rappeler que l'usage de la circoncision remonte à très loin dans le temps, et que de nombreuses sociétés l'ont pratiqué. Sans vouloir remonter aux origines de ce rite initiatique à propos duquel toute une littérature est consacrée, ni m'étendre sur les significations réelles de cet événement social qui diffère d'une société à l'autre ; je préciserai à la suite de Zaborowski que " les juifs et les mohamétans ont été ses grands propagateurs dans le monde " (in la Grande Encyclopédie, article : circoncision), op.cit., p.08. Aujourd'hui, sans faire l'apologie de la circoncision, il convient d'indiquer que cette dernière suscite un débat religieux, médical, social et juridique.
J'essaierai, en ce qui me concerne de parler des célébrations de la circoncision en milieu rural soninké. A présent, l'introduction des dispensaires dans les villages a conduit à faire pratiquer la circoncision par les infirmiers ; celle-ci est appelée " l'opération laïque ". Mais autrefois les préparatifs des célébrations de la circoncision étaient synonymes de réjouissances, car cette pratique marquait un changement notoire des rapports sociaux entre l'incirconcis (murunte) et le reste du groupe social. En acquérant, par cette cérémonie, le statut d'adulte, le circoncis est socialement de plus en plus considéré. En effet, ce passage décisif du garçon à l'âge adulte est suivi de la prise de pantalon évoquée précédemment, second passage important par les retentissements qui y sont attachés. Le garçon est alors socialement apte à se marier s'il le désire. C'est dans ce sens que Malek Chebel écrit : " […] la circoncision apparaît de plus en plus comme une pratique qui répond à des attentes universelles : esthétique, hygiène, rite, confirmation sociale, intégration dans un milieu, sensualité " op.cit., 08.
Au-delà de son simple mode opératoire traditionnel sur lequel je reviendrai, le rituel de la circoncision met en exergue, l'endurance physique, la peine, le courage, en un mot la personnalité de l'enfant. C'est dans cette même optique que Wauthier de Mathieu dans son livre intitulé : Qui a obstrué la cascade ? consacré à l'analyse sémantique du rituel de la circoncision chez les Komo du Zaire, rappelle ce qui suit : " La considération dont jouit un homme durant sa vie étant déterminée en grande partie, par le fait qu'il a ou n'a pas pu endurer l'opération sans proférer le moindre cri de douleurs, il importe qu'il témoigne, dès avant sa circoncision de ses capacités d'endurance. Une pratique lui permet de faire montre de celle-ci. C'est elle d'ailleurs qui, au niveau de la culture est présentée comme le critère le plus important. A chaque nouvelle lune, un des hommes du village désigné à cette fin doit, au petit jour fouetter jusqu'au sang, au moyen de baguettes (mbáká) provenant d'une espèce végétale particulière, les garçons arrivés à l'âge de la circoncision. Tous ceux qui crient sont jugés incapables de subir virilement la circoncision […] ", op.cit., pp.46-47.
Les festivités liées à cette cérémonie s'étalent sur plusieurs semaines à partir du moment où la date des célébrations de la circoncision est arrêtée par les notables du village. Pour conditionner physiquement et psychologiquement les incirconcis à cet événement social très important aux yeux de tous, les aînés qui avaient été circoncis l'année précédente, leur organisent tous les soirs le tam-tam (gayinde dimmu). A ce propos, Saint-Père (1925 : 73) décrit : " Ces tam-tams s'appellent le gaïdé ; on y procède de la façon suivante : le tambour (daïné) se place au milieu ; à côté de lui s'assoient par terre les jeunes qui seront circoncis, les autres jeunes du village et les jeunes filles, les femmes, les hommes, les esclaves forment un grand cercle autour […] ". Pendant ce temps-là les adolescents (maxanbano) ceinturés de leurs jolies écharpes (disa) chantent :
Eyé, Eyé sooja [1] O, ô soja
Sooja yaxanu Les filles de soja
Sooja yolle Soja s'est noyé
Eyé sooja, Eyé sooja O soja, ô soja
Ce chant est semble-t-il entonné en chœur par les hommes et les femmes. Il est relayé immédiatement par (Boli ñaame).
Boli [2] ñaame, boli wo ñaame Boli niamé, ô boli niamé [3]
Jane koronba siise Diané koromba cissé
Mukkuni ô mukkuni me kiñon ya Des hôtes , nos hôtes ne sont-ils pas arrivés ?
Jane koronba siise Diané koromba cissé
Mukkuni yo goni ri sanga Des hôtes sont venus s'amuser
Jane koronba siise Diane koromba cissé
Etant donné la multiplicité des chants qui accompagnent ces battements de tam-tams, et de crainte d'ennuyer le lecteur je vais me limiter à quelques-uns d'entre eux. Ce chant (boli ñaame) fait l'éloge de l'appartenance clanique des futurs circoncis. En effet, de nombreuses chansons soninké mettent en valeur la généalogie des parents, et en des circonstances de joie ou de tristesse les femmes se surpassent pour décliner cette généalogie (danbe). Dans l'intonation des paroles de ce chant, on entend comme un refrain le mot (mukkuni) qui désigne littéralement étranger. De mon point de vue, les futurs circoncis sont apparentés à des étrangers et je trouve la comparaison justifiée dans la mesure où ils ignorent le sort qu'on leur réserve.
Pour revenir à l'épreuve d'endurance à laquelle sont soumis les incirconcis, mes informateurs m'ont précisé ceci : " Au cours de cette danse du gayinde dimmu, les incirconcis (pl. murunto) font usage de leurs fouets (branches de palmiers dattiers) pour s'assener volontairement des coups sur les pieds sans proférer de cri, provoquant ainsi des meurtrissures". Par cet acte, les incirconcis veulent démontrer leur bravoure et leur bonne disposition psychologique à accomplir le rituel de la circoncision avec sérénité. Certains garçons, d'après un informateur, agrafent au bout du prépuce à exciser un billet d'argent avec une épingle pour prouver au forgeron-circonciseur leur courage. Ce billet symbolise le cadeau qu'offre le garçon à l'opérateur (il en sera question plus loin).
A une semaine de la cérémonie à proprement dite, qui a lieu un vendredi, les battements des tam-tams redoublent d'intensité tous les soirs jusqu'au jour j. A la veille de l'opération les murunto sont rassemblés chez le chef (xirse). Dans la soirée, on organise un grand tam-tam au cours duquel on met toutes les sœurs à contribution et plus particulièrement celles des futurs circoncis à qui, on demande d'aller cuisiner un plat copieux désigné sous le nom de (karkise). En fin de soirée, ceux-ci font une visite surprise aux villageois, en allant chanter devant de la maison des parents de chaque candidat à l'initiation. De porte en porte, ils entonnent ce chant :
Jaxa sere na xenqe Alors quelqu'un s'endormira
Xeeri ga d'a sella Et au dehors éclate pour lui le bonheur
Sere sire xaana xenqe Quelqu'un de gentil s'endormira aussi
Xeeri ga d'a sella Et au dehors éclate pour lui le bonheur
Kaati fulane xaana xenqe Un tel s'endormira aussi
Xeeri wu yan da sella Et au dehors éclate pour lui le bonheur
Ce chant traduit le caractère solennel et joyeux de l'événement. Car pour les Soninké, trois faits marquants sont importants dans la vie de tout parent : la naissance d'un enfant, la circoncision d'un enfant et le mariage d'un enfant. C'est pour mettre en lumière cette étape du passage à l'âge adulte de l'enfant, que ce chant est dédié aux parents pour amplifier le bonheur (xeeri) qu'ils éprouvent en ce moment intense de joie. Pour l'attrait de ce bonheur éprouvé, la société traditionnelle ne lésine sur aucun moyen afin de donner un éclat tout particulier aux rituels de la cérémonie.
A la fin de cette visite, les murunto font un passage éclair au tam-tam, avant d'aller passer la nuit chez le xirse. Dès l'aurore (bijibajewu), on vient les chercher pour les conduire hors du village, à l'endroit où a lieu la cérémonie de la circoncision. La description du déroulement de la cérémonie de circoncision qui va suivre se rapporte à un village Tanbo?inke, en l'occurrence Khabou, où les futurs circoncis sont conduits sur une grande place appelée la termitière de Khoumba Diémé (xunba jeeme tunguru n dala) ". Il faut préciser, à cet effet, que le caractère syncrétique religieux de cette cérémonie prend toute sa dimension dans les rapports qu'entretiennent les esprits avec certains clans. C'est le cas des tanba?inko, jadis très liés aux esprits surnaturels ; ils étaient tenus en toute circonstance événementielle importante de les avertir sous peine de provoquer leur colère (dont les répercussions peuvent être parfois désastreuses[4]) . Avant de commencer les cérémonies officielles, les futurs circoncis vont saluer l'esprit, en faisant un tour d'honneur près de son abri. Par ce geste en sa faveur, on considère lui avoir présenté les murunto et obtenu par la même occasion son assentiment pour investir les lieux. Au même moment, les forgerons, opérateurs traditionnels se préparent à entrer en scène. Ils se maquillent (memade) le visage avec du blanc, du bleu, du noir, du rouge, etc. de façon à avoir un masque effrayant. Les murunto sont amenés un à un par leur infirmier (guleye) auprès de l'opérateur pour être circoncis. Pollet et Winter (in La société soninké, 1971, éditions de l'université de Bruxelles) ont observé au cours d'une cérémonie de circoncision à Gori, dans le Dyahunu (Mali) que l'ordre que suit l'opérateur ne respecte pas la hiérarchie sociale établie. Il opère suivant l'ordre inverse de celui de la stratification sociale : " Il circoncit d'abord les esclaves, les nyakamala… " p.454.
Le premier à être circoncis est le chef (xirse) mais cette appellation est remplacée par le terme (jerna). Cependant les bullu [5] sont déjà préparés pour accueillir les nouveaux circoncis (kutunto) qui vont y recevoir les premiers soins et le pansement administré est à base de poudres de gousses de gonatier préalablement préparé par les guleye. Une fois le murunte opéré, son kallingora [6] le transporte sur sa monture jusqu'aux bullu. Dès que le forgeron ampute le prépuce du murunte une voix s'élève : " est coupé " (a kutti). Cette annonce est suivie instantanément par des salves de fusil alors que les femmes tenues à distance de la cérémonie entonnent ce chant :
Oku disan Xura Notre écharpe est devenue propre
Disa xulle Echarpe propre elle est
Oku disan xura Notre écharpe est devenue propre
Disa xulle Echarpe propre elle est
Le refrain " propre " qui revient de façon récurrente dans le chant, me laisse réfléchir sur l'idée qu'on prête à cette pratique. En effet, le murunte est souvent perçu comme quelqu'un de malpropre. Le rituel ainsi accompli lui confère socialement un nouveau statut par lequel il a droit à plus de déférence. Comme il est décrit antérieurement, les cavaliers font un ballet incessant de va et vient pour récupérer au fur et à mesure jusqu'au dernier les murunto circoncis afin de les ramener aux bullu. Une fois tous les circoncis (kutunto) réunis, les femmes chantent à nouveau :
Xaxe na wuru wo sanba Le peureux prend la fuite ô samba
Oku sanba nta wurura bada Nous, notre samba ne prendra jamais la fuite
Sanba xaxe Samba, le peureux
Xaxe na wuru wo sanba Le peureux prend la suite ô samba
Oku sanba nta wura bada Nous, notre samba ne prendra jamais la fuite
Sanba xaxe Samba, le peureux
Ce chant est un hommage élogieux au courage des circoncis pour ne pas s'être dérobés à l'épreuve d'endurance que cette pratique renvoie. Les guleye qui s'affairent désormais autour des kununto, demandent qu'on leur remette les vêtements des circoncis désignés par le terme jangido : ils sont constitués de deux pièces à savoir une chemise très large et un chapeau. Précisons que les jangido peuvent être de couleurs différentes d'un enfant à l'autre. Cette différence de couleur, tient au fait que chaque famille se distingue par sa coutume (laada). Outre leurs habits cérémoniels, les kutunto doivent compléter leur tenue par des objets [7] comme : la lance (tanme), les petites baguettes (sollilenmu), un couteau (lebo)… Ainsi revêtus, ils se dirigent vers les hangars de retraite (kutunta biru) installés près du figuier (turo). Au moment de s'y rendre, ils désignent une jeune fille (sawane) pour s'occuper des tâches ménagères. En tête du cortège, se met le jerna servant de mentor aux autres pour les conduire aux hangars. Arrivés sur les lieux, qui leur serviront de refuge pour un temps, les circoncis doivent y accomplir des salutations d'usage en faisant trois tours d'honneur avant de s'asseoir. Au même moment à cet endroit, est apporté un petit déjeuner copieux (fondo). Près d'eux, on installe une grande cruche (lalle) pour y verser leur eau. Cette corvée d'eau est à la charge des jeunes filles. En effet, elles doivent aller la chercher au fleuve pour la transvaser dans la cruche. Malgré tous les services rendus aux circoncis, elles ne sont jamais remerciées à juste titre. A tout moment un membre du groupe peut se plaindre d'elles pour les embêter : on l'appelle le boudeur (xereene).
C'est dans ce contexte que les circoncis pour ennuyer les filles, vont leur demander d'accomplir des tâches complexes voire même irréalisables, comme de puiser l'eau du fleuve avec leurs tresses. Devant l'impossibilité d'être satisfaits, les circoncis se mettent à les persifler.
Au crépuscule, les kutunto quittent leur retraite pour regagner le village et y passer la nuit. Comme à l'aller, le jerna conduit les circoncis en chantant et dansant :
Duumi nduumi ga telle an kanŋa Doumi doumi, en allant chez toi
Ye baba gunedi O papa gounedi
Ye gansiri, gansiri, gansiri O gansiri, gansiri, gansiri
Puis cette autre chanson
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
I'm ma n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
Baba n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
Muddu filli baba ti oni fondo Deux mudds, papa nous les offre pour en faire du fondé
I renqo yade xinta suure bakka C'est peu pour suffire à faire des pâtes de mil
I'm ma n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
Baba n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Kanŋe solle ge na yerebeti yelle Quand la canne en or fait yérébeti yélé
Goden solle ge nati yerebeti yelle Quand la canne en argent pur fait yérébéti yélé
La mise en relation de ces deux chants avec le retrait des circoncis hors du village, exprime à mon sens, le conditionnement spécifique auquel ils sont soumis. Ils ne doivent sous aucun prétexte, être en contact avec le monde profane pendant quelque temps. Cet éloignement des autres s'expliquerait par leur état de santé car toute souillure est susceptible de retarder leur guérison. Nous le verrons plus loin, lorsque les filles viennent leur rendre une visite de courtoisie, on leur interdit de se rapprocher d'eux en raison de leur impureté (par allusion aux menstrues). En outre, les chants interpellent les parents pour faire preuve de plus de générosité dans leurs dons de nourriture (c'est peu pour suffire à faire du fondé [8]). A la tombée de la nuit, les filles du village rendent visite aux circoncis chez l'exorciseur (bawo), chargé de veiller sur eux pour les protéger des mauvais esprits qui s'aviseraient de leur faire du mal. Ce personnage possède, si je puis dire, des pouvoirs magiques importants censés conjurer les sorts. Ces retrouvailles ont pour but d'égayer les circoncis après cette longue et dure journée, en leur chantant des chants mélodieux. Comme à l'accoutumée, dès l'aube, les circoncis reprennent le chemin de leurs lieux de retraite. On reconnaît leur départ au cliquètement des clochettes de leurs lances (tanme) frappées au sol, mais aussi par leurs chants :
I'm ma wo ginen jongi O notre mère prépare la cuisine
Baba wo giron salli O père, lève-toi et prions
O wa telle kirandenŋa Nous allons passer la journée
Alijana kiranden ?a Passer la journée au paradis
Mo o na ri mo o nta ri Il se peut que nous revenions, il se peut que nous ne revenions pas
Hihi hili Hihi hili
Hili hari na siro Hihi, prier que Dieu fasse que tout se passe bien
Yeye, yeye O, ô
Habitués à se nourrir quotidiennement de viande, ils sont contents ce jour-là du retour des pêcheurs de la pêche qui leur offrent du poisson dont ils mangent goulûment. Une semaine après avoir été circoncis, les kutunto organisent une grande séance de lessive au fleuve. Ce rituel est fixé au vendredi ; ils vont pouvoir y laver tous leurs vêtements sales. Cet événement est appelé mawon waxinde. Notre informatrice compare cette journée au sama sigen koota (jour de la résurrection), pour qualifier son caractère solennel et émouvant. En y allant, les Kutunto sont encadrés par leurs guleye, et ils chantent :
Yeye, ye alijuma sigen koota O en ce jour de vendredi
Borege gedi renme natta La femme stérile a éprouvé le désir d'enfanter
Yeye, ye alijuma sigen koota O en ce jour de vendredi
Borege gedi renme natta La femme stérile a éprouvé le désir d'enfanter
Après cette journée chargée de souvenirs (durant laquelle toute femme éprouve le désir d'y voir participer son enfant), les circoncis sont rejoints dans la soirée chez le bawo par les filles. De la même manière que précédemment, elles les distraient en chantant. Parfois, ces rencontres peuvent se transformer en railleries entre les deux groupes. Les kutunto se moquent des filles en les traitant de mangeuses de jujubes. Voilà ce qu'ils disent :Yeye, ye xusu xore kiran noxu keme fa xotte wono ( là où les vierges passent l'après-midi, on y trouve des centaines de noyaux de jujubes). Et les filles de répliquer : Yeye, ye yunu xulle bugubege an ta kitta man gan xuru (Nul ne se vantera dans un pantalon bouffant sans qu'il n'ait souffert au préalable), allusion faite à la rudesse de l'initiation.
Une fois les plaies des kutunto cicatrisées, le bawo décide d'un commun accord avec eux de convenir d'un jour pour quitter définitivement les lieux de retraite (biru). Chaque circoncis pourra alors regagner sa famille. A ce propos, Saint-Père (1925 : 58) écrit : " Au bout de trois semaines, lorsque les kutunto sont guéris, le bao fixe secrètement avec eux, le jour de la fin de leur retraite… ". Ce jour-là, les kutunto sont livrés à eux-mêmes car la tradition veut que leur retour au village, soit marqué par des réjouissances au cours desquelles ils sont autorisés à tuer délibérément avec leurs armes (lances, bâtons…), tout animal domestique qui se mettra en travers de leur chemin. C'est ainsi qu'un ce jour, ils assomment tous les poulets en dehors des poulaillers, peuvent tuer également tout mouton ou bœuf mais à la seule condition de les abattre avec leurs lances (tanmu). Ils apportent leur butin hors du village et le dépècent. " De cette viande, ils font des parts : une pour le bao, une pour les goulèyes, et le reste pour eux-mêmes " décrit toujours Saint-Père, p. 59.
Le fruit de leur butin, leur permet d'organiser un grand barbecue avec tous les jeunes du village qui le désirent. Le soir, de retour de la fête, les kutunto sont conduits à la mosquée (miside). Ils changent de vêtements et s'habillent d'une chemise très large (torki) et d'un pantalon (yunu xore). Ces vêtements sont appelés girkutan yiramu.
Les Kutunto, non suffisamment guéris, restent encore quelques jours au biru pour être traités. C'est par cette fête de " rafle " d'animaux que prend fin la cérémonie de circoncision.
1. Sens ignoré dans la chanson. Mais il semblerait que le terme (sooja) désigne une variété d'herbe en milieu soninké. Quel lien y a-t-il avec la pratique de la circoncision ? Je l'ignore !
2. Boli (ici personnifié) que les futurs circoncis remplissent, semble-t-il, de cailloux pour rythmer la chanson.
3. Enfants de deux parents (père et mère) ou des deux aïeux plus des deux parents génétiques, de même clan portant le même patronyme, objet de considération chez les Soninké.
4. Selon mes informateurs, ce lieu abritait autrefois des djinns. Les tanbo?inko liés à ces derniers, se devaient à chaque fois qu'il se passait un événement dans le village, d'avertir leurs co-habitants (taxan lenmu ; c'est ainsi qu'ils les désignent) pour veiller sur eux. On m'a raconté qu'ils intervenaient au secours du village en cas d'agressions extérieures. En contrepartie, ils recevaient des offrandes mais aujourd'hui, l'islamisation de la population soninké fait que ces croyances sont abandonnées. On évoque l'incompatibilité de la religion musulmane avec ces pratiques qualifiées d'animistes.
5. Aire de repos pour accueillir les nouveaux circoncis mais c'est aussi le lieu pour leur donner les premiers soins en vue d'arrêter les saignements consécutifs à l'opération subie.
6. Kallingora : il est définit dans la relation de parenté par cousin croisé. Celui-ci entretient avec égo des relations de plaisanterie sans restriction.
7. Les objets énumérés ci-dessus que les kuntunto doivent porter constamment sur eux, servent pour le premier à chasser, pour le second à se gratter le corps et le troisième à se protéger des mauvais esprits…
8. Bouillie traditionnelle préparée pour les fêtes.