C'est dans ce contexte que les circoncis pour ennuyer les filles, vont leur demander d'accomplir des tâches complexes voire même irréalisables, comme de puiser l'eau du fleuve avec leurs tresses. Devant l'impossibilité d'être satisfaits, les circoncis se mettent à les persifler.
Au crépuscule, les kutunto quittent leur retraite pour regagner le village et y passer la nuit. Comme à l'aller, le jerna conduit les circoncis en chantant et dansant :
Duumi nduumi ga telle an kanŋa Doumi doumi, en allant chez toi
Ye baba gunedi O papa gounedi
Ye gansiri, gansiri, gansiri O gansiri, gansiri, gansiri
Puis cette autre chanson
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
I'm ma n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
Baba n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
Muddu filli baba ti oni fondo Deux mudds, papa nous les offre pour en faire du fondé
I renqo yade xinta suure bakka C'est peu pour suffire à faire des pâtes de mil
I'm ma n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Boli na boli yonko Boli va secouer la gourde
Baba n Allah Nous remettons notre destin à Dieu
Kanŋe solle ge na yerebeti yelle Quand la canne en or fait yérébeti yélé
Goden solle ge nati yerebeti yelle Quand la canne en argent pur fait yérébéti yélé
La mise en relation de ces deux chants avec le retrait des circoncis hors du village, exprime à mon sens, le conditionnement spécifique auquel ils sont soumis. Ils ne doivent sous aucun prétexte, être en contact avec le monde profane pendant quelque temps. Cet éloignement des autres s'expliquerait par leur état de santé car toute souillure est susceptible de retarder leur guérison. Nous le verrons plus loin, lorsque les filles viennent leur rendre une visite de courtoisie, on leur interdit de se rapprocher d'eux en raison de leur impureté (par allusion aux menstrues). En outre, les chants interpellent les parents pour faire preuve de plus de générosité dans leurs dons de nourriture (c'est peu pour suffire à faire du fondé [8]). A la tombée de la nuit, les filles du village rendent visite aux circoncis chez l'exorciseur (bawo), chargé de veiller sur eux pour les protéger des mauvais esprits qui s'aviseraient de leur faire du mal. Ce personnage possède, si je puis dire, des pouvoirs magiques importants censés conjurer les sorts. Ces retrouvailles ont pour but d'égayer les circoncis après cette longue et dure journée, en leur chantant des chants mélodieux. Comme à l'accoutumée, dès l'aube, les circoncis reprennent le chemin de leurs lieux de retraite. On reconnaît leur départ au cliquètement des clochettes de leurs lances (tanme) frappées au sol, mais aussi par leurs chants :
I'm ma wo ginen jongi O notre mère prépare la cuisine
Baba wo giron salli O père, lève-toi et prions
O wa telle kirandenŋa Nous allons passer la journée
Alijana kiranden ?a Passer la journée au paradis
Mo o na ri mo o nta ri Il se peut que nous revenions, il se peut que nous ne revenions pas
Hihi hili Hihi hili
Hili hari na siro Hihi, prier que Dieu fasse que tout se passe bien
Yeye, yeye O, ô