Les festivités liées à cette cérémonie s'étalent sur plusieurs semaines à partir du moment où la date des célébrations de la circoncision est arrêtée par les notables du village. Pour conditionner physiquement et psychologiquement les incirconcis à cet événement social très important aux yeux de tous, les aînés qui avaient été circoncis l'année précédente, leur organisent tous les soirs le tam-tam (gayinde dimmu). A ce propos, Saint-Père (1925 : 73) décrit : " Ces tam-tams s'appellent le gaïdé ; on y procède de la façon suivante : le tambour (daïné) se place au milieu ; à côté de lui s'assoient par terre les jeunes qui seront circoncis, les autres jeunes du village et les jeunes filles, les femmes, les hommes, les esclaves forment un grand cercle autour […] ". Pendant ce temps-là les adolescents (maxanbano) ceinturés de leurs jolies écharpes (disa) chantent :
Eyé, Eyé sooja [1] O, ô soja
Sooja yaxanu Les filles de soja
Sooja yolle Soja s'est noyé
Eyé sooja, Eyé sooja O soja, ô soja
Ce chant est semble-t-il entonné en chœur par les hommes et les femmes. Il est relayé immédiatement par (Boli ñaame).
Boli [2] ñaame, boli wo ñaame Boli niamé, ô boli niamé [3]
Jane koronba siise Diané koromba cissé
Mukkuni ô mukkuni me kiñon ya Des hôtes , nos hôtes ne sont-ils pas arrivés ?
Jane koronba siise Diané koromba cissé
Mukkuni yo goni ri sanga Des hôtes sont venus s'amuser
Jane koronba siise Diane koromba cissé
Etant donné la multiplicité des chants qui accompagnent ces battements de tam-tams, et de crainte d'ennuyer le lecteur je vais me limiter à quelques-uns d'entre eux. Ce chant (boli ñaame) fait l'éloge de l'appartenance clanique des futurs circoncis. En effet, de nombreuses chansons soninké mettent en valeur la généalogie des parents, et en des circonstances de joie ou de tristesse les femmes se surpassent pour décliner cette généalogie (danbe). Dans l'intonation des paroles de ce chant, on entend comme un refrain le mot (mukkuni) qui désigne littéralement étranger. De mon point de vue, les futurs circoncis sont apparentés à des étrangers et je trouve la comparaison justifiée dans la mesure où ils ignorent le sort qu'on leur réserve.
Pour revenir à l'épreuve d'endurance à laquelle sont soumis les incirconcis, mes informateurs m'ont précisé ceci : " Au cours de cette danse du gayinde dimmu, les incirconcis (pl. murunto) font usage de leurs fouets (branches de palmiers dattiers) pour s'assener volontairement des coups sur les pieds sans proférer de cri, provoquant ainsi des meurtrissures". Par cet acte, les incirconcis veulent démontrer leur bravoure et leur bonne disposition psychologique à accomplir le rituel de la circoncision avec sérénité. Certains garçons, d'après un informateur, agrafent au bout du prépuce à exciser un billet d'argent avec une épingle pour prouver au forgeron-circonciseur leur courage. Ce billet symbolise le cadeau qu'offre le garçon à l'opérateur (il en sera question plus loin).