"Francenabé ", " Modou-Moudou ", " Francinké" , " Kawman "... autant de qualificatifs pour désigner les émigrés dans le pays de la Téranga .
L'émigration, un mal nécessaire en Afrique subsaharienne !
Depuis plusieurs décennies, le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la Gambie affichent un fort taux d’émigration, vidant cette partie de l'Afrique de ses ressources vives. L'autre jour, pour répondre à un pamphlet indigne, acerbe et décousu sur l'émigration, il a été question de relever plusieurs points positifs de cet aspect dans nos pays surtout au Sénégal. Des retombées considérables qui imposent le traitement de cette fameuse question d'émigration avec beaucoup de prudence et de tact. Il est également nécessaire de dépassionner ce débat sur les migrants.
Grande pourvoyeuse de devises dans les pays du Sud, l’émigration, malgré son impact considérable sur le niveau de vie de ces populations, s’accompagne souvent d’impairs et de conséquences dramatiques.
Pour aborder cette épineuse question sur les points négatifs de l’émigration, nous nous appesantirons sur le cas des Soninkés en particulier. Les Haalpullars, les Manjacks, les Wolofs et Bambaras peuvent être logés à la même enseigne. De plus, nous nous intéresserons sur le cas de l'Europe plus précisément de la France, souvent pays d’accueil de ces derniers, afin de circoncire cette problématique tout en tentant de donner des références et des exemples clairs et concis.
La première conséquence de l'émigration en Afrique Subsaharienne est le dépeuplement des villages et des villes. Le Gajaaga, le Hayré, le Fuuta, le Boundou, Diafounou, Kaarta, Guidimaxa, Dionboxxu, le Sine Saloum, le Baol, toutes d'anciennes riches contrées du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie scintillent par l'absence d'hommes valides et de jeunes. Le décor est souvent pathétique.
Les femmes, les vieillards et les marmots sont devenus les classes d'âge les plus représentées dans nos contrées. Dans plusieurs concessions de ces contrées Sud, les rares hommes que l'on croise sont très souvent des étrangers venant de la sous région pour remplir les fonctions de manœuvres, commerçants et artisans. Un dépeuplement flagrant qui s'accompagne de conséquences terribles.
Cette ruée des hommes vers l'émigration a fragilisé les valeurs socio-culturelles de nos contrées. Nos traditions s’essoufflent, nos cultures se perdent et l'éducation de nos enfants prend du plomb dans l'aile.
Sans s’éterniser sur l'impact négatif de l'émigration sur nos valeurs sociales et culturelles, il urge cependant d’évaluer ses conséquences négatives sur l’éducation de nos enfants.
Jouissant souvent de la qualité de français par filiation ou comptant sur une procédure de regroupement familial, plusieurs jeunes négligent ou délaissent simplement les études, convaincus que leur avenir sera de l'autre coté de l'atlantique. L’analphabétisme gagne du terrain dans nos localités et rares sont les jeunes issus des familles d'émigrés qui s'investissent dans les études.
Demandez aux enseignants de certaines régions du Sénégal, du mali ou de la Mauritanie, les agissements de nombres d’enfants d'émigrés ? Ils snobent leurs maîtres et hypothèquent leurs études, en crachant à la figure des enseignants, que tôt ou tard, l'avenir se conjuguerait en France, USA, Italie, Espagne. Dans plusieurs familles, les enfants grandissent sans repères et accumulent des lacunes handicapantes pour leur vie d’adulte. Les codes sociaux, jadis importants pour les parents perdent leur valeur. La délinquance, l'oisiveté, les grossesses précoces deviennent monnaie courante dans nos localités. L'absence des hommes jeunes dans nos contrées a eu également comme conséquence la multiplication du banditisme des vols et des coupeurs de routes etc. Il ne reste plus que des personnes âgées, des femmes seules et des enfants, sinon tous les vaillants et gros bras sont partis vers d’autres cieux. Toutefois, par la grâce de Dieu, certains enfants d'émigrés ont compris et comprennent maintenant que les études constituent un socle pour se faire une place au soleil quelque soit le pays où ils atterreront plus tard. Les familles d'émigrés mettent de plus en plus leurs enfants dans des conditions favorables pour la poursuite de longues études (Ecole privées, études à l'étranger...).
Ce dépeuplement a basculé nos villages et villes dans une très grande dépendance surtout au niveau alimentaire. Jadis, nous cultivons, pratiquons la pêche et l'élevage. Malgré la détérioration des conditions climatiques, nombreux sont des familles qui tiraient une partie de leur subsistance de la terre. Les céréales, l'arachide, les légumes, la viande et le poisson venaient souvent de nos propres plantations, pâturage et pêche. L'émigration a fragilisé le secteur agricole. Les grandes familles de cultivateurs sont privées de leurs bras et sont contraintes d'abandonner les cultures vivrières et saisonnières. Ce délaissement des travaux agricoles, jadis, fer de lance de notre alimentation, agglutine les jeunes dans l’oisiveté et place les familles dans une dépendance totale. Grâce au système des cotisations mensuelles instauré par les émigrés, les familles vivent à l’abri du besoin et délaissent les travaux champêtres. La paresse gagne les jeunes, et les pousse à s'adonner continuellement aux loisirs. Les " Guerés " (Place de jeunes en Soninké) sont devenus les bastions du thé vert de Chine, de la cigarette et de la drogue. Un triste décor.
Aujourd'hui, plusieurs familles dépendent totalement des émigrés à tel niveau que dans certains cas ils sont pressés de vous appeler dès la fin du mois et connaissent autant que l’immigré la date de virement de son salaire . Certains ne veulent même plus cultiver et vivent au gré des envois d’argent même pour leurs besoins primaires. Certains sont réduits purement à la consommation et méconnaissent la production. L'émigration tonne comme un robinet d’euros et de dollars inhibant souvent l'entreprenariat ou la production locale. Le salaire de l'émigré devient une convoitise au point que lui même manque cruellement de liquidités pour ses propres charges. D'ailleurs, ceci explique le sacrifice de plusieurs émigrés vivant dans les foyers parisiens. Pour optimiser leurs ressources afin de pouvoir nourrir pleinement leurs familles et lancer quelques projets personnels, plusieurs émigrés vivent dans des conditions précaires. Le foyer parisien, malgré la bonne ambiance et la chaleur humaine distillée, reste un milieu précaire, insalubre et souvent invivable. La crise du logement n'arrange rien à la situation et oblige plusieurs émigrés à s'entasser dans de minuscules chambres. Si l'engorgement des foyers parisiens demeure une réalité, il faut néanmoins noter qu’ils restent souvent un choix de vie. Il s'explique souvent par la volonté de maximiser les économies et est incontournable pour les émigrés qui viennent s’y ressourcer, y tenir leurs évènements... C'est également un lieu accueil de nouveaux immigrés en attendant l'amélioration de leur situation financière et administrative. Dans tous les cas, il reste le talon Achille de l'immigration malgré ses multiples services à la communauté africaine.
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