La suppression de certaines lignes internationales a créé la suspicion au sein des cadres d'Air Sénégal International. Ils crient même au suicide économique pour une compagnie âgée seulement de six ans.
La politique de suppression de dessertes européennes mise en place par Air Sénégal International peut entraîner un suicide de la compagnie. 'Il ne faudrait pas aller au suicide économique, en ouvrant des lignes à outrance. Et la suppression de certaines lignes en est aussi un. Nous ne pouvons pas comprendre qu'Air Sénégal International, qui vient de lancer de nouvelles dessertes, notamment en Europe, puisse se réveiller un beau jour pour procéder à l'arrêt de ces lignes', dénoncent des cadres de la filiale de la Royal Air Maroc.
Sur le million 600 mille passagers enregistrés par an sur la marché sénégalais (qui a un taux de croissance de 8 %), Asi occupe 28 % de parts de marchés. D'après leurs explications, la suppression de certaines lignes fait perdre à leur compagnie 24 à 25 % de parts de marché. 'Comment peut-on adopter une politique de repli par rapport à son propre marché qui est en croissance ?', s'interrogent-ils. De leur analyse, il ressort que sur un marché donné, la compagnie a des marchés faibles, 'il faut se demander si on a les forces de vente adaptées ou la stratégie de pénétration adaptée, avant de procéder à une suppression', disent-ils.
La sortie des cadres d'Air Sénégal International fait suite à l'annonce de la suppression de la desserte sur Milan. Asi a envisagé d'arrêter ses trois vols hebdomadaires sur Malpenza (aéroport de Milan). Cette desserte n'est pas rentable pour la filiale de la Ram. Selon les explications fournies par le directeur commercial et marketing d'Air Sénégal International, le taux de remplissage sur les deux axes avoisinent rarement les 55 %. 'De tels résultats ne peuvent contribuer à rentabiliser la desserte. Alors pour les autres destinations européennes telles que Marseille, Lyon, Paris, Madrid, nous enregistrons des taux de remplissage de 65 à 70 %', justifiait, dans nos colonnes, Ibra B. Wane.
Les pertes enregistrées par la filiale de la Ram sur Malpenza sont estimées à des centaines de millions de francs Cfa. 'En ouvrant la ligne Dakar-Milan, nous croyions que les affaires allaient marcher comme sur des roulettes. Nous avons même organisé des voyages d'éductour (voyage de presse), des campagnes de promotion et de marketing, mais nous nous sommes rendu compte que le trafic ethnique seul ne peut suffire à rentabiliser la destination milanaise. Les rush ne sont notés qu'en juillet et décembre (période de vacances). En plus, les vols touristiques, qui pouvaient nous permettre d'avoir des résultats, sont assurés par Alpitour (un tour opérateur italien)', expliquait toujours le directeur commercial et marketing d'Air Sénégal International.
De telles explications ne tiennent pas la route, selon les cadres de la compagnie. Le marché milanais, selon l'Itaa, rapportent-ils, est estimé en 2004 à 61 078 passagers. 'Sur la base de 55 % en trois fréquences sur l'année, cela pèse 19 600 passagers. En résumé, Asi fait moins de 30 % sur ce marché. Son concurrent, Alitalia qui a un vol par jour, avec une capacité supérieure de 20 % à celle d'Asi fait 65 % de taux de remplissage sur Milan. Elles sont les deux compagnies qui font un direct sur l'Italie', font remarquer les cadres.
Maintenant, la question est de savoir, selon eux, pourquoi ne pas ouvrir à Milan une agence propre à Air Sénégal International. 'Au lieu de cela, la direction a sollicité les services d'une agence de voyages privée', déplorent-ils.
La stratégie qui sied, à leurs yeux, est de développer une technique de vente qui impose aux commerciaux d'Air Sénégal International de visiter les foyers d'émigrés sénégalais en Italie. 'Il faut aussi marquer une présence commerciale propre à Asi au niveau de l'ensemble des secteurs de voyage qui sont en Italie. Et ne pas copier la politique d'Alitalia qui a deux hubs (Milan et Rome). Asi devait se positionner aussi sur Rome, essayer de trouver un partenaire avec les autres compagnies qui desservent les différentes villes intérieures d'Italie', indiquent-ils.
L'autre stratégie est de mettre un avion qui puisse avoir un apport fret 'car aujourd'hui les parts de marché d'Asi en terme de fret sur l'Italie sont quasi nulles. Alors qu'Alitalia a transporté plus de 2 400 tonnes en 2005 dans les deux sens.' Ils 'exhortent' Asi d'éviter de céder des parts de marché à la concurrence (Alitalia), sans avoir utilisé tous les voies et moyens possibles pour maintenir ses positions. Ils en veulent pour preuve la politique du Code share signé avec Iberia, après la suppression de la desserte sur Madrid (Espagne). 'D'ailleurs, le retrait d'Air Sénégal International a été une opportunité pour Air Europa qui s'est aujourd'hui positionné sur la ligne Dakar-Madrid. Ce qui n'était pas le cas', soutiennent-ils.
Selon eux, Asi devait suivre l'exemple d'Ethiopia Air Lines qui ne dispose pas pourtant de plus d'atouts en termes d'opportunités de marché, et qui aujourd'hui fait un chiffre d'affaires 3 fois plus important que celui d'Air Sénégal International, avec un réseau sans commune mesure. 'Le transport aérien doit être un pôle important de la Stratégie de croissance accélérée mise en place par le gouvernement sénégalais. Mais nous avons l'impression qu'Asi veut être limitée à une petite compagnie régionale, alors qu'elle a le potentiel d'une compagnie intercontinentale', regrettent les cadres.
Source : Wal Fadjri