Un Ivoirien qui se prononce sur la situation au Sénégal, en tant que citoyen africain, est déclaré persona non grata. On lui ferme toutes les frontières. Pas d’entrée ni de sortie, comme le veut le ministre de l’Intérieur Me Ousmane Ngom. Cette sentence tombée hier après-midi contre le chanteur Tiken Jah Fakoly ressemble fort à de la xénophobie.
Ses sonorités bourdonnent encore dans les oreilles des autorités sénégalaises. Son texte dérange la quiétude des tenants du pouvoir actuel. Pour tant, sa musique a fait tressaillir le régime du Chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade. Il a fallu que le reggaeman ivoirien, Tiken Jah Fakoly, lâche une bribe de phrase fortement relayée par la presse, lors de son concert d’avant-hier au Centre culturel français, pour que le régime de Me Wade perde les pédales en collant au musicien un péché qu’il décide de lui faire payer. Mais, comme d’habitude, les autorités n’ont pas cherché loin pour essayer de «corriger» un empêcheur de mal gouverner. C’est le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, qui porte le combat. Dans un arrêté pris, hier, il signe «l’interdiction d’entrée et de sortie du territoire contre l’artiste musicien ivoirien Tiken Jah Fakoly». «A partir d’aujourd’hui (Ndlr : jeudi 13 décembre), Tiken Jah Fakoly est déclaré persona non grata au Sénégal», ajoute le texte laconique.
Les motifs de cette décision sont énoncés au début du communiqué de presse qui nous est parvenu, hier, peu après 18 heures, du ministère de l’Intérieur. En effet, l’on évoque «les déclarations fracassantes, insolentes et discourtoises de l’artiste» pour justifier la privation du musicien de la téranga sénégalaise. «Wade, quittez le pouvoir sans condition», avait exigé Tiken Jah dans la soirée d’avant-hier.
Au moment où la sentence tombait, le reggaeman avait déjà quitté le territoire sénégalais pour rentrer en Côte d’Ivoire où il doit donner un concert dans la ville de Bouaké, demain. Cette mesure du gouvernement sénégalais ne fait que corser les privations subies par l’artiste, après qu’il s’était contraint de quitter son propre pays pour un exil volontaire de cinq ans au Mali. A ce moment, il n’avait pas manqué de fustiger les défenseurs du «concept d’ivoirité». Son discours engagé n’a pas épargné le président de son pays, Laurent Gbagbo, ainsi que tous ceux qui alimentaient la guerre en Côte d’Ivoire.
En fait, c’est dans sa position de défenseur des intérêts de l’Afrique qu’il a fait part de ses convictions sur la gestion du Sénégal par Me Wade. Une position qui lui vaut, ainsi qu’à tous ses fans sénégalais, un sevrage de contact dont la durée est, pour le moment indéterminée. Mais, malgré cette distance creusée par le gouvernement sénégalais, les messages de Tiken Jah parviendront à ses admirateurs du pays de Me Wade, d’où il se trouve et la force de ses mots auront toujours le même effet comme, s’il était devant les fans.