Voilà là un combat loyal.

Le feu couve chez les élèves et étudiants ressortissants de Bakel. Lundi dernier, ils ont déjà semé des troubles à l’Ucad et bloqué l’avenue Cheikh Anta Diop. Ils promettent de se radicaliser, si le gouvernement ne prend pas conscience des souffrances des populations de Bakel. Les élèves et étudiants du département menacent de chauffer Dakar

Depuis le début de l’hivernage, Bakel est coupé du reste du Sénégal et les populations laissées à leur triste sort. Les choses se sont compliquées avec l’accident qui a coûté la vie à 5 personnes. Faute de pont, un bus dont le conducteur cherchait une solution pour passer, est tombé dans une rivière. Il y avait une trentaine de passagers à bord du véhicule. Depuis le 30 juillet dernier, jour où ce malheureux accident est survenu, les populations n’ont reçu aucun soutien du pouvoir. C’est ce silence qui a révolté l’Union départementale des élèves et étudiants de Bakel. Ils ne comprennent pas que le gouvernement n’ait même pas pris la peine de présenter des condoléances aux familles des disparus. Issa Bâ, Secrétaire général de l’association, est étudiant en année de maîtrise en Sociologie. Il estime que ce drame ne se serait jamais produit, si le gouvernement avait reconstruit ce pont de 20 m seulement qui a cédé depuis 2007. La rage au ventre, il rappelle que ce n’est pas le premier accident lié au mauvais état des infrastructures routières. Il se souvient avec chagrin, qu’en septembre 2008, l’Asc Gadiaga, une équipe de football de Bakel avait perdu 4 de ses membres dans un accident causé par le piètre état des routes.

Tout récemment, une charrette aurait également été emportée par les eaux de pluies. Avec ces évènements déplorables qui sont d’ailleurs récurrents, les élèves et étudiants de Bakel se considèrent comme coupés du Sénégal.



UN MANQUE CRIARD D’INFRASTRUCTURES DE BASE
Les ponts de Béma et de Bondji qui relient le département au reste du Sénégal étant coupés, ils se disent plus proches du Mali et de la Mauritanie que de leur pays.
Ladji Dramé, étudiant en deuxième année de Droit et vice-président de l’Union des élèves et étudiants de Bakel, estime que son terroir a toujours été laissé pour compte, aussi bien par les socialistes que le régime de Wade. Issa se rappelle tristement que lors de la campagne électorale de la Présidentielle de 2007, le candidat Abdoulaye Wade disait aux Bakélois qu’ils ont été oubliés parce qu’ils ne votent pas pour le Sopi. «Ils ont remporté les dernières élections locales dans le département, mais on ne voit toujours rien», fulmine M. Dramé. «Un grand département comme Bakel doit avoir un hôpital et non un district sanitaire», enchaîne son compère Ladji pour qui, Bakel manque de tout. Plus grave, explose-t-il, il n’y a même pas une caserne de sapeurs-pompiers dans le département. Il faut donc que les pompiers parcourent au moins 250 Km avant de venir les secourir lorsqu’il y a des drames et cela se complique davantage avec l’état cahoteux des routes. Les étudiants font remarquer que les coupeurs de route règnent en maître à Bakel. «Ils font leurs coups et se réfugient au Mali ou en Mauritanie. Quand on appelle les gendarmes, ils disent qu’ils ont un problème d’effectif», renseigne Issa Bâ.
Pour appuyer ses récriminations, il donne l’exemple du rendement scolaire qui baisse d’année en année dans ce département. Cette année, serine M. Bâ, le bac a donné 8 % alors que le Bfem, n’a pas dépassé 13 %. Ainsi, Issa informe que c’est une anarchie totale qui règne dans le système éducatif bakelois avec des enseignants qui, pour la plupart, ne rejoignent leur poste que trois mois après le démarrage des cours. Ils font des grèves cycliques sur au moins trois mois et ne donnent effectivement que trois mois de cours ce qui fait, selon Issa, que les élèves du département ne finissent aucun programme avant les examens.



UN PLAN D’ACTION POUR SE FAIRE ENTENDRE
Très amer, Issa Bâ en veut à tout le monde. Il estime que les cadres de Bakel avec leur passivité sont les premiers responsables de l’oubli dans lequel le département est plongé depuis des décennies.
Les étudiants estiment que les journalistes accentuent l’éloignement de Bakel en ne parlant du département que lorsqu’il y a des faits divers, alors qu’il y a des problèmes plus sérieux et plus importants. Le comble, selon eux, a été le traitement de seconde zone que les journaux ont fait de l’accident qui a tout de même coûté la vie à 5 êtres humains. Ils soutiennent que le pouvoir central est très bien informé du désarroi des populations de Bakel. Mieux que tout le monde, déclare Issa Bâ, le chef de l’Etat a touché du doigt les difficultés du département lors de sa fameuse tournée économique à la veille des Locales. «Donc, si nous sommes toujours dans ces conditions, c’est simplement dû à un manque de volonté politique», en déduit-il.
Ces étudiants très mécontents de leur sort ont perturbé, lundi dernier, la circulation sur l’avenue Cheikh Anta Diop. Ils comptent aller plus loin, si les autorités du pays ne présentent pas tout au moins des condoléances aux familles éplorées à la suite de l’accident du bus tombé dans une rivière. A leur avis, ce geste est obligatoire puisque ce drame n’est pas qu’un simple accident de la circulation. Ils promettent de mettre le feu à l’Université de Dakar si ce n’est pas fait. Ils descendront dans la rue, avec ou sans autorisation, et marcheront en direction des organes de presse pour leur apporter leur mémorandum. Ils iront ensuite re-mettre cela à Bakel et comptent mobiliser la diaspora pour des manifestations devant les représentations diplomatiques du Sénégal à l’extérieur pour que le monde entier sache le sort que l’Etat a réservé à une partie du pays. Ils se disent déterminés et prêts à tout pour alerter l’opinion publique sur le drame que vit leur Bakel natal.



Rudolph KARL, Le Quotidien