Nous l’avons vu, la littérature orale remplit de nombreuses fonctions dans la société : initiation, éducation, distraction... Le conte, est plus particulièrement le miroir de la société, il souligne les mentalités, révèle les croyances et valorise certaines conduites. N’SOUGAN étudie en détail les fonctions du conte eYe selon cinq axes. Tout d’abord, le thème central met en valeur un problème ou un conflit au sein de la communauté. Par exemple, le conte expose des problèmes dans les rapports entre co-épouses. Dans le dénouement, il propose une solution à ce problème. " C’est un cours à la fois théorique et pratique que la société par le truchement de ce genre littéraire, donne à ses membres. C’est un véritable cours d’éducation morale. ". Le conte provoque chez les auditeurs de forts sentiments et impose des normes morales.
Il mobilise toutes les ressources de l’individu : " de la pensée aux muscles ". Le public s’engage dans le conte et la société y trouve son modèle de référence. Le thème secondaire joue un rôle de " thérapeutique préventive ". Ce thème secondaire met à l’épreuve le système, et dévoile ses failles, ce qui permet une prise de conscience et une plus grande prudence. Enfin, le dénouement a une fonction éducatrice évidente. Il peut être sous forme de conseils ou de morale. Le rôle social et pédagogique du conte n’est plus à prouver. Ce que nous remarquons ici est que le caractère didactique n’est pas uniquement réservé aux enfants. Le conte agit comme une " formation continue " puisqu’il répond à l’évolution des besoins et des manques. Le conte en le remettant en cause, assure la stabilité du système. Il souligne sa fragilité, ce qui oblige le peuple à être vigilant. C’est essentiellement sur ce point que les contes africains et européens divergent. Le conte africain est un enseignement et il le revendique. Le conte européen, lui, est un amusement populaire. Tout d’abord, par " conte européen ", nous désignons les contes populaires oraux et ruraux et non pas les contes littéraires remaniés pour les goûts que la Cour par des auteurs comme Perrault. Les contes populaires sont ceux qui se rapprochent le plus du conte africain : pratique sociale, narration orale et publique, divertissement et cohésion sociale. Ce genre a quasiment disparu en France au XVIIIeme siècle. De nombreuses études ont été entreprises par des linguistes, des ethnologues et des psychanalystes comme Bettelheim, Jüng et Freud qui ont mis en avant les fonctions éducatives du conte populaire, son importance dans la construction du Moi de l’enfant, le dépassement des interdits... Nous ne remettons pas ici en cause ces théories fort intéressantes. Mais s’il est possible que le conte aide l’enfant à se forger son Moi, ce n’est pas là sa fonction première. Le conte populaire français est un divertissement, c’est un moment agréable et un moyen ludique de passer le temps. D’ailleurs, Emilie MAGNE définit le conte populaire comme un " récit simple et souvent emprunté aux sources populaires " dont le but est de " réjouir les enfants ".
Pour aller plus loin :
- LOISEAU Sylvie, 1992, Les pouvoirs du conte, PUF, L’Educateur, Paris
- LAFFORGUE Pierre, 1995, Petit Poucet deviendra grand : Le travail du conte, Mollat Editeur, Paris
- LEQUEUX Paulette, L’enfant et le conte : du réel à l’imaginaire, L’Ecole
- JEAN Georges, 1981,Le pouvoir des contes, Casterman, Paris, 239 pages
- GUÉRETTE, C., 1991, Peur de qui ? Peur de quoi ? : le conte et la peur chez l’enfant, Ville LaSalle, Éditions Hurtubise HMH
- BOYES, D., 1988, Initiation et sagesse des contes de fées, Paris, Albin Michel
- N’DAK Pierre, 1988, Le conte africain et l’éducation, L’Harmattan, Paris
Source : Contes Africains