Par ailleurs, mise à part les trois pays du Sahel, peu de travaux sur les projets de immigrés africains dans leurs pays d’origine sont réalisés, ce qui nous a handicapé et empêché d’élargir le champ de ce travail. Ce qu’on peut ajouter, c’est que les responsables de l’Etat français et des organismes de recherches n’encouragent nullement les étudiants et chercheurs africains désireux de se frayer des voies originales et autonomes de recherche sur leurs communautés. Les recherches sur l’Afrique et l’immigration africaine en particulier sont commandés par les orientations de la France qui sont souvent liées à la conjoncture politique et non aux intérêts des communautés africaines.
2°) Les changements économiques induits par l’émigration
a) L’impact des projets dans les régions à fort taux d’émigration
1) L’impact économique
Les changements économiques induits sont de deux ordres, tout d’abord ceux provoqués par les actions individuelles comme l’aide alimentaire aux familles, la construction des maisons familiales, l’épargne hors circuit bancaire, etc... c’est tout ce qui ne touche pas directement à un projet économique ; ensuite nous avons les effets directs des projets économiques. Cependant les deux types de réalisations activent l’activité économique car l’aide alimentaire aux familles soutient les coopératives d’achat, augmente le niveau de vie et diversifie la consommation et les besoins villageois ; la construction d’une maison, d’une mosquée, ou d’une école crée des emplois de maçons, de manoeuvres journaliers, et augmente la demande de matériaux de construction dans la région ; ce qui augmente le trafic routier et pousse les autorités à aménager les infrastructures. Par exemple une étude réalisée par Leader Price en collaboration avec un GIE de Bakel montre que dans cette ville on consomme plus de produits de luxe par habitant qu’à Dakar.
Les coopératives de migrants dans la région du fleuve ont apporté une véritable révolution copernicienne tant dans les habitudes alimentaires que dans les techniques culturales, ou dans celui des variétés cultivées dans la zone. Au niveau de l’organisation du travail ils ont apporté des nouveautés que nous analyserons plus loin dans le volet social, ainsi que dans le domaine de la lutte contre l’émigration.
2) L’impact socioculturel
Dans la région du fleuve le visiteur qui y arrive pour la première fois est frappé par les constructions en ciment et les toits de zinc des maisons, ainsi que par les flamboyantes mosquées visibles à plusieurs lieues du village. La différence avec les autres régions est frappante ; même si tous ces changement ne sont pas heureux, l’aspect physique du village a changé.
La configuration des quartiers n’obéit plus aux relations sociales traditionnelles entre les différentes castes du village ; au Sénégal, c’est la communauté rurale qui en principe décide dorénavant des zones constructibles et accorde les terrains. Le téléphone, l’électricité, la fosse sceptique, la télévision, la radio et tous les moyens de communication modernes surgissent dans les villages Par le biais de ces moyens de communication, les traditions subissent l’assaut des cultures dominantes des villes comme celles des Wolof du Sénégal ou des Bambara du Mali. A la télévision on regarde Dallas et Dynastie, tout comme le Grand Maghal de Touba.
Dans les villages le mode vestimentaire s’est diversifié, et l’alimentation locale à base de mil et de déré a cédé le pas au riz au poisson, poisson venu de la mer au lieu du fleuve. L’Agriculture s’est trouvée dépréciée et une mentalité de dépendance de l’émigration s’est installée. Les organisations villageoises servant de relais à l’action des migrants renforcent cette dépendance collective de la migration, car elles n’entreprennent rien au village, qui ne soit financé par les émigrés.