A Bakel quatre grandes sociétés de type GIE ont été créés depuis 1986, dont deux ont fait faillite suite à des malversations ; les deux autres fonctionnent, mais l’une d’elle est en difficulté actuellement à cause d’un procès en cours pour malversations.... L’un de ces GIE a par exemple créé huit emplois fixes et une dizaine d’emplois indirects liés à son activité, comme par exemple les livreurs de commandes ou les manoeuvres occasionnels, etc... Mais actuellement, les malversations et les tiraillement mesquins affaiblissent ces GIE de Bakel.
Autre exemple, les champs collectifs des villages : de 1975 à la moitié des années quatre-vingt, les émigrés sénégalais ont participé à la culture irriguée sur la vallée en cotisant soit pour avoir droit à un champ individuel qui sera fructifié par sa famille au village, soit en participant au champ collectif du village dont la récolte servait à payer les frais de fonctionnement dus à la SAED (essence, amortissements, assistance technique, etc...) et ensuite à ravitailler le magasin collectif en marchandises de première nécessité. Les formules sont nombreuses mais la récolte du champ collectif et l’argent des migrants doivent se conjuguer pour soutenir le magasin coopératif à prix modulés.
De la fin des années soixante-dix à la fin des années quatre-vingt, l’association villageoise soninkée ou pular verra ses fonctions se multiplier du fait même de la complexité et de la diversité de ses actions "dites de construction du village." C’est ainsi que verront le jour en France des associations villageoises de développement (AVD) structurés autour de l’AVSF et agissant au nom de tout le village. Ce sont les responsables de ces AVD qui assureront les liens avec l’extérieur (ONG, institutions, etc...) car après avoir dirigé les grèves des foyers au début des années soixante-dix, ces jeunes dirigeants instruits ou syndiqués, ont acquis, grâce à la loi de 1981 qui reconnaît aux étrangers le droit de s’associer sur les principes de la loi de juillet 1901, une solide expérience de contact avec la société d’accueil. Ce sont ces AVD qui vont impulser les projets dans les villages en construisant des structures-images au pays (cf Yaya Sy, 1997).
En revanche, ni la loi de 1975, ni celle de 1981 sur l’aide au retour avec respectivement un pécule de 10 000FF et 100 000FF pour le projet-retour et la formation, n’ont pas suscité un grand engouement chez les migrants africains.
Les années quatre-vingt-dix verront le renforcement de ces structures associatives, en particulier les coopératives d’achat, qui deviendront économiquement autonomes.
III - L’IMPACT DES PROJETS DE DEVELOPPEMENT SUR LE DEVELOPPEMENT DU PAYS D’ORIGINE
1) Les difficultés méthodologiques
En abordant ce travail je me suis tout d’abord heurté au problème de la quantification des migrants eux-mêmes, car malgré le recensement de 1990 et les quantifications annuelles des entrées et sortie du territoire français, les chiffres restent très problématiques. Ensuite, la documentation relative aux investissements des projets des migrants est quasi inexistante, tant dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil. On comprend pourquoi l’estimation de l’incidence des micro-projets sur la dynamique globale de développement d’un ou plusieurs pays africains relève d’une gageure, ce d’autant plus que la région touchée par l’émigration est marginale et enclavée dans les trois Etats ; par ailleurs, les documents relatifs aux transferts de fonds des banques sont d’accès difficile, et que somme toute, ces transferts ne constituent qu’une faible partie des transferts globaux. On peut ajouter à ce tableau déjà sombre le dysfonctionnement chronique des services postaux en Afrique, ce qui explique la confiance limitée que les citoyens placent en la poste et les poussent aux transferts individuels de fonds ; ce comportement économique dit irrationnel s’avère en tout cas dangereux dans le contexte actuel d’insécurité qui prévaut dans les pays du Sahel.