Vous y croyez sincèrement ?

==============================================

Le ministre des Finances a passé en revue tous les aspects de la mise en pratique de la Déclaration de Paris en insistant sur la culture du résultat et de responsabilité mutuelle

La première journée de travail de la Table ronde des bailleurs de fonds a enregistré une communication du ministre des Finances, Abou-Bakar Traoré sur la mise en oeuvre de la Déclaration de Paris. Cette présentation a largement fait le point de la situation de la coordination de l’aide avant la Déclaration de Paris et des actions entreprises depuis cette rencontre. Évoquant la problématique de la coordination de l'aide, le ministre des finances a rappelé que la communauté des donateurs s’était engagée en 2002, à Monterrey au Mexique, à aligner l’aide au développement sur les stratégies des pays partenaires et à harmoniser leurs propres politiques et procédures en matière de coopération pour le développement. D’autres déclarations et forums -Rome (2003), Marrakech (2004), Paris (2005) et Hanoï (2007)- ont suivi pour renforcer l’action entreprise depuis Monterrey, a t-il indiqué. Depuis, des changements importants sont intervenus dans l’attitude des Partenaires techniques et financiers (PTF) en termes d'appuis au gouvernement du Mali sous forme d’aide budgétaire. Le processus graduel privilégie d’abord l’aide budgétaire sectorielle pour tendre vers l’aide budgétaire globale.

CINQ PRINCIPES. Avant la Déclaration de Paris, a expliqué Abou-Bakar Traoré, la Revue de l’aide en 1996, réalisée avec le concours de l’OCDE, a constaté que l'aide, bien qu’occupant une place importante (12% du PIB) dans l’économie malienne, était peu coordonnée par le gouvernement. D'autre part, la conduite des actions d’aide était faiblement intégrée dans la gestion nationale et les circuits économiques nationaux et les populations étaient peu informées sur l’aide. Suite à ce constat, le gouvernement et ses partenaires ont installé en 1998, une Commission mixte Mali–PTF, deux groupes de travail (Gouvernement et PTF), un secrétariat conjoint et un comité technique. En mars 2002, afin que les PTF inscrivent leurs appuis dans un cadre unique de référence des politiques publiques, le Mali a adopté le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP). C'est ainsi que la 5è Table ronde des bailleurs de fonds du Mali a été organisée à Genève avec le CSLP comme document présentant la stratégie de développement du pays.

La Déclaration de Paris, selon le ministre des Finances, repose sur cinq principes : l'appropriation, l'alignement, l'harmonisation, la gestion axée sur les résultats et la responsabilité mutuelle. Elle prévoit, en outre, un dispositif de suivi constitué de douze indicateurs.

De nombreuses actions ont été initiées au Mali depuis la Déclaration de Paris, a-t-il souligné. Au nombre de celles-ci figurent l'élaboration, dans le cadre du CBMT, d’un tableau analytique sur le poids des secteurs par rapport au Produit intérieur brut ; la valorisation de la classification fonctionnelle et l’identification des dépenses de réduction de la pauvreté dans la nouvelle nomenclature budgétaire ; l'institutionnalisation d’un atelier national de concertation sur les défis et enjeux du CSLP dans le cadre de l’élaboration de la loi de Finances ; la mise à la disposition de l’ensemble des administrateurs de crédits, des documents de stratégie pour une meilleure identification des mesures et actions ; la mise en œuvre et l'évaluation du CSLP 2002-2006 à travers trois rapports et deux revues. Le ministre Traoré a également attiré l'attention sur l'adoption et la mise en œuvre du Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP – 2007/2011).

Au titre de l'alignement, le gouvernement a fait de l’appui budgétaire un instrument important de sa coopération financière avec les PTF. A cet effet, il a développé une architecture à trois étages dont?un accord-cadre (c’est-à-dire général) concernant les appuis budgétaires dans leur ensemble et couvrant tous les types d’appui budgétaire (général et sectoriel). Cet accord fixe les principes généraux qui régissent l’appui budgétaire, notamment en matière d’engagements réciproques et de modalités de mise en œuvre. L'accord a été signé le 29 mars 2006 par 7 PTF et rejoint par d’autres par la suite.

Les accords spécifiques, eux, concernent un accord pour l’appui budgétaire général en faveur du CSLP/CSCRP et des d’accords d’appuis budgétaires sectoriels (santé, développement social, éducation et formation professionnelle, réforme de l’État, décentralisation, etc.). Il y a aussi les accords bilatéraux avec chaque PTF intervenant dans l’appui budgétaire (général ou sectoriel) ; des initiations de nouveaux arrangements en matière de réforme de l’État décentralisation, eau et assainissement

MODERNISATION DE LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES. Afin de consolider l’efficacité, la transparence et la fiabilité de la gestion des finances publiques, le gouvernement a adopté, en avril 2005, un Plan d’actions gouvernemental d’amélioration et de modernisation de la gestion des finances publiques (PAGAM/GFP). Ce plan est construit autour de cinq axes : l’amélioration de la qualité de la préparation et de l’exécution du budget ; le développement de l’efficacité des administrations fiscales et financières ; l’intégration des financements extérieurs aux procédures budgétaires nationales ; l’accroissement de l’efficacité et de la transparence des procédures de passation des marchés publics ; le renforcement de la gouvernance et de la transparence.

En juillet 2007, ont été annexées à ce plan de nouvelles actions résultant des recommandations de l’exercice d’évaluation des performance des finances publiques (exercice PEFA) réalisé au 4è trimestre 2006 et de l’audit conduit par l’Organisation mondiale des douanes (OMD).
Avec l’avènement du CSLP 2002-2006, l’organisation des PTF s’est améliorée de façon significative dans trois directions, a indiqué Abou-Bakar Traoré : la participation au fonctionnement des mécanismes institutionnels du CSLP à travers notamment la Commission mixte Mali-Partenaires au développement ; l'instauration d'un système de chef de file des Partenaires tournant alternativement entre un bilatéral et un multilatéral ; la mise en place de groupes de travail organisés autour de secteurs de développement. Avec le CSCRP 2007/2011, les PTF ont renforcé leur coordination en mettant en place un pool technique et en recentrant leur appui autour des quatre groupes CSCRP, huit thèmes de travail (développement rural, secteur privé et micro finances, décentralisation/développement institutionnel, justice, éducation, santé, eau et assainissement, finances publiques et appuis budgétaires) et trois groupes transversaux (environnement/gestion des ressources naturelles, genre, VIH/Sida). Une Stratégie commune d’assistance pays (SCAP) a été élaborée et une matrice d’appui budgétaire général est en discussion.

LA GESTION AXÉE SUR LES RÉSULTATS. Le Mali a procédé à la généralisation de la méthode du budget-programme ; à l'audit de la réforme du budget-programme et à la mise en œuvre des recommandations de l’audit réalisé avec l’appui du Canada. Par ailleurs, il convient de retenir la systématisation de la formation continue sur la gestion axée sur les résultats (budget-programme, CDMT cadre logique) en collaboration avec un cabinet extérieur (dix départements ministériels et institutions formés par année depuis 2005) et les revues de projets et de programmes. Au nombre des actions, figurent également, la conception, dans le cadre de l’appui budgétaire, d’un calendrier sur les différentes échéances, l'adoption d’un cadre d’évaluation du CSCRP, la création d’un comité national de valorisation d’un guide d’élaboration et de suivi -évaluation du budget-programme, la disponibilité de 15 CDMT et la préparation en cours de 4 CDMT.

En matière de responsabilité mutuelle, deux enquêtes ont été réalisées?avec les PTF, a indiqué le ministre des Finances. Les résultats de la 1ère (2006) ont révélé la faiblesse des liens entre le budget et le document stratégique pays, la capture insuffisante de l’aide par les systèmes de gestion du pays (sa limitation à deux secteurs : éducation, santé), les données insuffisantes et la faible coordination des pratiques, l'inexistence d'un mécanisme formel en matière de responsabilité mutuelle.
Cette enquête a permis d’évaluer les indicateurs, d’établir les défis à relever et d’identifier les actions prioritaires à mettre en oeuvre. C'est dans ce cadre qu'un plan d’actions prenant en compte les différents défis a été adopté en avril 2007 par le conseil des ministres. Ce plan a été élaboré dans un cadre participatif avec l’apport des différents acteurs et repose sur les cinq axes de la Déclaration de Paris. Sur chacun de ces axes, sont précisés les actions, les indicateurs de suivi et sources de vérification, l’organisme responsable et le calendrier de mise en œuvre.
Un secrétariat à l’harmonisation de l’aide a été créé pour l'exécution du plan. Les PTF ont, de leur côté, installé un pôle technique travaillant en tandem avec le secrétariat à l’harmonisation.

La deuxième enquête, menée en 2008, a mis l’accent sur l’amélioration du lien des CDMT.
Toujours au chapitre de l'après-Déclaration de Paris, Abou-Bakar Traoré a déploré que la grande majorité des partenaires n'utilisait toujours pas le système national de passation des marchés publics. Le ministre a aussi évoqué la nécessité de renforcer la coopération entre donateurs, de progresser en matière d’évaluation grâce à un renforcement du système statistique national et à des discussions sur le mécanisme formel, de rendre opérationnel le secrétariat à l’harmonisation de l’aide.

RESPONSABILITÉ MUTUELLE. En conclusion, le ministre des Finances a estimé que les pays donateurs doivent améliorer la prévisibilité de l’aide à moyen terme et opérationnaliser la division du travail pour une meilleure complémentarité des actions. Ils sont, en outre, appelés à réduire les missions en privilégiant les missions conjointes, aligner les conditionnalités sur les priorités du Gouvernement et l’agenda des réformes. Notre pays attend aussi d'eux d'adopter une matrice commune des mesures (indicateurs/déclencheurs), d'utiliser les systèmes nationaux de gestion des finances publiques et des marchés publics et d'accroître le rôle des agences d’aide sur le terrain.

De son côté, le Mali, du point de vue de Abou-Bakar Traoré, doit mettre en œuvre le calendrier harmonisé des services, harmoniser les différents instruments de planification et poursuivre la formation continue des acteurs aux outils et méthodes de la gestion axée sur les résultats. Il est également appelé à réformer le cadre institutionnel des Finances pour y intégrer les préoccupations de gestion axée sur les résultats.
En terme d'alignement, le ministre Traoré a cité le renforcement de la participation et de la concertation avec les PTF, le passage progressif de l’approche projets et programmes à l’appui budgétaire. Pour ce qui est de la gestion axée sur les résultats, le pays doit renforcer ses capacités, particulièrement en matière de statistiques par la mise en œuvre du schéma directeur de la statistique.

Pour renforcer la responsabilité mutuelle, gouvernement et PTF sont appelés à respecter les engagements pris, à dialoguer à la fois sur les politiques du gouvernement en vue de favoriser l’alignement des PTF, sur les conditionnalités des appuis budgétaires (général et sectoriel) et sur les normes internationales de transparence et leur mise en œuvre. Ils doivent également gérer de façon concertée les risques et discuter de la création d’un mécanisme formel d’évaluation mutuelle.

La confiance et la responsabilité sont nécessaires pour renforcer le dialogue entre Gouvernement, Société civile et PTF. C’est à ce prix que la Déclaration de Paris changera fondamentalement le comportement de l’ensemble des acteurs, a estimé le ministre.
F. MAIGA

Source : L'ESSOR : Quotidien National d'Information du Mali