Empêcher Kadhafi de massacrer son peuple : oui, bien sûr, et on peut aisément s'indigner que cela n'ait pas été fait avant. Bien avant, il y a un mois, lorsque le dictateur fit tirer à la mitrailleuse sur la foule à Tripoli, lors des premières manifestations, puis envoya ses mercenaires achever les blessés, maison par maison.
Se débarrasser de Kadhafi et assumer un choix de
« regime change », comme aurait dit George Bush, en faisant tout pour éliminer le tyran. Pourquoi pas ? Et, on demeure, au passage, dubitatif sur l'incapacité des services occidentaux à conduire une opération
ad hominem visant à assassiner ou neutraliser le dictateur. Ou convaincre son entourage de le faire.
Aider le peuple libyen à se libérer du joug. Oui, mille fois oui, et l'on s'interroge sur la lâcheté de nos dirigeants européens, qui excluaient jusqu'alors tout type de support militaire, toute livraison d'armes et de matériel à des insurgés qui les demandaient pour combattre les troupes d'un dictateur à qui ces mêmes Européens n'ont cessé, justement, de vendre des armes (ci-contre Serge Dassault, par exemple). Arrêter, poursuivre, éliminer un dirigeant qui menace son peuple dans des termes insupportables, tels que
« Nous irons vous chercher jusque dans les chiottes et nous serons sans pitié », ne peut être que salué. C'est la phrase prononcée jeudi soir par Kadhafi, quelques heures avant le vote du conseil de sécurité. Phrase reprenant presque mot pour mot celle de Vladimir Poutine
(« Nous irons les buter jusque dans les chiottes s'il le faut »), prononcée en 1999 pour justifier le déclenchement de la deuxième guerre deTchétchénie qui a fait au moins 40.000 morts. Personne n'avait alors songé à soumettre ne serait-ce qu'un projet de résolution au conseil de sécurité de l'ONU.
Au moment donc où un unanimisme béat et presque patriotique submerge le pays, où la quasi-totalité des éditorialistes et responsables politiques (même Jean-Luc Mélenchon –
lire les réactions ici) dit soutenir la résolution de l'ONU donnant le feu vert à ce qu'il faut bien appeler une entrée en guerre, peut-on se permettre de ne pas participer à la fête ? Et peut-on seulement, sans être aussitôt accusé d'indifférence coupable, souligner toutes les ambiguïtés, les risques et petits calculs d'une telle opération ?
Source : Mediaprt