Affectation des chercheurs dans les universités : mythe ou réalité ?
Le projet de loi portant organisation de la nouvelle université est maintenant connu. Il est inacceptable car il bouleverse les finalités et l'organisation des universités. Notamment, il supprime la vie démocratique qui est le fondement même de l'université en donnant tous les pouvoirs au seul président assisté d'un conseil d'administration réduit à 20 membres dont 7 personnalités extérieures et en abrogeant les commissions de spécialistes. Ce projet concerne aussi les organismes de recherche car il ouvre la porte à la mise sous tutelle des chercheurs auprès de ces nouveaux super-présidents.
Article :
Affectation des chercheurs dans les universités : mythe ou réalité : SNCS-HEBDO 07 n°13 du 21 juin 2007
Patrick Monfort, membre du bureau national du SNCS-FSU et du conseil d¹administration du CNRS
Dans le projet de loi, il est fait mention, à plusieurs reprises, des chercheurs. Il est ainsi prévu que le conseil scientifique soit consulté sur la qualification à donner aux emplois d'enseignants-chercheurs et de chercheurs vacants, que le président peut recruter des agents contractuels pour occuper des emplois d'enseignement et des emplois scientifiques, que le conseil d'administration définit les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d'enseignement, de recherche et les autres missions, et enfin que le personnel enseignant comprend des enseignants-chercheurs, d'autres enseignants ayant la qualité de fonctionnaires, des enseignants associés ou invités, des chargés d'enseignement et des chercheurs des organismes de recherche.
Ce texte donne plein pouvoir aux super-présidents sur les chercheurs. Il suffit pour cela que les chercheurs des EPST soient mis à disposition auprès des universités ce qui est tout à fait réalisable dans le cadre actuel des statuts de la fonction publique. Les chercheurs seraient alors toujours personnels des EPST et donc salariés par eux, mais la définition de leur tâche serait dans les mains des super-présidents d'Université. Ceux-ci pourraient alors dans ces conditions et tel que prévu dans le projet de loi, définir les emplois vacants de chercheurs et leurs obligations de service notamment en matière d'enseignement. Dans ce contexte de pouvoir renforcé, les super-présidents pourraient aussi intervenir sur les thématiques de recherche et les programmes scientifiques des chercheurs.
C'est bien la mort annoncée des organismes de recherche transformés en simples « agences de moyen » gérant sans doute encore des infrastructures et peut-être des personnels ITA.
C'est aussi la déstructuration de la recherche française en soumettant les seules universités à la logique du financement des laboratoires sur projet. Cette logique soutient que seul le ministre et ses quelques conseillers ne représentant qu'eux-mêmes ont les compétences pour définir les perspectives de recherche au plan national. Dans ce schéma, le ministère définit les orientations de la recherche, l'ANR finance les projets, l'AERES en est la caution, les organismes de recherche structurent les équipements et organisent l'apport en personnel ITA et les Universités disposent les enseignants-chercheurs et les chercheurs dans ces orientations.
Enfin, la mise sous tutelle des chercheurs auprès des universités n'est pas une simple vision de l'esprit. C'est bien une vision dogmatique de la droite qui déjà en 1986 avait déposé dès les premiers jours de son retour au pouvoir, un projet de loi qui supprimait dans son premier article le CNRS, l'INSERM et l'ORSTOM (devenu IRD), et qui dans son deuxième article reversait les personnels de ces organismes dans les universités. La possibilité du transfert des chercheurs auprès des universités est donc bien préparée par le contenu du projet de loi qui en donne les possibilités.
Le SNCS s'oppose à ce projet de destruction des organismes de recherche et appelle tous les personnels à s'organiser pour envisager les actions à mener.
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Cher(e)s Soninkaranautes étudiantes et étudiants j'imagines que l'information est bien passé au niveau des universités !! quel est votre présenti de ces changements et comment cela se prépare au niveau de chaque université
Report de la présentation du projet
Je viens de lire dans les colonnes de 20 minutes le report de la présentation du projet d'au moins une semaine!!
Face à la grogne de la communauté universitaire à l'égard du projet le gouvernement a pris l'option de calmer le jeu. Les Etudiants estiment ne pas avoir été entendu et qu'il n'est pas question de se laisser imposer une réforme sans donner leur avis bien qu'ayant participé au groupe de travail.
Points de négociation sensibles entre autre:
- Composition du conseil d'administration : le projet propose que trois seulement puisse siéger alors qu’aujourd’hui il ya aujourd’hui une quinzaine
- Autonomie de Facs
- Projet de sélection des étudiants à l’entrée du master. Sur ce point les étudiants pensent que cela risquait de réduire le nombre d’inscrits en second cycle alors que les universités et le marché de l’emploi ont besoin de davantage de mastériens
Quelques infos sur le projet en cours
Le projet de loi portant organisation de « la nouvelle université » bouleverse les finalités et l’organisation des universités. Il est inacceptable car, dans la prolongation du « Pacte pour la recherche », il obéit à une logique visant à « transformer nos grands organismes en Agences de moyens, pour qu’i ls financent la recherche française selon une logique de projets ». Ce projet de loi, qui concentre les pouvoirs entre les mains du président d’université assisté d’un conseil d’administration (CA) réduit à 20 membres dont 7 personnalités extérieures nommées, porte atteinte à la vie démocratique des universités. Le 22 juin, le CNESER (le Conseil placé auprès du ministre) a condamné, dans une motion préalable, le mode d’élaboration de ce texte comme son contenu par 35 voix, contre 15 et 5 abstentions. Après la sortie des représentants de la FSU, de la CGT, de la CFDT, de l’UNEF et de la FAGE, le texte lui-même a été rejeté par 19 voix contre 12 et 4 abstentions.
Le projet de loi fait référence à des chercheurs « nommés dans les universités ». Il prévoit que le Conseil scientifique soit consulté « sur la qualification à donner aux emplois d’enseignants-chercheurs et de chercheurs vacants ou demandés », que le président puisse recruter des agents contractuels pour occuper « des emplois d’enseignement et des emplois scientifiques », « permanents ou non ». Il dit que « le CA définit les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d’enseignement, de recherche et les autres missions », et précise que « le personnel enseignant comprend des enseignants-chercheurs, d’autres enseignants ayant la qualité de fonctionnaires, des enseignants associés ou invités, des chargés d’enseignement et des chercheurs des organismes de recherche ».
Ce texte ouvre la voie à la tutelle des super-présidents d’Université sur les chercheurs des Etablissements publics scientifiques et techniques (EPST). Il suffit pour cela que le gouvernement décide que les chercheurs soient mis à disposition des universités. Les chercheurs resteraient alors salariés des EPST, mais leurs obligations de service, notamment en matière d’enseignement, seraient définies par les super-présidents. Dans ce contexte de pouvoir renforcé, les super-présidents pourraient aussi intervenir sur les thématiques de recherche et les programmes scientifiques des chercheurs. Alors que le ministère dément ce projet devant la presse, la ministre interrogée par les syndicats ne dément pas et se contente de répondre qu’il ne figure pas dans le texte de loi. L’absence de création d’emplois de chercheurs au CNRS dans le budget 2008 confirme l’avancement de ce projet et renforce nos inquiétudes.
C’est bien la transformation annoncée des organismes de recherche en simples « agences de moyens » gérant sans doute encore des infrastructures et peut-être des personnels ITA. C’est aussi la déstructuration de la recherche française, par le placement des universités sous la dépendance du financement par projets de leurs laboratoires. Dans ce schéma, le ministère définit les orientations de la recherche, l’Agence nationale de la recherche finance les projets, les organismes de recherche structurent les équipements, répartissent les personnels ITA et les universités disposent les enseignants-chercheurs et les chercheurs dans ces orientations. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur sert de caution.
Première analyse de la loi Pécresse
La loi Pécresse répond à un diagnostique sérieux : l’enseignement supérieur est inégalitaire, inefficient, et a tendance à freiner la mobilité sociale plutôt que de la favoriser.
Cependant ses leviers d’actions auront des conséquences graves, qui risquent de ternir tant ses bénéfices que son bilan qui sera finalement négatif.
1 Sur la sélection 2 Sur la professionnalisation 3 Sur la mobilité sociale 4 Sur l’aspect économique et politique de la loi LRU 5 Sur la coopération
1 Sur la sélection :
Avant tout il faut couper court à la rumeur selon laquelle il n’y a pas de sélection en université avant le bac plus 5. La sélection existe en fac. Pas au moment de l’inscription, mais au moment des examens sanctionnant le travail de l’année.
En Droit, à Aix c’est : 30 % de réussite en première année. 50 % en deuxième. 50 % en troisième.
Dans certaines filières saturées, comme en Anglais, le taux de réussite en première année est de 10 %. Il est quasiment impossible à un élève qui n’est pas déjà bilingue en arrivant de s’extraire de cette sélection aveugle. Des formations par correspondance type celles organisées par la Sorbonne sont des voies de garage, volontairement plus exigeantes, d’où s’extraient uniquement les profils exceptionnels.
On ne peut pas se plaindre à la fois que des jeunes soient sélectionnés à la fac ET que 20 % sortent de l’université sans diplôme.
Ensuite « l’absence de sélection à l’entrée » permet de changer de faculté quasi librement. La Sorbonne et Assas demandent de passer en commission pour pouvoir s’inscrire après un cursus dans une autre faculté. Même venant des facs d’Aix ou de Lyon.
2 Sur la professionnalisation :
Premier point : la difficulté à se réorienter. Après trois ans de Droit, j’ai cherché à intégrer une filière éco, qui m’attirait davantage. Je devais pour cela entrer en deuxième année de DEUG, plutôt que de m’inscrire en Bac+4 en Droit. Bref, une perte sèche de deux ans d’études. Plus de mes bourses. Le coût marginal d’un étudiant est pourtant dérisoire, et je n’aurais eu aucun diplôme que je n’aurais pas réussi en fin d’année.
Deuxième point : la pénurie de postes en filière professionnalisantes (essentiellement BTS, IUT, Ecoles d’Ingénieurs publiques, IAE, DESS).
On ne peut pas laisser un système de BTS et IUT hyper efficace avec si peu de place et se plaindre du manque de professionnalisation des filières. Tripler les places en IUT et BTS serait plus cher, mais toutes les places seraient prises et la formation serait celle attendue par les entreprises (auxquelles un profil de cadre IUT + Ecole ou DESS se vend souvent mieux qu’un profil Prépa + Ecole ou DESS).
Les IUT, ce ne sont pas des facs, mais c’est l’université.
Du point de vue des alternatives aux écoles, les écoles d’Ingé Polytech’ et les quasi écoles de commerce IAE donnent une formation excellente et orientée entreprise (on notera aussi l’excellent Institut de la Communication et des Médias de Grenoble). Leur succès est croissant. 1 milliard par an sur 5 ans est ridicule par rapport au retard pris. Cette réforme est complètement sous dotée. Il ne faut pas essayer de faire du BTS ou de l’IUT en fac avec des amphis de 700 personnes, car ça ne marchera pas. D’ailleurs les « Licences-Pro » sont bien plus proches des IUT que des licences en facultés.
A l’inverse, en faculté, l’étudiant jouit d’un certain anonymat appréciable après 15 ans en école, collège et lycée où notre réputation sert autant pour nous noter que nos travaux, et d’une certaine tranquillité qui lui permet de passer des années à s’ouvrir au monde comme il le veut. De plus, plutôt que de laisser mourir à petit feu les facs de Lettres qui ne trouveront pas d’entreprises pour se financer, et qui diminueront la qualité de leurs enseignements en même temps que le nombre de leurs étudiants, il vaudrait mieux proposer aux étudiants des alternatives plus facilement orientables. La solution, c’est d’abord la taille humaine des BTS-IUT, leur haut niveau d’exigence, leur contrôle continu, et leur orientation. Il faut absolument au moins doubler leurs moyens et communiquer intensivement en lycée sur leurs avantages.
3 Sur la mobilité sociale :
Effectivement il y a un vrai problème de mobilité sociale en France. Il ne faut pas oublier la frilosité pathologique des entreprises à l’égard des jeunes, des vieux, de ceux qui ont fait la fac, de ceux qui ont pas fait l’Ecole de Commerce la plus renommée, de ceux qui ont fait autre chose, des polyvalents, de ceux qui n’ont pas le nez dans le guidon, de ceux qui sont moches ou qui n’ont pas l’air "comme il faut" (première source de discrimination en France)... Tout ça pour un stage ou un contrat précaire. Les offres de stages sont pourvues sous condition d’expériences et de diplômes déjà validés. La dégradation de l’image de l’entreprise est démotivante. C’est par une politique de responsabilité sociale que nous ferons tomber ces œillères.
Nous avons des dizaines de milliers d’offres d’emploi non satisfaites. En face des millions de chômeurs reconnus comme tels ou évacués des statistiques officielles (étudiants qui font durer le plaisir pour ne pas se retrouver désœuvrés et sans bourse ni RMI, en formations, en recherche d’un temps partiel, en recherche d’un CDI, disponibles à la fin de leur préavis...) plus toutes les entourloupes qui alarment les statistiques officielles de l’UE depuis Jospin : premières radiations massives, premières campagnes de désincitation à se présenter aux agences.
La balle est dans le camp des entreprises, qui doivent de nouveau accepter la prise de risque, leur part de formation "sur le tas", et leur rôle de mobilité sociale dans une société qui se veut plus méritocratique.
Les entreprises sont faites d’hommes, qui favorisent le népotisme, la cooptation ou privilégient les filières les plus sélectives (quoique la sélection se fasse surtout au regard de la taille du portefeuille en école de commerce, pour une formation très proche des IAE ou des écoles moins cotées). C’est donc une question sociale qui se traduit économiquement.
4 Sur l’aspect économique et politique de la loi LRU :
Nous avons déjà dit pourquoi 1 milliard par an sur 5 ans sont insuffisants. Cette loi, à l’instar de la décentralisation Raffarin, a pour but de désengager l’Etat de ses obligations de financement direct, donc comptabilisé dans les normes du pacte de stabilité économique de l’UE.
Cependant, les entreprises ne seront pas du jour au lendemain disposées, par patriotisme, à payer la formation des étudiants sans contreparties. Certaines de ces contreparties seront raisonnables et positives, amélioreront l’employabilité, mais d’autres seront moins légitimes. Veut-on une université aussi docile que le sont les médias vis-à-vis de leurs annonceurs ? Aurais-je pu écrire un mémoire critique sur la loi DADVSI ou sur les dérives de l’UE à la veille du traité constitutionnel européen, si mon directeur avait craint de perdre ses financements ou si le doyen l’avait rappelé à l’ordre ?
Par ailleurs, ce financement, les entreprises iront le prendre quelque part. Ce quelque part ne sera pas les dividendes de leurs actionnaires, mais les poches des consommateurs. La décentralisation a conduit à des taux de prélèvements obligatoires records, la loi sur la réforme des universités érodera encore davantage le pouvoir d’achat.
Les entreprises préfèrent aujourd’hui payer leur taxe d’apprentissage à l’Etat plutôt qu’à un organisme de formation dont elles pourraient exiger plusieurs stagiaires. C’est absurde, mais révélateur de leur indifférence au problème de la formation.
Les facultés ont encore le montant de leurs inscriptions fixé par décret, mais un décret se modifie du jour au lendemain par l’exécutif. C’est aussi le cas pour les franchises. En l’absence de la moindre garantie, nous pourrions avoir de drôles de surprises.
5 Sur la coopération
Si certaines querelles de clochers rouillent les mécanismes de collaboration interuniversitaire, l’introduction d’une concurrence entre les universités (qui sera féroce surtout dans la phase de réduction du nombre des universités) risque d’aggraver cette pente. La concurrence peut potentiellement conduire au résultat inverse, dans l’hypothèse où il bénéficiera indirectement des efforts faits pour séduire les financiers, et son excellence sera elle-même un argument (parmi d’autres) en ce sens.
Par ailleurs depuis la « nouvelle approche européenne », ce sont les entreprises qui doivent faire les études scientifiques démontrant que leurs produits ne sont pas néfastes. Jusqu’à présent, les laboratoires universitaires contrôlaient les résultats pour s’assurer de leur sincérité, mais il sera difficile de croire aux conclusions sur les OGM de Monsanto et des labos universitaires financés directement par cette entreprise.
Conclusion :
L’Université ne se relèvera pas seule : les filières des facultés servent aujourd’hui d’expédient pour éviter le chômage, la précarité, l’impossibilité de se voir donner sa chance par une entreprise. Ce ne sont certes pas leurs fonctions, et seul un investissement dans les cursus BTS-IUT, ou proto Ecoles d’Ingénieurs ou de Commerce permettra de fournir au marché du travail des diplômés opérationnels, et de canaliser les étudiants vers des métiers porteurs.
Ceci nécessitera des investissements conséquents et une évolution des mentalités de l’entreprise qui ne sont pas garantis par la loi du 10 août 2007, dite loi Pecresse. Cette loi ne sera qu’un emplâtre sur une jambe de bois, et n’aura pour seul mérite que de réduire les dépenses publiques et d’assécher les fonds des facultés de Lettres et de Sciences sociales sans résoudre les problèmes de leurs étudiants.
Une intervention de l’Etat était nécessaire. Face à l’échec économique et social de l’enseignement supérieur, l’approche choisie a été de laisser les entreprises tenir les universités « par la bourse » pour leur faire davantage prendre en compte les demandes du marché. Les bienfaits de cette réforme de « privatisation partielle » sont réels, mais auraient également pu être résolus autrement et avec des conséquences négatives bien moindres.
Images : Deux facultés d’Aix-en-Provence séparées par une simple barrière depuis 1968 :
La Faculté de Droit, avec ses intérieurs marbre et verre, sa cour intérieure avec fontaine sculptée, ses colonnes, sa roseraie.
La Faculté de Lettres, qui ressemble à une énorme barre HLM entourée de grillages en corolle pour éviter que les chutes des revêtements des murs ne causent de blessures graves.
Depuis peu, la Faculté de Droit est équipée d’Algerco climatisés ( !) pour les TD. Mais n’a toujours pas renoncé à son traiteur préféré.