Les changements alimentaires au cours de la migration?

Bonjour chers Soninkarnautes,

J'aimerais savoir ce qui a changé dans votre pratiques alimentaires par rapport à celles de vos parents ? par rapport à celles que vous aviez au pays ? qu'est-ce qui a changé dans votre approvisionnement ? la cuisine ? la consommation au sein de la famille ou à l'extérieur ?
Continuez-vous à manger « africain » et qu’est-ce que c'est pour vous « manger africain » ? Mangez-vous « français » et qu’est-ce que c'est pour vous « manger français » ou "manger européen"? ???
Est-ce que vos enfants mangent la même chose que vous ?
Est-ce que vos maris entrent dans vos cuisines mesdames ? :)

Merci beaucoup pour votre participation et à très bientôt pour en débattre !
bonne semaine

Citation:

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Posté par Foulayaka

Bonjour chers Soninkarnautes,

J'aimerais savoir ce qui a changé dans votre pratiques alimentaires par rapport à celles de vos parents ? par rapport à celles que vous aviez au pays ? qu'est-ce qui a changé dans votre approvisionnement ? la cuisine ? la consommation au sein de la famille ou à l'extérieur ?
Continuez-vous à manger « africain » et qu’est-ce que c'est pour vous « manger africain » ? Mangez-vous « français » et qu’est-ce que c'est pour vous « manger français » ou "manger européen"? ???
Est-ce que vos enfants mangent la même chose que vous ?
Est-ce que vos maris entrent dans vos cuisines mesdames ? :)

Merci beaucoup pour votre participation et à très bientôt pour en débattre !
bonne semaine

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Salam

Un sujet interessant dans le mesure où il nous interpelle sur notre habitude alimentaire hors de nos frontières. Personnellement, Soninké dans l'âme, je dirai que mon alimentation a radicalement changé. Certes, j'ai a disposition tous les condiments necessaires à la cuisine de mon pays que je peux trouver à Chateau Rouge ou à à Barbes...mais je ne peux guère suivre le modèle d'alimentation africain. Au pays, la cuisine etait l'apanage des femmes. Elles se succedaient quotidiennement à la tâche avec de multitudes de plats variés. C'est ainsi que dans certaines familles, les Vendredi etaient des jours de Yassa ou de Mafé , Les Dimanche jour de Sagassaga ( Sauce d'épinards ). Déjà le changement entre les 2 modes d'alimentation se situe au nombre de personnes qui se tuent à la tâche. Chez nous Soninké, les femmes s'entreaident...Même si ce n'est guère leur tour de cuisine. Les unes épluchent les oignons et les pommes de terres, les autres coupent la viande ou préparent le poisson tandis que les autres trient le riz. Comment peux tu avoir cette même forme d'organisation dans des appartements de 3 pièces ou de 2 pièces. La " Nucléarisation " des familles chamboule tout mode d'organisation à l'africaine. Maintenant la famille se réduit à papa, maman et les 2 enfants. Comment pourrons - nous garder le modèle africain ?

Je suis noltalgique de ces temps où ma mère, mes tantes et mes grands-mères s'asseyaient autour du bol de Mafé en mangeant comme si elles n'avaient pas d'autres programmes dans la journée. Elles passaient des heures autour du bol en parlant des faits divers du village, des travaux champêtres...Aujourd'hui, ma tante francisée est seule chez elle, je me demande même si elle pourra encore s'assoir sur le banc qu'on lui donnerait une fois au pays tellement elle est habituée aujourd'hui au fauteuil et autres. Les Soninkés mangent de nos jours à table... alors que dans les villages les hommes se reunissent autour de leur bol , les femmes autour de la leur pendant que les petits se disputent les morceaux de viandes loin des regards assassins des oncles et autres grands frères.

De plus, aujourd'hui, en France je ne me retrouve plus avec tous ces restos rapides. Je fais allusion aux grecs, au KFC, ... qui me gonflent l'estomac. Avant je prenais de la bouillie de mil le matin de bonheur, le couscous ( Déré ) vers 10 h et le repas de midi. En fin d'apres midi, on mangeait les restes du repas de midi en atendant le diner soit du "Sombi" ou du "Déré". Tous ces plats hormis le repas de midi à base de riz sont faits avec des produits locaux ( Mil, feuilles d'haricots, tomates, ...). Mon poids restait intact...

Exemple : Quand j'étais au Pays je faisais 72 Kg ! Quelques années en France ont suffi pour que je pèse 85 Kg voire plus selon mon activité physique.

Aujourd'hui, en france, j'ai du mal a assurer 3 repas necessaire à mon équilibre. Jamais de petit dejeuner, un sandwich ou grec... en pause de boulot et le soir, je retourne à mes sources avec du mafé, Domoda ou Yassa... Pire, je ne retrouve pas la saveur d'atant malgré la cherté de ces produits.

Citation:

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Posté par makalou

Salam

Un sujet interessant dans le mesure où il nous interpelle sur notre habitude alimentaire hors de nos frontières. Personnellement, Soninké dans l'âme, je dirai que mon alimentation a radicalement changé. Certes, j'ai a disposition tous les condiments necessaires à la cuisine de mon pays que je peux trouver à Chateau Rouge ou à à Barbes...mais je ne peux guère suivre le modèle d'alimentation africain. Au pays, la cuisine etait l'apanage des femmes. Elles se succedaient quotidiennement à la tâche avec de multitudes de plats variés. C'est ainsi que dans certaines familles, les Vendredi etaient des jours de Yassa ou de Mafé , Les Dimanche jour de Sagassaga ( Sauce d'épinards ). Déjà le changement entre les 2 modes d'alimentation se situe au nombre de personnes qui se tuent à la tâche. Chez nous Soninké, les femmes s'entreaident...Même si ce n'est guère leur tour de cuisine. Les unes épluchent les oignons et les pommes de terres, les autres coupent la viande ou préparent le poisson tandis que les autres trient le riz. Comment peux tu avoir cette même forme d'organisation dans des appartements de 3 pièces ou de 2 pièces. La " Nucléarisation " des familles chamboule tout mode d'organisation à l'africaine. Maintenant la famille se réduit à papa, maman et les 2 enfants. Comment pourrons - nous garder le modèle africain ?

Je suis noltalgique de ces temps où ma mère, mes tantes et mes grands-mères s'asseyaient autour du bol de Mafé en mangeant comme si elles n'avaient pas d'autres programmes dans la journée. Elles passaient des heures autour du bol en parlant des faits divers du village, des travaux champêtres...Aujourd'hui, ma tante francisée est seule chez elle, je me demande même si elle pourra encore s'assoir sur le banc qu'on lui donnerait une fois au pays tellement elle est habituée aujourd'hui au fauteuil et autres. Les Soninkés mangent de nos jours à table... alors que dans les villages les hommes se reunissent autour de leur bol , les femmes autour de la leur pendant que les petits se disputent les morceaux de viandes loin des regards assassins des oncles et autres grands frères.

De plus, aujourd'hui, en France je ne me retrouve plus avec tous ces restos rapides. Je fais allusion aux grecs, au KFC, ... qui me gonflent l'estomac. Avant je prenais de la bouillie de mil le matin de bonheur, le couscous ( Déré ) vers 10 h et le repas de midi. En fin d'apres midi, on mangeait les restes du repas de midi en atendant le diner soit du "Sombi" ou du "Déré". Tous ces plats hormis le repas de midi à base de riz sont faits avec des produits locaux ( Mil, feuilles d'haricots, tomates, ...). Mon poids restait intact...

Exemple : Quand j'étais au Pays je faisais 72 Kg ! Quelques années en France ont suffi pour que je pèse 85 Kg voire plus selon mon activité physique.

Aujourd'hui, en france, j'ai du mal a assurer 3 repas necessaire à mon équilibre. Jamais de petit dejeuner, un sandwich ou grec... en pause de boulot et le soir, je retourne à mes sources avec du mafé, Domoda ou Yassa... Pire, je ne retrouve pas la saveur d'atant malgré la cherté de ces produits.

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Salam Makalou,

Merci beaucoup pour ta réponse qui met le doigt sur des déterminants majeurs des mutations (notamment alimentaires) des sociétés occidentales : la "nucléarisation" des familles, le changement dans les rôles hommes-femmes, dans les formes d'organisation, dans le rapport au temps, l’isolement, le problème de logement, le développement de la restauration rapide, l’augmentation des prix, etc, avec des conséquences sur la nutrition. Effectivement, beaucoup d'éléments de ta culture semblent se perdre, mais est-ce qu’il n’y a certains qui malgré tout "résistent" ? et est-ce qu'on observe ces mêmes changements au pays ?

Bonjour

Un très bon sujet qui touche aux mutations et aux adaptations culinaires des Soninkés à travers la diaspora. J'y reviendrai incha Allah dès que j'ai un petit moment. Les questions posées par l'auteur du thread prouvent bien que c'est une personne qui sait ce qu'elle cherche comme information. Les questions, pertinentes, sont très bien ciblées. Les réponses de Makalou nous donne déjà un avant-gout agréable au débat et suscite d'autres questionnements. Bon débat!

Bonsoir

Je pense, en ce qui me concerne, que l’évolution des habitudes alimentaires en pays soninké n’est pas consécutive qu'à l’émigration/l’immigration. En ce sens, il faut, en plus de cet aspect, tenir compte des conditions climatiques et de l’introduction de nouveaux produits depuis la période coloniale. Ces facteurs ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des habitudes alimentaires des Soninkés.

Pour parler des facteurs climatiques, il faut noter qu’avec la sècheresse qui avait sévi dans les années 1970 dans le Sahel et qui a en conséquence ouvert les voies à l’agriculture irriguée avec l’introduction de la riziculture dans la vallée, nous assistons à des nouvelles habitudes alimentaires. Les cultures sous pluie et de décrue, qui permettaient aux gens de la vallée du fleuve Sénégal, dont sont originaires les Soninkés, de cultiver des espèces comme le mil (yille), le sorgho (sooge), le petit mil (feela) se raréfient. Le riz a aujourd’hui supplanté toutes ces espèces à travers le pays soninké. En conséquence, la préparation des plats qui se faisaient à partir du mil, du sorgho, du petit mil se sont raréfiés. Le suure, le sonbi, le ñecce, plats faits à base des espèces citées plus haut, ne se font aujourd’hui que vraiment de façon exceptionnelle. Le riz s’invite aujourd’hui à presque tous nos plats quotidiens. Une famille soninkée, aussi bien en Afrique qu’en contexte migratoire, qui reste une semaine sans faire le riz au poisson (maaron do ñexe) relève de l’exception. C’est en ce sens qu’un nostalgique du futo et, peut-être, du dere aussi, avait confié à Adrian Adams que : « C’est le couscous qui fait vivre notre pays, délaisser le mil, le sorgho, le maïs pour le riz serait un désastre »[1]. Pour récapituler ce premier point, on comprend très aisément que la péjoration des conditions climatiques, dont les conséquences sont, en autres, l’introduction d’autres cultures en pays soninké, sont aussi à l’origine des changements des habitudes alimentaires chez les Soninkés. Je répondais à ta dernière question consécutive aux jolies réponses de Makalou.

Quant aux changements des comportements alimentaires chez les Soninkés en immigration, cela s’explique effectivement et comme l’a si justement développé aussi Makalou du manque du temps, la préparation des plats africains exigeant beaucoup de temps. À tout cala, il faut aussi ajouter que l’influence des habitudes alimentaires des autres communautés sociolinguistiques en France, est telle que les Soninkés ont intégré d’autres habitudes sur ce point. Ils essayent de varier leurs plats, etc. Notons également qu’en Afrique ce sont les femmes qui cuisinent. En France et vu que tous les hommes Soninkés ne sont pas en famille et ne pouvant pas cuisiner les plats africains, moi en premier, on est souvent obligé de manger dans les restaurants qui ne préparent pas toujours les plats soninkés. Une autre source de changements des habitudes alimentaires est que ce ne sont pas toutes les filles soninkés nées ou ayant grandi en France qui peuvent faire les plats africains. Dans ce cadre, on est obligé de recourir à d’autres plats plus simples et plus adaptés à la gestion du temps et aux mœurs de la société française. Je suis fatigué, je peux revenir sur ce sujet quand j’aurai un autre petit moment incha Allah. Car il y a vraiment de quoi à dire à travers ce sujet. Bien à toi.

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[1]. Adrian Adams, La terre et les gens du fleuve, Paris, Harmattan, 1985, p.150.

Il est vrai qu'il est très difficile de nos de pouvoir faire tous les jours de la nourriture africaine, mais comme je pense comme pour certaines que nous avons des maris, pour qui les pâtes, les haricots ou autres ne suffisent pas, donc il faut essayer d'accumuler les choses, ou sinon congelés !

Tiens, en compulsant ce matin ma bibliographie sur les Soninkés, j'ai trouvé des références qui peuvent sans doute nourrir ce débat sur l'évolution des habitudes alimentaires chez les Soninkés, entre autres. Elles sont de l'historienne Monique Chastanet :

CHASTANET M., «Crises et régulations en pays soninké (Sénégal) depuis le milieu du XIXème siècle », Cahiers de l’ORSTOM, Série sciences humaines, n°27, 1991, pp.131-145.
CHASTANET M., «La cueillette des plantes alimentaires en pays soninké (Sénégal) depuis la fin du 19ème siècle : histoire et devenir d’un savoir-faire », in DUPRÉ, G. (éd.), Savoirs paysans et développement, Paris, Karthala- ORSTOM, 1991, pp.253-287.
CHASTANET M., «Survival strategies of a sahelian society: the case of the Soninke in Senegal from the middle of the XIXth century to nowadays », Food and Foodways, V (2), 1992, pp.127-149.
CHASTANET M., «Introduction et place du maïs au Sahel occidental (Sénégal-Mauritanie) », in M. CHASTANET (dir.), Plantes et paysages d’Afrique. Une histoire à explorer, Paris, Karthala-CRA, 1998, pp.251-282.
CHASTANET M., «Entre bonnes et mauvaises années au Sahel. Climat et météorologie populaire en pays soninké (Mauritanie, Sénégal) aux XIXe et XXe siècles), in KATZ E., GOLOUMBINOFF M., et LAMMEL A. (éd.), Entre Ciel et Terre, Climat et sociétés, Editions IBIS PRESS et IRD, 2002, pp.189-209.
CHASTANET M., « Le "sanglé", histoire d'un plat sahélien (Sénégal, Mali, Mauritanie) », in M. CHASTANET, F.-X. FAUVELLE-AYMAR & D. JUHE-BEAULATON (éd.), Cuisine et société en Afrique, Paris, Karthala, 2002, pp.173-190.
CHASTANET M., « Famines, subsistances et enjeux socio-politiques dans les traditions historiques : exemples soninkés (Sénégal, Mauritanie, Mali), Entre la parole et l’écrit. Contributions à l’histoire de l’Afrique en hommage à Claude-Hélène Perrot (Dir. M. CHASTANET et J.-P. CHRÉTIEN), Paris, Karthala, 2008, pp.77-97.
CHASTANET M., « Couscous « à la sahélienne » (Sénégal, Mali, Mauritanie)», in FRANCONIE H., SIGAUD F., CHAUVET M., et MUCHNIK J. (éd.), Couscous, boulgner et Cie. La diversité des produits et céréales à travers le monde, Paris, Karthala, 2009, pp. 157-194.

On peut revenir sur ce sujet très intéressant.