Pour que soit mise fin à une certaine discrimination basée sur le genre faisant qu’une mère ne peut pas transmettre sa nationalité à ses enfants issus d’un mariage mixte, le Code de la nationalité va connaître des modifications. L’annonce a été faite, hier, par le ministre de la Justice, Aminata Touré.



Désormais, au Sénégal, c’est la levée des obstacles faisant qu’une mère ne peut pas transmettre sa nationalité à son enfant issu d’un mariage mixte. En fait, cette réforme trouve son prétexte dans le traitement inégal et défavorable réservé à la femme par le Code de la nationalité, quant à la transmission de la nationalité sénégalaise par le mariage, la filiation et l’adoption. Une situation jugée être en porte-à-faux avec les dispositions de la Constitution et des engagements internationaux du Sénégal, résultant de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cette Convention a été ratifiée par le Sénégal en 1985, après son adoption, en 1979, par l’Assemblée générale des Nations unies.



Telle est l’essence de la journée de réflexion d’hier sur la réforme du Code de la nationalité présidée par le ministre sénégalais de la Justice. «L’objectif de la journée, c’est de discuter avec les députés, d'échanger avec tous les acteurs, afin d’avoir un consensus sur cette question qui est complexe, et nous espérons y aller pas à pas», précise d’emblée, Mme Aminata Touré. Qui ajoute que «la loi actuelle pose beaucoup de difficultés à nos compatriotes à l’étranger et nous estimons que c’est une discrimination faite aux femmes». Convaincue que le droit de la nationalité doit être basé sur l’égalité de genre, Mme la Garde des Sceaux rappelle que la nationalité est au cœur de la citoyenneté. Elle conditionne le droit de l’individu à participer pleinement à la vie politique par le vote, et à exercer son droit d’occuper une fonction publique ou d’avoir accès à certains services de l’Etat, telle que l’aide judiciaire.



La transition est toute trouvée pour préciser cet obstacle selon lequel «les personnes, qui ne possèdent pas la nationalité de l’Etat dans lequel elles résident, sont considérées comme des étrangers. Elles s’exposent donc à toute une série de conséquences juridiques du fait de leur statut, qui se traduisent par des désagréments pratiques et personnels». Le ministre relève des incohérences et imperfections dans les règles de transmission de la nationalité sénégalaise et de la filiation qui, selon elle, méritent d’être corrigées au nom de l’égalité de genre, eu égard aux Conventions et Traités ratifiés par le Sénégal. Mme Aminata Touré invite les participants à formuler des observations et des contributions allant dans le sens de l'approfondissement du projet de loi de réforme du Code de la nationalité. La journée de réflexion sur la réforme du Code de la nationalité a enregistré la participation des députés, universitaires, juristes et responsables d’organisations de défense et de promotion des droits des femmes.



FATOU KINE CAMARA (SG DE L'ASSOCIATION DES JURISTES SENEGALAISES) : «La réforme du Code de la famille passe par celle de la nationalité»



La forte conviction de la secrétaire générale de l'Association des juristes sénégalaises (Ajs) est que la réforme du Code de la famille, qui demeure une vieille revendication des organisations féministes, passe inévitablement par celle de la nationalité. «La réforme du Code de la nationalité est une première étape, et nous estimons que la même démarche et les mêmes raisons qui ont amené à cette réforme justifient la réforme du Code de la famille», explique Mme Fatou Kiné Camara. Elle invite ainsi le Sénégal à accorder les principes de sa Constitution, qui garantit en ses articles 1 et 7 l'égalité entre homme et femme, aux dispositions relatives à la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (Cedaf) et au fameux protocole de Maputo. «Nous avons bon espoir, car la démarche ouverte et participative adoptée par le ministère nous laisse croire qu’on peut y arriver», se réjouit-elle.