Bonjour mes amis, le débat sur l'immigration continuera toujours à faire couler beaucoup de salive. Après lecture d'un témoignage d'un émigré ressortissant de la vallée du fleuve Sénégal, je n'ai pas pu m'empécher de rapporter cet entretien sur les colonnes de soninkara, lequel entretien n'est rien d'autre qu'une confirmation de l'ensemble des aspects postifs et négatifs qui ont été soulignés dans les différents posts.

Sénégal | Dramane Ndiaye, 54ans, émigré à l’âge de 19 ans: «l’émigration a ses vertus et son revers de la médaille.»
Sénégal | Dramane Ndiaye, 54ans, émigré à l’âge de 19 ans : « l’émigration a ses vertus et son revers de la médaille. »
Publié le 22 avril 2008 à 11h10
Elle a été une alternative de survie à la crise sénégalo-mauritanienne de 1989, l’émigration à Moudéri, (26km de Bakel) est entrain de saper les bases de la société soninké. Dramane Ndiaye explique.

« La Sentinelle » : Pouvez –vous vous présentez à nos lecteurs ?
Dramane Ndiaye : Je m’appelle Dramane Ndiaye. J’ai 54 ans et je suis parti en France à l’âge de 19 ans, en mars 1973. J’avais pris le bateau Dakar-Marseille qui avait fait sept jours en mer. Je suis revenu au Sénégal pour la première fois en 1979. Après cette date, je suis revenu au Sénégal tous les deux ans, et depuis 2000, je viens au pays tous les ans. Je travaille à la Société nationale des chemins de fer (Sncf) depuis 1974, j’habite à Rouen, je suis à une année de ma retraite et je compte rentrer définitivement l’année prochaine.
« La Sentinelle » : Quels peuvent être les dommages collatéraux que l’émigration malgré ses aspects positifs, peut causer à la société ?
Dramane Ndiaye : L’émigration a certes ses vertus mais aussi son revers de la médaille. Pour la société soninké vivant à Moudéri (26 km de Bakel), l’émigration, si elle a été une alternative de survie suite à la crise sénégalo-mauritanienne de 1989, pour autant elle est entrain de saper les bases de la société soninké. Aujourd’hui, dans ce village par exemple, les enfants considèrent l’école comme un passe temps en attendant de partir un jour. Ce qui fait un fort taux de déperdition scolaire. Les enfants des émigrés qui n’ont pu amener leurs progénitures en France voient leurs fils éduqués entre une mère et un grand père ou grand père. Les femmes des émigrés souffrent dans leur chair car au mieulleur des cas, elles ne verront leurs époux que 15 jours tous les deux ans. D’où des cas d’adultères et de couples qui se brisent. Alors, comme ici généralement le grand père perçoit sa pension de retraité de la France et le père envoie régulièrement de l’argent, les enfants vivent dans une certaine aisance qui fait que la plupart d’entre eux finissent par aimer la facilité et par être accoutumé à l’argent facile.
« La Sentinelle » : Aussi loin que votre mémoire pourra s’en souvenir, quelle est l’évolution des émigrés sénégalais d’hier à aujourd’hui ? Dramane Ndiaye : Les temps ont beaucoup changé. Car, vers les années soixante dix, cela avait coïncidé avec ce qu’on appelé les trente glorieuses (1945 à 1975). La France venait de sortir de la guerre mondiale. Le plan Marshall, pour la reconstruction de l’Europe, avait fait qu’il y avait du travail dans les secteurs du bâtiment, du textile, de l’automobile, et des routes. Si bien qu’on pouvait refuser un boulot parce que tout simplement cela ne nous plaisait pas et en retrouver un autre dès le lendemain. A cette date et avant 1973, la France n’avait pas encore institué la carte de séjour et les émigrants n’avaient pas beaucoup de problèmes avec toute la tracasserie administrative de « l’immigration choisie ». On a laissé sa femme et ses enfants pour venir en France, juste pour travailler et retourner au bout de deux ans. Mais depuis que l’ex Président français, Valéry Giscard D’estain a institué la carte, tout a changé. Pour l’émigré qui arrive en ses temps, il est d’abord confronté à des obstacles. S’il réussit à surmonter ce premier obstacle, il lui faut franchir le plus difficile en ces temps qui courent en France : trouver un emploi.
« La Sentinelle » Qu’en est t-il exactement de l’emploi en France qui sous-tend le concept de l’immigration choisie ?
Dramane Ndiaye : Aujourd’hui, à part les métiers liés aux technologies de l »informatique et de la communication (Tic), le marché français n’offre du travail que dans le secteur des travaux publics, du bâtiment et des routes. Avec la mondialisation et l’Union européenne (ouverture de l’Europe de l’ouest vers celle de l’est), la France et ses entreprises s’orientent de plus en plus vers les travailleurs des pays d’Europe réputés pour leur expertise et savoir faire (par exemple les plombiers polonais qui sont les meilleurs dans leur domaine) et leur faible coût par rapport aux ouvriers africains, trouver du boulot devient de plus en plus difficile. Et ce que beaucoup de jeunes ignorent, c’est que le chômage et le sous emploi deviennent de plus en plus un casse tête pour la société française. Ajouté à cela, un émigré qui débarque en France sans savoir, encore moins un savoir faire, alors que même ceux qui détiennent ces deux paramètres (savoir ou savoir faire) s’en sortent difficilement. Aujourd’hui, ce sont les mêmes problèmes que nous vivons en Afrique que l’Europe vit de manière générale.
« La Sentinelle » : Quel regard jetez vous sur l’émigration dans les années à venir ?
Dramane Ndiaye : L’entrée en France sera de plus en plus difficile. Il arrivera un moment, si ce moment n’est pas déjà arrivé, où seules les compétences pourront émigrer. Il faut aussi dire que nos gouvernants ont une part de responsabilité en faisant perdre à la jeunesse sénégalaise tout espoir d’une vie meilleure. Et quand une personne perd espoir, elle est capable de tout, comme prendre les embarcations de fortune au péril de leur vie. Aujourd’hui, la France et les autres pays européens de manière générale, accorderont de plus en plus une plus grande attention aux européens de l’Est et des Balkans qui ont commencé petit à petit à prendre la place des émigrés africains en Europe. Et surtout, l’Europe devient de plus en plus xénophobe. Avec la lutte contre le terrorisme et l’islamophobie, l’Europe se fermera de plus en plus pour s’ouvrir à ses compatriotes européens, pour une question de culture et raciale.


Propos recueillis par Mohamadou SY « Siré »