DOSSIER : SONINKES DU MONDE, ET SI ON REFONDAIT LE WAGADOU (DEUXIEME PARTIE ) ?

 Imprimer 

 

Je rêve du jour ou les soninkés d’un ensemble de villages selon les affinités mettront à contribution leurs caisses pour constituer un capital afin de réaliser de grands projets. Les villages du Guidimakha, du Gajaaga, du Hayré peuvent par exemple mettre chacun 10.000 euros  sur la table. Il y a environ une cinquantaine de villages dans ces contrées. 50 villages peuvent se regrouper pour constituer une S.A.S ( Sociétés par  actions simplifiées ) dans le secteur bancaire. Chaque village aura le titre d’associé et aura des parts. Le conseil d’administration sera composé par les représentants de chaque village. Avec un capital de départ de 500.000 euros, nous pouvons créer notre propre banque.  Il nous faudra juste trouver des experts en droit, en risques, en relations publiques et des commerciaux pour que la mayonnaise prenne. Nul besoin que ces experts soient exclusivement Soninké. Nous n’aurons certainement pas toutes les ressources humaines dans tous les domaines. Nous ferons appel alors comme toutes les autres banques à des compétences externes pour consolider notre investissement.

 

Les Qataris ont des fonds d’investissements gérés par des anglais, des français, des hollandais, des Ivoiriens... Nous pouvons bel et bien avoir une expertise internationale pour la création et la gestion d’une future banque internationale. De plus, aujourd’hui, dans plusieurs banques internationales, nous avons des Soninke qualifiés avec un « background » recherché par toutes les banques du monde. Nous avons même des Soninkes à la banque mondiale. Je veux parler de Monsieur Ousmane Diagana de Kaédi ( Mauritanie ) vice-président de la banque mondiale, de  Nayé BATHILY ( Tuabou/Bakel, Sénégal )entre autres. Nous comptons également parmi nous de grands financiers et des technocrates reconnus dans plusieurs domaines aussi bien dans nos pays d’origine que dans la diaspora. Cela semblera de l’utopie pour certains de nos parents mais comme on le dit souvent : « “Il n'y a pas de grande réalisation qui n'ait été d'abord utopie.” Ne dit-on pas en Soninké « Wakilante mpasu bana » (L’audacieux a meilleur profil que le fortuné).

Quelle sera l’orientation d’une telle banque ?

 

Au-delà de sécuriser nos avoirs des caisses villageoises, elle aura pour objectif de financer nos projets collectifs ou individuels moyennant des garanties classiques. Un groupement de villages pourrait financer le projet de construction d’un immeuble d’habitation en France pour la mettre en location par exemple. Aujourd’hui, où l’on assiste au démantèlement des foyers de migrants peuplés par les Soninkés, il serait intéressant d’orienter nos caisses villageoises dans de tels projets immobiliers. Nous pourrons y loger nos familles en priorité sur dossiers après un fin calcul de solvabilité. Il n’y aura point de favoritisme. Que l’on soit guidimakhanké, Hayranké ou Gajaganké, seuls les dossiers nous départageront. C’est faisable. Plusieurs associations françaises bénéficient de parcs immobiliers où elles logent leurs membres ou des personnes qui rentrent dans leurs critères.

Cette banque pourra également financer des projets de construction d’écoles privées( internats ou semi-internats) où nous pourrons inscrire nos enfants tout en respectant les lois de la république française, américaine…. Des écoles privées ouvertes à tout le monde avec des filières qui sont bénéfiques à nos pays d’origine. Les écoles privées catholiques ou juives ne le sont que de nom. Leur enseignement est universel. Les filières enseignées préparent tout simplement au marché de l’emploi.

 

Dans la même veine, je rêve de voir les études post bac de nos jeunes frères et sœurs financées par un établissement financier mis sur pied par nos caisses villageoises. Aujourd’hui, plusieurs jeunes Soninkés, très studieux, abandonnent les études supérieures par faute de moyens. Dans une organisation où nous disposerons d’une banque, nous pourrons financer nos jeunes étudiants pour  poursuivre leurs études dans des filières prestigieuses et utiles à notre société. Je rêve de voir des jeunes Soninké décrocher des diplômes dans des écoles prestigieuses du monde qu’elles soient européennes, américaines, africaines ou asiatiques. Ces écoles où sont formées des grands dirigeants de l’économie mondiale actuelle. En mettant des systèmes de financement en place, nos frères et sœurs pourront fréquenter HEC, Polytechnique, Ponts et chaussées, Harvard, Oxford sans complexe. Une fois leurs diplômes en poche, ils rembourseront non seulement les crédits contractés mais ils se mueront également en capitaines d’industries. Chaque haut cadre ou fonctionnaire sortant de ces prestigieuses écoles sera chargé de nouer des partenariats entre nos grandes structures associatives et ces grandes universités et écoles afin d’ouvrir largement la porte à d’autres jeunes. Si nous réussissons à former une centaine d’étudiants dans ces écoles, nous maitriserons nos orientations futures dans plusieurs domaines surtout dans nos pays d’origine. Ainsi, nous pourrons prendre notre part dans le concert des nations de façon significative. Sur le plan politique, dans les pays d’immigration ou dans nos pays d’origine, nous aurons une place prépondérante dans les instances de décision. Les écoles que nous aurons mises en place pour avoir une mainmise sur l’éducation de nos enfants produiront d’excellents étudiants qui intégreront de prestigieuses écoles. 

 

Dans les pays d’immigration, nous ne devons plus être que des consommateurs. Nous devons être des créateurs d’entreprises dans les domaines que nous maitrisons ( Commerce, Restauration, Plomberie, Bâtiment, Boulangerie,Nettoyage, …). Aujourd’hui, nous avons des ressources humaines très qualifiées dans ces domaines. Beaucoup ont commencé au bas de l’échelle. Persévérants, ils sont devenus indispensables dans plusieurs entreprises. Je pense à cette dame Soninké, analphabète à ses débuts, qui est aujourd’hui chef d’équipe dans une grande entreprise de transport ferroviaire en France. Il suffit qu’elle s’absente pour que la machine grince. Je pense à tous ses frères et sœurs qui maitrisent tous les plats de la gastronomie française, américaine et italienne. Mes pensées se tournent également vers tous les retraités qui ont engrangé un maximum d’expériences durant leurs années de labeur. Sans nous, main d’oeuvre corvéable et peu chère, beaucoup d’entreprises auraient mis les clefs sous la porte. Donc, l’expertise existe. Il faut juste de l’encadrement, du financement et du suivi. Il nous manque aussi ce goût du risque qui est la base de tout succes-story. Certes, nous avons une pépinière d’entreprises dans quelques domaines, mais, si l’on compare notre temps de présence en France par exemple à celui des chinois et indiens, nous sommes trop à la traine. A titre d’exemple, les chinois et les indiens qui nous ont trouvés sur place en France ou à New York ont des milliers d’entreprises surtout dans le petit commerce. Plus surprenant, ils nous vendent même aujourd’hui tous les produits africains que nous consommons quotidiennement (Légumes, tubercules, poissons, bouillons, feuilles de manioc…). 

 

Comment ont-ils fait pour faire main basse sur le commerce des produits venant directement de nos terroirs ? Quand nous trouverons la solution à cette équation, nous serons de véritables entrepreneurs. Ces peuples venus d’Asie font de grosses tontines pour financer les projets des uns et des autres. Quand le projet prend forme, le propriétaire rembourse la totalité des sommes pour qu’un autre puisse démarrer une autre activité. 

Il y a plusieurs secteurs d’activité où nous pourrons investir collectivement dans les pays d’immigration ou d’origine. Nous constituons nous-mêmes une clientèle considérable.

 

Dans nos pays d’origine, nous devrons orienter nos investissements vers l’agriculture, l’élevage, le transport et la pisciculture. Ces domaines sont cruciaux dans nos terroirs d’origine. Aujourd’hui, nous délaissons les cultures vivrières  faute de pluies abondantes. Chaque année, nous parcourons des kilomètres pour acheter du mil, du maïs… Les cultures de décrue sont également abandonnées parce que les crues se font rares dans nos zones. Le maraîchage reste le seul domaine où nous pouvons encore tirer notre subsistance. D’autre part, nos eaux ne sont plus poissonneuses. L’élevage perd du terrain. Seuls quelques investissements avicoles de moindre envergure sont visibles dans certaines contrées.  Nous nous trouvons dans une situation où nous n’avons plus de céréales, plus de viande ni de poissons. Cela alourdit considérablement les dépenses quotidiennes de nos familles.

 

Nous devons opérer des changements dans nos modes de production et de consommation. Il faudra revenir aux fondamentaux. Les exploitations familiales doivent être remplacées par des exploitations collectives avec des moyens conséquents en terme de matériels et d’irrigation. Nous devons produire ce que nous consommons. L’autosuffisance alimentaire de nos terroirs doit être notre cheval de bataille. Des groupements de villages peuvent monter des projets gigantesques intégrant la triptyque production, transformation et  enfin faire de nos villages les futurs greniers de l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, nous pourrons « fixer » tous ces jeunes Soninkes  qui rêvent de franchir l’hexagone ou qui grossissent le rang des chômeurs dans les capitales africaines. C’est capital car point de développement sans une jeunesse consciente. 

 

Dans le domaine des nouvelles technologies, nous devons booster nos jeunes ingénieurs qui sortent de l’école ou qui rongent leurs freins dans des entreprises   quelconques. Nous devons les pousser vers la création d’entreprises en mettant à leur disposition des financements. Ainsi, ils pourront développer des systèmes innovants dans les domaines qui nous intéressent. 

 

Dans le même registre, nous devons tous nous investir pour mettre sur pied une télévision sous régionale afin de mieux consolider nos liens. Aujourd’hui, que ce soit dans nos pays d’origine ou dans les pays d’origine, nous n’existons guère dans le secteur audiovisuel. Pourtant, nous en avons besoin. Qu’elle soit l’œuvre d’initiatives collectives ou individuelles, une télévision soninké sera un moyen efficace pour casser complètement les barrières qui existent entre nous. Les informations et les expertises seront largement partagées. Ainsi, nos ressources humaines pourront être audibles pour accélérer la révolution espérée. Comme le disait une journaliste : «La télévision est un instrument de pouvoir». Aussi, ne dit-on pas que les médias constituent le quatrième pouvoir dans un pays ? 

 

 En somme, dans cette mondialisation galopante, nous devons prendre notre destin en main. Le monde fonctionne par des ensembles ayant un passé et un destin communs pour enclencher le progrès social et économique. Nous, soninkés du monde, sommes tous de Wagadou. Wagadou, terre prospère et hospitalière. Nous pouvons reconstituer ce paradis perdu. Yes, we can. Aujourd’hui, il y a diverses unions selon la zone géographique, la langue ( francophonie, Commonwealth…), à quand l’union «  Soninkara » ? 

 

Aujourd’hui, les radios comme Radiosoninkara.com ( web radio ), Djida FM, Kayes FM… ont fini de créer diverses passerelles entre Soninkés du monde. Le festival international soninké piloté par l’APS ( Association pour la promotion de la langue et la culture Soninké ) constitue une vraie chance pour faire de l’union de tous les soninkés une réalité. Ce festival réunit les Soninkés de la diaspora, du Mali, de la Mauritanie, de la Gambie et du Sénégal pour travailler sur plusieurs sujets . Une chance unique pour prendre le train de l’émergence.

 

Samba Fodé KOITA dit Makalou/EYO, www.soninkara.com