DOSSIER: Le malaise des enfants du premier lit dans les remariages Soninke : Que doivent faire beau-père et père biologique pour leur épanouissement ?

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« Un enfant du premier lit n’est pas un fils mais une guerre intestine », disait le penseur Sénégalais Kocc Barma Fall. L’histoire semble lui donner raison de nos jours. Dans le monde actuel, les enfants issus d’un premier mariage font l’objet de plusieurs conflits.  Appelés «  Birim Biran lémé » en soninké, on en compte de plus en plus dans les familles soninké à raison de l’augmentation exponentielle des divorces dans le monde Soninké et l’évolution du modèle social en terre d’immigration comme la France, les USA États-Unis. Ces enfants ne sont pas toujours bien traités dans les familles soninké. Souvent rejetés par leurs pères biologiques et leurs beaux pères, ils sont devenus source de discorde et de tiraillement. Nous avons jugé utile d’exposer leur cas lors de notre émission dominicale «  Leminaxu Béra »  sur les ondes de la radio web Soninkara.com.

 

Dans les pays d’origine (Mali, Mauritanie, Sénégal et Gambie), quand le divorce survenait,  la femme repartait seule chez ses parents illico presto. Ses enfants suivaient rarement la même trajectoire. Ils restaient naturellement dans la maison paternelle. La femme pouvait, si les enfants étaient très jeunes, négocier la garde pour les prendre avec elle dans sa maison paternelle voire dans sa future maison maritale (cas très rare). Quand la femme se remariait, les jeunes enfants à sa charge restaient avec les grands parents. Très rarement, ils suivaient leur mère dans sa nouvelle demeure maritale en cas de remariage. Le père biologique pouvait reprendre à souhait ses enfants chez  les grands parents dès qu’il les estime aptes physiquement. Il était inconcevable de laisser la garde des enfants à la mère surtout après les secondes noces. C’est une honte pour un père biologique de voir  son enfant grandir sous le toit d’un autre homme. La famille de l’homme abhorre cette situation et incite souvent l’homme à reprendre ses enfants quel que soit le prix à payer. C’est une règle préétablie. En Afrique, séparer l’enfant de sa mère est une pratique naturelle. Les pères s’octroyaient naturellement le droit de garde des bouts de bois de Dieu. 

En occident, la société soninké, celle qui nous intéresse ici, fait face à de profondes mutations. Le modèle social d’antan à savoir « vivre sous la coupe des hommes » n’est plus concevable. Les femmes sont devenues indépendantes. Elles ne comptent plus sur un homme pour se loger, se vêtir ou simplement pour vivre… Indépendantes financièrement, elles portent le « pantalon » dans plusieurs couples. Beaucoup d’hommes vivent aux crochets des femmes avant d’avoir un travail stable. Dans les couples normaux, si elles ne participent pas à hauteur de 50% dans les charges familiales, elles règlent des factures au prorata de leurs moyens financiers. Après un divorce, elles se prennent en charge et assument les charges de leur nouvelle vie de « solitaire » (loyer, alimentation… sans broncher). D’ailleurs, certaines femmes se refont facilement une santé financière après un divorce. Femmes isolées, elles bénéficient de plusieurs aides sociales qui leur permettent de vivre convenablement. Aussi, ne connaissent-elles pas tous les rouages de la juridiction française inhérents au mariage, à la vie de famille ? Ainsi, en cas de divorce, inutile de faire des pieds et des mains pour avoir la garde de l’enfant. Contrairement à l’Afrique, en Occident, la garde de l’enfant revient naturellement à la femme. En général, les hommes quittent le foyer conjugal dès les prémices d’une séparation s’ils ne sont pas mis dehors comme des malpropres par certaines femmes téméraires. Seulement, cette situation n’est pas sans conséquences. Si les femmes sont contentes de reprendre leur liberté, les enfants quant à eux se retrouvent dans une situation délicate. Ils devront accorder leurs violons avec un « nouveau père » en cas de remariage de leur mère. Ainsi, ils deviennent pour ses futurs beaux-pères des «  Birim Biran Lému » (enfants de premier lit) chez les Soninké. 

Quel comportement doit avoir un beau-père face aux enfants du premier lit de sa femme ?

Comment doit-il faire pour se faire accepter par ces enfants qui regrettent souvent le départ de leur père biologique ?

Comment un beau-père doit-il s’occuper de ces enfants du premier lit ?

Et le père biologique, qu’en est-il de son rôle après le divorce ?

Tous nos auditeurs sont d’accord sur une chose. On ne peut pas aimer une femme et détester ses enfants. C’est inimaginable ! Comme le dit le proverbe soninké : «  On ne prend pas une poule sans ses poussins ». Une façon de dire que tout homme qui souhaite marier une femme divorcée doit s’attendre à élever un enfant qui n’est pas le sien.  Un beau-père doit être un pédagogue. Naturellement, il doit considérer les enfants du premier lit comme les siens. Il devra s’impliquer dans leur éducation. S’il veut vivre en harmonie avec la femme qu’il aura choisie, il devra trouver sa place dans sa nouvelle famille. Il doit tout faire pour se faire accepter par les enfants sans dépasser son rôle. Il n’est pas là pour se substituer au père biologique mais simplement pour proposer de nouvelles épaules sur lesquelles toute la famille pourra se reposer. 

 Dès les premiers instants de la cohabitation, le beau-père doit négocier avec les enfants. Il doit les étudier tel un psychologue pour connaitre leurs habitudes, leurs qualités et leurs défauts. Cela permet d’éviter les impairs, les couacs, les incompatibilités d’humeur…Un philosophe Indien du nom de Jiddu Krishnamurti disait : « Pour étudier un enfant, il faut de la patience, de la vivacité et de l'intelligence. Il faut observer ses tendances, ses aptitudes, son tempérament, comprendre ses difficultés, connaître son hérédité, les influences de son milieu et ne pas simplement le considérer comme appartenant à une certaine catégorie, il faut un esprit vif et souple, que n'encombrent ni systèmes ni préjugés». Tout beau-père doit s’inspirer de cette pensée pour établir une bonne relation avec ses beaux- fils. Ainsi, il pourra créer les conditions d’une complicité par des sorties, des jeux… Toutefois, il ne doit pas être un esclave. Il doit rester lui-même et ne pas faire des choses par stratégie dans le seul but de plaire à la mère. Chassez le naturel, il revient au galop ! Il ne doit pas « jouer un rôle ». La vie n’est pas un théâtre. 

 Le beau-père doit comprendre également les frustrations d’un enfant. Ce dernier doit s’adapter à une nouvelle vie qu’il n’a jamais choisie. Son père qu’il voyait comme modèle n’est plus à ses côtés. Il est fragile. Dès fois, il est mélancolique. Ses copains vivent avec leurs pères, pourquoi pas lui, se dit-il ?  Le rêve de tout enfant est de se réveiller auprès de son père et de sa mère. Donc, le beau-père a tout intérêt à éviter de s’imposer par tous les moyens. Il doit se faire accepter naturellement par ses qualités humaines. Il doit éviter d’être dur. Si l’enfant a déjà développé de mauvaises habitudes dans la vie d’avant, le beau-père doit agir avec diplomatie pour gommer ces défauts. Par exemple, si l’enfant ne respecte pas sa mère, lui parle mal, la solution n’est nullement de prendre le fouet. Il doit comprendre les raisons de cette désobéissance avant de sévir. Une discussion franche et énergique s’impose en famille pour fixer des règles. L’enfant a besoin de cadrage. Il faut que le beau-père fixe dès le début de sa cohabitation de nouvelles règles pour l’harmonie de la famille sans abuser de son pouvoir. Dialoguer, beaucoup dialoguer et toujours dialoguer avec l’enfant. Ainsi, il pourra anticiper les problèmes et proposer les solutions. Il doit protéger et soutenir l’enfant dans sa vie de tous les jours. 

 Le beau-père, s’il veut créer de bonnes relations avec l’enfant, il doit éviter de maltraiter sa femme, la mère de l’enfant. Aucun enfant ne peut voir la souffrance de sa mère. Ce qu’il ne peut accepter pour son propre père, il ne l’admettra jamais pour un autre homme. La violence, qu’elle soit verbale ou physique, ne doit prospérer dans cette nouvelle famille. Tout homme qui martyrise une femme a mille chances d’être détesté par l’enfant de cette dernière. Il en est de même pour une mère de famille. On ne peut aimer un homme qui déteste les enfants sortis de ses entrailles.

 S’occuper d’un enfant d’un premier lit est une aubaine. Le beau-père doit savoir que ces enfants sont les ainés de ses futurs enfants. Bien éduquer ses beaux-fils est primordial car ils sont naturellement les futures boussoles des futurs enfants du couple. Ces enfants seront les gardiens de leurs frères donc des enfants naturels du compagnon de leur mère. Donc, le beau-père a tout intérêt à bien éduquer ses beaux-fils. S’il ne le fait pas convenablement, ses futurs enfants risquent d’être la copie conforme de ces bouts de bois de Dieu. De plus, personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Comme le dit l’adage : « Chéris tes enfants dans leur jeunesse afin qu’ils ne te méprisent pas dans ta vieillesse. ». Si l’on s’occupe bien d’un enfant à bas âge, il vous le rendra très bien à l’avenir. L’enfant est un diamant brut à polir.  Il faut un travail sérieux pour en faire un produit de valeur qui ne peut qu’être une valeur ajoutée dans le futur. Donc, la balle est dans le camp du beau-père. À défaut d’une future reconnaissance, Dieu le rendra bien. « Le bienfait n’est jamais perdu », dit-on en Afrique.

Aujourd’hui, il est courant de voir des pères biologiques négliger leurs enfants par vengeance ou par pure avarice… L’enfant n’est pas acteur du divorce, il ne doit en aucun cas subir les conséquences. Beaucoup d’hommes ne s’occupent pas de leurs enfants après le divorce. Ils ne leur rendent pas visite et ne participent guère à leur entretien. Dans la plupart des cas, la mère est obligée de s’adresser à la justice pour obtenir une pension alimentaire. C’est une situation détestable. Un homme digne de ce nom doit être capable de faire la part des choses. Son enfant restera son héritier jusqu’à l’extinction du soleil. Ignorer son enfant pour se venger d’une ex-femme est une bêtise qui ne dit pas son nom. C’est une faiblesse d’esprit. Si la mère de votre enfant se remarie, c’est là qu’il faut redoubler d’efforts pour garder des liens étroits avec votre fils. Sans s’immiscer dans la vie de son ex-femme, l’homme doit faire respecter ses droits (droit de visite, de garde…). S’occuper de son enfant est une façon de montrer à la nouvelle compagne de son ex-femme que l’enfant n’est pas orphelin. Il a un père responsable et avisé. C’est une façon de marquer sa présence et d’éviter que son enfant développe des frustrations qui peuvent nuire à son épanouissement personnel. Pour l’enfant, avoir un beau-père gentil est une bonne chose mais avoir un père biologique responsable et investi est en encore meilleur. Nous avons cité l’exemple de Balla (prénom d’emprunt). Après son divorce, il a gardé des liens étroits avec son fils. Durant ses semaines de garde, il s’occupe de son enfant sans broncher. Il le couve de cadeaux et organise des sorties avec lui. L’enfant ne manque de rien. Les samedis, il l’amène aux cours d’arabe au foyer. Ayant pas été à l’école lui-même, le père a mandaté les jeunes étudiants de son village qui fréquentent le foyer pour des aides au devoir. Lors des grandes vacances, il paie le billet de son enfant pour qu’il aille se ressourcer au pays. L’enfant est épanoui. Il connait tout le cercle d’amis de son père. Il parfait de plus en plus sa maitrise de la langue soninké. Balla a instauré un climat de sérénité avec son enfant. C’est l’exemple type d’un père responsable. 

Par ailleurs, nos auditeurs recommandent aux femmes divorcées avec enfants de bien observer les hommes avant d’accepter leur demande en mariage. Certains hommes n’ont pas de fibre familiale. Ils ne sont là que pour les plaisirs mondains et leurs intérêts personnels. Ils ne se soucient guère de l’avenir des enfants du premier lit. Pour eux, ces enfants ont des pères et il est hors de question qu’ils s’investissent pour l’épanouissement de l’enfant d’autrui. Ils ne peuvent accepter le moindre caprice de ces «  Birim Biran lémé » (signification). Ils voient ces enfants comme des concurrents. Ces hommes sont semblables à un apiculteur qui déteste les abeilles. Pourtant, l’encens, le « thiouraye »,  les bons repas, les nuits de volupté les intéressent mais ils ne peuvent supporter le moindre cri de l’enfant de leur douce moitié. Une femme ne doit jamais sacrifier l’épanouissement et l’équilibre de ses enfants pour les beaux yeux d’un homme. C’est une folie. Un homme peut disparaître du jour au lendemain pour suivre une autre femme alors que votre enfant ne vous quittera jamais pour une autre mère. N’oubliez jamais cela, chères mères !

 

Toutefois, ces enfants d’un premier lit ne sont pas toujours des enfants de chœur. Ils peuvent être de sérieuses épines pour les futurs beaux-pères. Quand le feeling ne passe pas, il est inutile de forcer. Ces enfants vous accepteront rarement. Ils risqueront d’être votre cauchemar.  Ils feront chanter leurs mères tôt ou tard afin de vous mettre dehors. Ils peuvent jouer des tours les plus déroutants  pour mettre en mal la relation construite avec leurs mères par jalousie et par pure  indiscipline. Souvent, leurs pères sont les instigateurs de ces inimitiés. À un certain âge, ils peuvent être un danger pour le beau-père. Certains enfants du premier lit n’hésiteront pas une seconde pour attaquer leurs beaux-pères. Costauds et coriaces, ils corrigeront leurs beaux-pères devant leurs mères. Donc, Messieurs, sachez sur qui mettre votre grappin ! Certaines femmes ont des soldats chez elles… Vous risquez vos vies en voulant convoler en secondes noces avec ces femmes. Un homme averti en vaut deux.   

 Samba Fodé KOITA dit Makalou, Soninkara.com