Compte-rendu de la fête de l’A.C.E.I. (Action Culture et Echanges Internationaux) du 24 février 2007
Proposé par Cheikhna-Mouhamed WAGUÉ
Se proposer de faire le compte-rendu d’un événement d’une telle dimension associative, organisationnelle et festive est un vrai casse-tête malien, tant la matière à décrire est immense comme un désert mauritanien. Ne pas le faire, c’est aussi priver les soninkaranautes et les invités d’un grand bonheur à l’image des ressources naturelles d’un fleuve sénégalais. C’est pourquoi, même si je n’ai pas des solutions miracles comme un président gambien face au sida, je propose ce modeste compte-rendu pour que le grand public ait une vue kaléidoscopique de cet événement heureux qui, une fois de plus, a vu le jour grâce aux colonnes de soninkara.com, le premier portail du monde soninké.
Pour plus de lisibilité du compte-rendu, il est divisé en six volets suivis d’une conclusion et d’une dédicace:
Une salle très sympathique et somptueuse !
Située au 2eme étage, au milieu de la Mairie du 19e arrondissement de Paris, la salle des fêtes dans laquelle a eu lieu l’événement de l’A.C.E.I. (l’Action Culture et Echange Internationaux) du 24 février 2007, était d’un très bon goût et très sympathique. De mouture rectangulaire et de couleur dorée, elle est somptueusement bien équipée et décorée de façon médiévale et contemporaine. Des lampes de grande qualité faisaient le charme du lieu. Du haut de la tribune, étaient posés le maître de la musique et ses impedimenta sur lesquels je reviendrai plus tard dans le compte-rendu.
Tout au long de la salle, même un aveugle pouvait remarquer que les organisateurs, comme à leur habitude, n’ont point manqué d’énergie, de créativité et d’idées : des tables minutieusement et harmonieusement rangées, drapées avec du vrai super wax. Et les acteurs de l’événement, pour marquer les esprits, ont élégamment disposé sur toutes les tables des petits drapeaux de la couleur de deux pays qu’ils se réclament, la France et le Mali., comme pour rappeler à un Le Pen ou à un De Villiers, qu’il est moralement et humainement impossible de renoncer à sa mère pour son père, et vice versa. Il s’agit, à travers ce symbole, une vraie expression de leur double appartenance, partie incontestable de leur identité. Il s’agit aussi, à travers le même symbole, une invite à toutes les bonnes volontés du nord de penser à des oeuvres pareilles en direction des pays du sud.
Compte-rendu de la fête de l'A.C.E.I. (Action Culture et Echanges Internationaux)
C’est dire que, dans cette salle, tout parlait. Tout avait un sens. Tout était minutieusement au rendez-vous. Tout captivait et domptait les esprits, aussi distraits soient-ils. En un mot, le lieu se prêtait parfaitement à l’événement et au public nombreux qu’il accueillait.
Un accueil chaleureux et un service de qualité !
Pour dire un mot sur l’accueil et le service, je n’hésiterai pas un instant à dire qu’ils étaient de bonne facture. Des jouvencelles, habillées en uniforme, badges à la poitrine et sourire sur lèvres, n’ont ménagé point d’efforts pour mettre les invités à l’aise. Servant par-ci le traditionnel sangume (l’Oseille de Guinée), du gingembre et des bouteilles d’eau et accompagnant par-là les invités à leurs places au fur à mesure de la soirée, elles ont été des dignes représentantes de la légendaire Sia Yatabaré, par la beauté noire qu’elles exprimaient et par la qualité de leur service. Là encore, les organisateurs et les organisatrices de l’événement ont su s’ouvrir avec bonheur aux gens à la hauteur de la tâche.
La présentation du projet et de la fête, un moment d’écoute et de concentration !
Maintenant que tout est fin prêt et que le public, plus d’une centaine de personnes d’origine diverse, a pris place, l’heure de la présentation a sonné.
D’abord, l’honneur est revenu à l’Adjointe du Maire à la solidarité, Madame Méssaouda CHARUEL d’ouvrir l’événement par un discours, fort intéressant, à l’antipode des discours racistes et xénophobes que l’on a l’habitude d’entendre de la part de certains élus et d’hommes politiques carriéristes. Elle a, à l’occasion, vanté le mérite des acteurs du projet, à savoir leur l’idée de travailler en synergie pour mettre leurs énergies au service de leurs régions d’origine, afin qu’elles accèdent à un certain confort de vie. Elle a aussi parlé de la France plurielle. Pour elle, le français dit de souche, l’arabe, le noir, etc., doivent et peuvent vivre et travailler ensemble, car les différences culturelles ne sont pas illégitimes. Bien au contraire, elles sont source de richesse. A cet instant, le joli conseil du sociologue Alain Touraine selon lequel « l’on doit vivre ensemble, différents et égaux » m’a traversé l’esprit, tant l’adjointe du Maire a montré et démontré de façon précise et claire que la diversité culturelle est bel et bien une richesse humaine pour la France, et que les acteurs de ce projet n’ont pas dérogé à cette règle. Selon elle, ils ont très bien fait de faire découvrir leur culture aux autres, ce qui est un préalable utile pour une bonne interconnexion culturelle. Elle a exprimé toute sa satisfaction du déroulement de l’événement dans les locaux de la Mairie.
Ensuite la présidente l’A.C.E.I. (l’Action Culture et Echange Internationaux), Bintou Diarra que nous connaissons sur le forum Fatou la Noirte, a pris la parole. Avec le talent du grand orateur soninké, le légendaire Papa Madikama, elle a tenu à remercier soninkara.com à travers lequel l’idée de cette belle initiative est née et à rendre un hommage à ses collaborateurs et collaboratrices de l’Association pour leur force de travail. Elle ne s’est pas fait faute de parler des objectifs de l’association qui sont d’apporter une aide à la communauté malienne à faibles moyens par un transfert numérique, mais aussi de compétence. Le projet a pour buts de :
- offrir et installer, dans une salle prévue à cet effet, à Kayes, un réseau de 50 ordinateurs avec le matériel donné par les entreprises implantées en France ;
- Former pendant un mois les habitants de la communauté malienne qui le souhaitent, à l’utilisation de l’outil informatique et à ses applications essentielles : traitement de texte de base et Internet ;
- Réfléchir et travailler avec les maliens sur la mise en place des microprojets nécessitant l’utilisation des connaissances acquises lors des sessions de formation ;
- Etablir avec la communauté locale les modalités de fonctionnement d’un centre informatique qui offre ses prestations gratuitement ou à prix réduits après leur départ ;
- Promouvoir les échanges culturels entre l’A.C.E.I. et la communauté malienne d’accueil.
Après un brillant tour d’horizon des tenants et des aboutissants de l’Association, Mademoiselle Diarra a respectueusement donné la parole à ses collaborateurs et collaboratrices pour un tour de table qui n’a pas non plus été décevant. A cette occasion, chaque membre a parlé naturellement et très clairement de son rôle dans l’association pour mieux fixer les idées. Tout le monde a apprécié l’esprit collectif et le caractère mixte de l’équipe. Elle se compose de :
Bintou DIARRA, dite Fatou la Noirte
Maryama Samassa dite Diahala
Djéliha DIABY
Diaby DOUCKOURE
Nassim ANNINMAR
Mousoukouro DIARRA
Aicha Ould AMER
Naima Aît BRAMA
Abdoulaye DIALLP
Khoudieydi SYLLA
Après cette phase importante de la soirée, il fallait changer de programme, ce qui nous a conduit à la découverte de toute une gamme de plats.
Le repas, un vrai régal
A dire vrai, ici encore, les filles ont assuré. Sans reparler de tout ce qui a été servi jusqu’ici comme boisson, chips, et j’en passe, les invités ont eu droit a des plats de qualité, dont je ne peux pas ne pas parler dans le compte-rendu.
S’agissant de la rentrée, nous avions eu droit à une très jolie et succulente salade, assaisonnée avec toute sorte d’ingrédients, à savoir du fatayé et de la sauce qui va avec, des tomates, des alocos, des œufs, de la carotte bien coupée, du maïs (loin de l’espèce que combat José Bové) et d’autres petites choses qui ne sont pas connues d’un blédard de mon acabit. Cette salade, si bien « orchestrée », aurait pu à elle seule suffire le public. Mais les organisatrices tenaient à « gaver » davantage leurs aimables invités. C’est ainsi que nous avons vu, une trentaine de minutes après, les belles perles arriver en abondance avec des plats de riz à la viande que l’on appelle en soninké maaro ndo tiye. Là encore, la prestidigitation était bien au rendez-vous. Le riz blanc était entouré d’une belle sauce qui n’a pas besoin d’être commentée, tant elle se commente elle-même. En un mot, le régal se lisait sur tous les regards et sur toutes les lèvres, à telle enseigne qu’il fallait sauver les gens de ne pas tomber dans l’ivresse inhérente à la gourmandise.
Le sketch de Los Blédos ou le dieu du rire !
Après le repas, quand tout le monde semblait devenu ivre, il fallait trouver un moyen pour aider les uns et les autres à bien digérer. Les organisateurs n’avaient pas ici encore été à court d’idées. Ils avaient pensé aux trois dieux du rire que sont les comédiens du groupe Los Blédos.
Pour le besoin de la cause, il fallait un peu ajuster la disposition des chaises, corser les coudes des uns aux autres, afin de rendre l’épisode plus chaleureux et le rire collectif. En un petit laps de minutes, tout est fin prêt.
Vers 19 heures 45 minutes alors que le soleil rejoignait son orbite, et sous une lumière tamisée, apparaissaient les industriels du rire et de la comédie. Leur génie créateur et leur capacité d’improvisation auront animé la salle pendant un bon quart d’heure. Tout le monde jubilait, riait, criait, sursautait, tant ces trois dieux du rire et de la bonne comédie n’ont laissé personne de marbre. C’était la ripaille au vrai sens du mot. A un moment, nous avions cru que la salle aller tomber sur nous et que nos reins avaient lâché. Tout le monde se laissait charmer par la grande qualité de la comédie et de l’enseignement qu’ils faisaient passer.
Comme cela a été dit plus haut, tout avait un sens dans cette salle et à travers cette manifestation. C’est en ce sens qu’en analysant finement le sketch offert par Los Blédos au public, on peut se rendre compte qu’il n’est pas non plus dévoyé de sens : il met en scène l’arrivée d’un malien à Roissy confronté à la rigueur et les méthodes policières mises en place. On assiste à un véritable « jeu de chat et de souri ». Autant le policier mettait en doute l’authenticité de ses documents en lui posant des questions piéges, autant le malien, grâce à la bienveillance d’un autre malien travaillant (un technicien du sol) à Roissy, ne manquait pas de ressources pour répondre à toutes les questions pièges, ce qui lui a valu d’accéder au territoire français.
Cet épisode d’une rare comédie n’est pas dépourvu de morale, car il montre que, quelles que soient les méthodes drastiques de Sarkozy, les gens continueront toujours à venir, tant que l’ordre mondial n’est pas revu à la justesse et que les pays du Sud ne cessent d’être considérés comme « la périphérie de la périphérie du centre capitaliste » pour reprendre les termes de l’économiste Samir Amin.
En un mot, cet épisode a été à la fois un moment de distraction, de détente et d’enseignement pour tout le monde. Inutile de dire que c’est un plaisir de savoir que nous avons des talents dans ce domaine qui réfléchissent et qui font passer des messages de brûlante actualité par la comédie. La musique qui sera le dernier volet de ce modeste compte-rendu n’en était pas moins intéressante.
La musique, une vraie mosaïque !
S’il est vrai que nous étions un public mixte où on pouvait voir des gens d’origines diverses (arabes, asiatiques, noirs, français de pure souche, métisses, etc.), la musique a été aussi une vraie mosaïque. Elle était représentée par des jolis morceaux et des chanteurs africains de talent issus du milieu bambara, peule et soninké, trois cultures qui font le charme de l’Afrique de l’Ouest. Et tout au long de la fête, la bonne musique a été la compagne fidèle de nos oreilles.
Quiconque a écouté avec attention la musique qui accompagnait toute la soirée, peut se rendre compte qu’elle rendait honneur, en plus au soninké, aux langues bambara et peule, et ce, en plein cœur de Paris. Ce choix dénote l’ouverture d’esprit des Soninkés, contrairement à ce que pouvaient penser, à tort, certains qui résument les Soninkés à un peuple fermé. Rien n’est plus faux. Et cette soirée l’a bien démontré.
En plus des morceaux que les D.J. mettait, la musique était entrecoupée par l’intervention de Sira Kouyaté. La jeune femme, à l’allure dynamique et au teint d’ébène, s’est imposée par ses chansons bamabras. Elle s’est aussi signalée, durant toute la soirée, au public par son talent de danseuse infatigable. Même si on ne comprenait pas forcement ses paroles, l’on peut affirmer que la jeune femme a des beaux jours devant elle, tant elle sait magnétiser son public par ses jolies enjambées accompagnant sa voix mélodieuse.
Sékouba Diallo, cet autre dieu de la musique peule, était là. Sa voix et le sens de ses chansons nous faisaient voyager jusqu’à dans le pays macinanké. Il nous faisait plonger dans l'hisoire de l’empire peule du Macina qu’était la Dina, fondée en 1817 par Cheikou Amadou. Dans un parfait peule, il chantait, avec la bonne cadence que l’on connaît de lui, cet empire historique qui avait impressionné tous les historiens de par son organisation et son originalité. Le chanteur est sans doute parti puiser dans les tréfonds d’un passé glorieux du peuple-berger dont il est originaire pour électriser son public. A vrai dire, l’artiste peule n’a pas non plus raté son virage toute la soirée.
A un moment, pour rendre la musique davantage plus mosaïque, il a mêlé sa belle voix à celle de Sira Kouyaté comme pour montrer au public qu’ils sont des démiurges de l’improvisation. Pendant une bonne quinzaine de minutes, ils ont chanté en duo de la façon la plus parfaite et la plus mélodieuse. Tout cela était accompagné des pas des invités et des chanteurs eux-mêmes. Mais le public n’était pas au bout de sa surprise musicale.
Qu’il n’était pas notre grand contentement de voir, vers 21 heures et 15 minutes, apparaître notre cher Demba Tandia, son traditionnel képi à la tête, avec le magicien de la guitare qu’est Goudia Kouyaté. Malgré la tristesse que l’on pouvait, même à distance, lire sur leurs visages à cause du décès de Harouna Sidibé, Demba Tandia, par sa voix que l’on ne commente plus, et Goudia Kouyaté, par ses cordes sonores, ont changé la tournure de la fête. C’est en ce moment que la danse a atteint son summum et que toutes les femmes et les filles ont été piquées par la mouche de la "folie" et le syndrome de l’artiste soninké. Personne ne pouvait plus les arrêter.
Los Blédos a encore enfoncé le clou, en allant danser. Là, les Maryama, Djéliha, Sourakamousso, Yakharé Tana, Fatou La Noirte, etc., ne voyaient plus personne. Elles se rivalisaient d’ardeur et de talent. C’était, pour parler vrai, de la vraie danse. Elles ont impressionné toute la salle, au point que même les français de souche, des arabes et asiatiques leur ont emboîté les pas. Et Demba Bilaly Tandia a enchaîné sans discontinuer chanson après chanson jusqu’aux environs de 22 heures, ce qui a été un moment particulier de la soirée et une gloire pour la culture et la langue soninkées.
Conclusion
Toute conclusion de cette rencontre ne peut être que hâtive. Elle ne mérite même pas d’être conclue. Elle doit rester ouverte pour servir de leçon à tous et à toutes, qu’ils soient soninkaranautes ou non, que grâce à l’espace virtuel qu’est soninkara.com, des hommes et des femmes font le pied de grue pour mettre en place des activités humanitaires (construction des écoles, des dispensaires, réduction de la fracture numérique, etc.) pour le bien-être de nos contrées. C’est dire que les activités de soninkara.com dépassent le simple cadre virtuel pour plonger dans le réel et le quotidien. Car il est impossible de sortir le soninkaaxu du marasme, sans penser d’abord aux Soninkés, à leurs voisins et à soninkara, le pays soninké. C’est ce que les acteurs de l’A.C.E.I. ont bien compris. C’est pourquoi nous, équipe de soninkara.com, remercions les acteurs de cette belle initiative, qui ont montré à, travers cet engagement sans précédent, que les enfants soninkés nés ou ayant grandi dans le contexte migratoire ne sont pas insensibles aux problèmes que traversent nos contrées respectives.
Dédicace
Ce compte-rendu est spécialement dédié à la miss de soninkara.com, la belle fille de Fatima Dicko. J’ai nommé notre fille Manthita Hadiya WAGUÉ, qui nous a -Fodyé, Hadiya et moi-même- dignement représenté à la grande séance de danse, quand tout le monde tenait à ce que nous fassions bouger plus que les orteils.