Trois ans après, les familles de Zyed et Bouna demandent toujours justice

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Trois ans ont passé et toujours, chez les familles, le sentiment de se heurter à un mur de silence. Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traore (soninké), 15 ans, mouraient électrocutés dans un transformateur électrique de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) où ils s'étaient réfugiés pour échapper à un contrôle de police. Suivirent trois semaines d’émeutes et de violences dans les banlieues françaises. 


Ce matin, à Clichy, trois ans jour pour jour après le drame, familles et proches sont venus déposer des gerbes de fleurs devant la stèle érigée en 2006 près du collège Robert-Doisneau, où étaient scolarisés les deux victimes. L'après-midi, les mêmes se sont rendus au Palais de justice de Bobigny pour «réclamer justice». Car la procédure s'éternise. «Ça traîne, ça traîne, depuis trois ans, et toujours rien. Je ne comprends pas. C'est politique, c'est la seule explication», soupire le père de Zyed sur le parvis du tribunal de Bobigny. Derrière lui, sous une pluie battante, une cinquantaine de jeunes tiennent bien haut la banderole «Zyed et Bouna, morts pour rien».

«Justice à deux vitesses»


Le dossier avait été clos en février 2007 par un premier juge d’instruction. Mais depuis, l'affaire a été confiée à une autre juge, qui compte organiser le 7 novembre une nouvelle reconstitution sur les lieux, après une expertise médicale contradictoire versée au dossier en 2008.

«Dans cette affaire, il y a eu au moins trois transports sur les lieux. Pourquoi un nouveau transport?», s'interroge Jean-Pierre Mignard, avocat des familles des victimes. «On entre maintenant dans la quatrième année de l’instruction. C’est habituellement un délai réservé aux grandes affaires criminelles.» D'où «un sentiment de mécontement et de suspicion qui monte parmi les jeunes et les familles qui se disent qu’on n’a pas envie que cette affaire vienne devant les tribunaux», relève l'avocat.

«On recule les échéances, on n'informe pas les parents, on nomme un nouveau juge... Tout nous laisse à penser que des pressions sont mises pour qu'on ne connaisse pas la vérité», confirme Mohamed Mechmache, président du collectif AC le feu qui encadre le rassemblement. Et de se demander «quelle image cela donne des institutions auprès des jeunes».

Les jeunes présents se disent «en colère», «délaissés», «confrontés à une justice à deux vitesses». Bana, sœur aînée de Bouna, se sent «rejetée» avec l'ensemble de sa famille par une «justice arrogante, qui ne nous dit rien, nous oppose un silence total depuis trois ans». La jeune fille en est persuadée, «Sarkozy veut enterrer l'affaire. Lui, quand son fils a un problème de scooter, c'est plié en deux semaines. Nous, parce qu'on s'appelle Traoré et pas Dupond, on peut toujours attendre».

Policiers mis en examen


Rahma, 20 ans, connaissait bien Zyed et Bouna pour avoir grandi dans le même quartier. Elle aussi trouve «suspecte» la lenteur de la justice. «C'est quand même une mort tragique, la moindre des choses serait de nous dire ce qu'il s'est vraiment passé le 27 octobre, pour que les familles puissent faire leur deuil. Ils veulent quoi, que les jeunes brûlent tout à nouveau?»

Micro en main, Mohamed Mechmache, d'AC le feu, rappelle aux jeunes comme aux journalistes qu'«on n'est pas là pour appeler à la violence ou à la haine. On réclame justice. Il faut que la vérité sorte et que les pratiques policières abusives soient punies».

Un rapport de l'Inspection générale des service (l'IGS, la police des police), révélé en décembre 2006 a établi que les jeunes, une dizaine au départ, ont bien été «poursuivis» par les policiers (au moins à deux reprises) contrairement à ce qu’avaient affirmé après le drame les autorités, dont Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.

En février 2007, deux policiers ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger. Plus d'un an et demi après, ils n'ont toujours pas comparu. Le premier, lancé à la recherche des adolescents, a vu Zyed, Bouna et Muhittin Altun, qui a survécu à ses blessures, enjamber la clôture d'un terrain vague jouxtant le site dangereux. «S'ils entrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau», déclare alors le gardien de la paix sur les ondes, selon le rapport qu'a établi l'IGS. La seconde inculpée, alors en poste au standard du commissariat de Livry-Gagnan, n'a pas «eu le sentiment qu'il y avait du danger» malgré l'alerte de son collègue. Trois autres policiers restent placés sous le statut de témoin assisté.

Au tribunal de Bobigny, cet après-midi, les familles ont demandé à être reçues pour «comprendre pourquoi le dossier n'avance pas». Rendez-vous a finalement été pris avec le procureur pour mardi.
 
Par Cordélia Bonal, Libération

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Commentaires (1)

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    merci de remettre l\\\'emission soninké sur le net merci de penser à nous qui sommes loin de paris chez nous c difficile de capter la radio