Traditions: Le Royaume de Diarra ou Kingui

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Traditions: Le Royaume de Diarra ou KinguiSituation :  Au moment de sa décadence, deux royaumes se présentèrent comme les forces héritières du Ouagadougou, état médiéval africaine. C’étaient Sosso et Diara. Le royaume de Diara comprenait en plus de Diara lui-même le Bakhounou, le Kaniarémé, le Kaarta, le Guidimakan, le Diafounou et le Guidioumé. Le village de Diara existe encore et se trouve au nord-est de la ville de Nioro du Sahel. Il donna son nom au royaume de Diara qui s’appelait encore Kingui.

Origine : Diara doit son nom à deux frères. L’aîné, Mana Maga donna à Fata Maga un morceau de son mollet pour ne pas le laisser mourir de faim. La plaie de Mana Maga guérit en un lieu où s’installèrent les deux hommes. L’endroit fut appelé « DIARA » (en soninké guérir). L’origine du Kingui remonte au septième siècle. Dès cette période, des soninké venus de Dia occupèrent ce territoire. La légende de Mama Dinga mentionne l’occupation du pays par le patriarche soninké et sa suite nombreuse dirigée par Garabara Diané.

La dynastie des Niakhaté : Les premiers rois portaient le titre de Mana Maga. La prise de Koumbi par les Almoravides en 1076 permit au roi de Diara de s’affranchir de la tutelle du Ouagadou. Il devint riche et puissant grâce au commerce qu’il faisait. Ce Mana Maga fonda alors la dynastie des Niakhaté. Il organisa une solide armée, s’empara des régions sud du Ouagadou et conquit le Tékrour. Cependant cette domination ne dura guère longtemps. Le pays subira le joug de Soumaoro Kanté roi soninké de la dynastie des Diarisso du Kaniaga ou Sosso. Nous Fofana, sommes les « Sanankoun » (cousins à plaisanteries) des Niakhaté. Aussi, pouvons- nous ici nous donner la liberté de faire ces révélations. Mais le pacte d’alliance qui nous lie nous interdit de dire des mensonges. «  Nos cousins, les Niakhaté ne surent point conserver le pouvoir. Ils étaient méchants et cruels. Ils se rendirent odieux à l’égard de leurs sujets qui les chassèrent pour les remplacer par les Diawara.

L’illustration parfaite de la méchanceté et de la cruauté des « Mana Maga » est l’histoire de ce chef puissant que fut Lambidou Soma Niakhaté. Ce roi orgueilleux fit couper par ses hommes la tête de son beau père (le père de sa femme Niakhalé Mouké Tarawélé). C’était pour montrer à cette dernière jusqu’où allait « sa puissance ». La seule faute commise par Niakhaté Mouké était d’avoir toujours gagné au « wôli », un jeu chaque fois qu’elle jouait contre son mari. La vengeance de Niakhalé fut terrible, à la hauteur de l’affront subi. Elle fit appel au roi guerrier Kakolo, Silamaghan Bâ, Koita. A Sorotomo, son armée regroupait des milliers d’invincibles cavaliers. Lambidou Soma Niakhaté, à l’issue d’un combat héroïque qui l’opposa à son ennemi fut terrassé, ligoté et humilié. Il se donna lui-même la mort pour ne pas sur vivre à l’humiliation. Soma Niakhaté résidait à Lambidou (cercle de Diéma, région de Kayes).

La fuite des Niakhaté : (ce titre est donné par les Fofana) Nous soutenons qu’ils ont pris la fuite. Les Niaré de Bamako (ils sont Niakhaté) ne pourront pas le démentir. Heureusement pour eux « ces renseignements donnés par Claude Meillassoux leur sont favorables ». « Le dernier souverain de la dynastie des Mana Maga fut Seriba Niakhaté. Il remit volontairement le commandement à Daman Guilé (Daman le grand) Diawara. Sériba quitta Diara à la suite d’une affaire de condamnation de son fils Bemba tué pour avoir commis l’adultère avec la femme d’un de ses frères. Il était accompagné de son autre fils Delbafa, de huit de ses frères et de quelques fidèles parmi lesquels deux marabouts : Mohamed Fasi et Sidi Mohamed Tabouré. »

La reconquête du pouvoir à Bamako par les Niakhaté : Après plusieurs péripéties, ils séjournèrent d’abord dans les environs de Kati (Sirakoro). Les Bamanan déformèrent leur nom qui devint Niaré. Sériba et sa suite s’installèrent ensuite à côté d’un chef soninké Bamba Sanogo. Cet homme, leur hôte, fut réellement le fondateur de Bamako vers1650. C’est lui qui donna à Sériba Niakhaté l’hospitalité. Mais, de ce personnage, on ne parle jamais. Pourtant, Bamako lui doit son nom. Les Sanogo, Doukara véritables autochtones de notre capitale sont oubliés au profit des Niaré, Touré Dravé…. Ces derniers apparaissent à tort comme les familles fondatrices de cette ville.

Les Niaré (déformation de Niakhaté) furent désignés comme chefs de province après l’installation des Français dans notre pays. D’après les informations recueillies dans les archives laissées par l’administration coloniale, seize chefs se sont succédé au pouvoir avant et pendant l’époque coloniale : 1- Sériba dit Séribadian 2- Namakoro Lafouné 3- Madiougou Sériba (1796-183) 4- Dialokaladian (1838-40) 5- Bourama (1840-186) 6- Titi qui accueillit Borgnis Desbordes (1864-1888) 7- Batigui (1888-98) 8- Dionké (1898-1903) 9- Karounga (1903) 10- Mandié dit Béniékourou (1903-06) 11- Tyéko (1906-1909) 12- Bénié (1909-13) 13- Baba (1913) 14- Mamourou (1913-23) 15- Mandié (1923-1956) 16- Aamdou Coumba (1956-58).

Origine des Diawara : Les Diawara (les fauves de Dia) n’étaient pas à l’origine des Soninké. Youssouf Tata CISSE nous informe que « les Diawara de Tounoufou et Sambouya seraient parmi les premiers occupants du Mandé. Comme la plupart des clans malinké, notamment les Boula, (Camara, Kamissoko, Bagayoko, Doumbia), ils auraient quitté le Ouagadou à la suite des grandes sécheresses qui ravagèrent ce pays. De Tounoufou à Sambouya, leurs premières fondations, ils émigrèrent à Samaya, gros village fortifié en ruines sis à cinq kilomètres de Sélinkégni (Sélingué). Ils abandonnèrent ce lieu au moment des premières guerres que connut le Mandé pour l’actuel Samaya situé sur la rive droite du Djoliba, près de la frontière guinéenne. Enfin, les Diawara kokoroko (Bougouni) et les Diawara (griots de Kèla) près de Kangaba seraient eux aussi originaires de Tounoufou et Sambouya »

La légende de Daman Guilé Diawara : Cet homme fut l’ancêtre des Diawara du Kingui. Daman Guilé avait d’abord séjourné au Mandé près de Soundjata. Ensuite, il vint s’installer à Sorotomo. Le roi guerrier Kakolo Silamaghan Ba Koita lui donna en mariage sa fille Kouria Koita. Mais selon les prédictions d’un grand marabout, Kouria devait donner le jour à un chef puissant. Aussi, pour ne pas inquiéter et causer plus tard de tort à son beau-père et à sa descendance, Daman Guilé et son épouse quittèrent Sorotomo. Ils allèrent fonder le village de Touroungoumbé (en soninké, la mare aux éléphants ; Touré ; éléphant ; au pluriel tourou ; goumbé ou goumba : mare). Daman Guilé fut un chasseur de grande renommée. Sa gibecière était toujours pleine.

Bon an, mal an, il faisait une chasse fructueuse. Daman Diawara était capable, nous dit la légende, de parcourir les cent trente kilomètres entre la mare de Diokha et Bambanguédé (le puit de Bamba) village où il élut domicile. A cet endroit il chassait l’éléphant. Il retournait le même jour avec le fruit de sa chasse. A Bambanguédé, au nord de Touroungoumbé se trouve encore la tombe de Daman Guilé. Elle est gardée par un makananké (personne dont le nom de famille est Kamissoko. Les Diawara du Kingui la vénère de nos jours encore. Ils y sacrifient tous les ans des coqs blancs et des taureaux. A Daman, d’après toujours la légende, Soundjata, grand sorcier (souba) et maître chasseur (simbo) remit un sabre mystique (le wâle ou farallah) qu’on ne peut déterminer sans devenir roi. Daman Diawara le transmit à l’un de ses enfants Mamoudou.

La dynastie des Diawara : Un an après la fondation de Touroungoumbé, Kouria donna naissance à Mamoudou Diawara. Ce dernier et ses frères entrèrent en conflit avec les fils du roi Niakhaté qu’ils détrônèrent. Daman fut le premier souverain de la nouvelle dynastie des Diawara, selon plusieurs sources. Le second roi était son premier enfant Kouria Mamadou qui prit le titre de faren (gouverneur) Il régna à Diara sous le nom de Faren Mamadou Diawara et périt malheureusement au cours d’une expédition au Fouta Toro contre Silatigui. Son fils Silamaghan lui succéda en 1415 et gouverna pendant quarante ans. C’est sous son règne que les Diawambé ou (Diogoramé) fondèrent Nioro du Sahel (de son vrai nom Niorè signifiant là où on se rassemble pour prendre une décision ; lieu de médisance soutiennent méchamment certains).

Silamaghan eut trente sept enfants dont quinze garçons et vingt deux filles. A sa mort, ses fils se séparèrent et divisèrent le royaume en deux chefferies ennemies établies chacune autour d’une grande ville : Diara, Touroungoumbé, Baniré, Djabigué, Yéréré, Bouli, Diala et le Bakhounou. L’aîné des enfants de Silamaghan sera le chef du clan des Sagoné ou Sakoné. Il résidait à Diara. Un de ses fils cadets dirigera les Dabora. Celui ci occupera le Bakhounou. Ces dissensions internes fatiguèrent les Diawara et les affaiblirent. Après le règne de Daman Guilé, Faren Mamoudou et Silamaghan, les souverains de Diara qui ont dirigé le royaume étaient au nombre de trente neuf. Leur autorité fut toujours mise à rudes épreuves par leurs propres frères.

Les rivalités entre Sakoné et Dabora furent persistantes et néfastes. Voici les noms de quelques rois du Kingui avant l’avènement des Massassi jusqu’à l’arrivée d’El Hadj Oumar TALL. Daman Guilé (1355-85) Faren Mamoudou (1385-1415) Silamaghan (1415-35) Ndjangoulé (1597-1677) Modi Dandi (1724-1734) Ndama Tagati (1784-1788) Mamoudou Djouma (1797-1802) ; Ndama Diouma (1831-43) dont parle l’Ecossais Mungo Park dans son livre « Voyage dans l’intérieur de l’Afrique ». Le dernier roi Diawara fut Siliman Tiamba (1844-47).

La fin du royaume de Kingui : Diara resta longtemps vassal des puissants empires du Mandé au quatorzième siècle et du Songhay (Gao) au seizième siècle. Sa puissance s’éteignit au milieu du dix huitième siècle sous les assauts des fanatiques guerriers du prophète foutaka. Biranté Karounga Diawara, l’homme aux trois tresses harcela sans relâche les troupes du conquérant sénégalais en lui faisant subir le poids impitoyable d’une héroïque guérilla. Dans un premier temps, le fils de Biranté avait pourtant accepté de se convertir à l’islam, comme l’exigeait le marabout d’Alouar. Le prophète Oumar avait imposé la même obligation aux tribus Kakolo (CAMARA, FOFANA, MAGASSA) et aux COULOUBALY MASSASSI. Pour ces populations et pour les Diawara, abandonner l’animisme était une pilule difficile à avaler. Mais l’autre condition exigée par El hadj Oumar était pour elles inacceptable. Réduire le nombre d’épouses à quatre alors que ces gens pouvaient en prendre jusqu’à douze. L’islam apparaissait comme une drôle de religion. Il remettrait tout en question et dérangeait tout le monde, les puissants plus que les autres. Les Diawara, Kakolo et Massassi avaient tous conclu que le fils de Saïdou TALL se servait de l’islam comme prétexte pour s’emparer de leur trône, richesses et femmes.

Un événement allait précipiter les choses car la guerre était inévitable. Ayant aperçu les tresses que portait Karounga, El Hadj Oumar déclara : « ce que ton père te laisse comme héritage n’est pas conforme à la charia islamique. Ce ne sont là que mensonge et idolâtrie ». A cause de ces paroles qu’il considéra comme injurieuses, le fils de Biranté bascula dans le refus total et la lutte armée. Trahi par les siens (les Diawara), il fut contraint d’abandonner Diabigué sa résidence et trouva protection dans un village des Massassi Coulibaly. Ces derniers, après une opposition meurtrière à l’armée des conquérants protégèrent Karounga. Malgré l’intervention des canons, les Bamanan s’opposèrent aux Sofa d’Oumar avec bravoure et détermination. Ils obligèrent leur protégé à s’enfuir pour empêcher sa capture dans leur village. Cela aurait été la pire des humiliations pour eux et leur descendance.

Karounga traqué de toutes parts se réfugia alors chez les Camara Kakolo du village de Bassaka. « Non seulement, nous n’embrasserons jamais ta religion, mais tu n’auras pas celui que tu cherches à prendre qu’après avoir marché sur nos cadavres » avaient répondu les habitants de Bassaka aux envoyés du Foutaka. Là, la bataille fut plus acharnée, plus sanglante. « Et, des héros se sont couchés pour toujours sur ce sol qu’ils ont aimé et défendu jusque dans leur dernier retranchement. A Bassaka, la veillée d’armes a été suivie par des actions d’éclat jamais égalées. Biranté Karounga Diawara et ses alliés kagolo ont trouvé une mort héroïque ». Après avoir fait entendre à ses ennemis le langage des Diawara, la poudre et les balles (mougouni kissé) disait-il pour les narguer, le résistant Diawara fut capturé le 31 Mai 1860 et mis à mort. Avec Karounga, le royaume du Kingui disparut.

Kagoro doumbé, source: maliweb.net

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