Là, ça devient carrément pathétique.

En difficulté dans les sondages, M. Sarkozy relance le thème de la sécurité

Nicolas Sarkozy en banlieue parisienne ? La dernière image datait du 13 avril 2007, lorsque le candidat avait participé à une rencontre sous haute surveillance avec des habitants d'une cité de Meaux (Seine-et-Marne). Lundi 21 janvier, le chef de l'Etat a renouvelé l'exercice à Sartrouville (Yvelines) au cours d'une visite annoncée au dernier moment, sur le thème de la sécurité.

Ce déplacement, qui suit ceux de Sens (Yonne) et Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), vendredi et samedi, et précède celui de Pau et Bordeaux, mardi 22, s'inscrit dans une stratégie de reconquête de l'opinion. M. Sarkozy a analysé les sondages, qui le placent tous en baisse. Il a parlé avec ses conseillers qui lui conseillent de retrouver son style de candidat, et a décidé de repartir sur le terrain, après avoir semblé être plus préoccupé par son bonheur personnel que par ses promesses de campagne.

"Les Français ne sont pas déçus des résultats, veut se rassurer l'Elysée. Mais ils ne supportent pas ses escapades ensoleillés. Ils aiment le voir retrousser ses manches."

Le thème de la sécurité n'est pas choisi au hasard. Il lui permet, en s'appuyant sur des chiffres officiels de la délinquance en baisse (–3,6 %), de rechercher un clivage droite-gauche à deux mois des élections municipales, dont il veut faire un "enjeu national". Et de masquer l'absence de résultats tangibles sur le pouvoir d'achat.

"Le président est présent sur les thématiques que les Français veulent voir traitées, relève un proche. La sécurité peut aussi se décliner au plan local." Durant sa campagne, il avait utilisé la même tactique et tenté de ressusciter le clivage droite-gauche à chaque fois qu'il était en difficulté. Ainsi, en février et mars 2007, lorsque l'écart s'était réduit avec ses adversaires, il avait opportunément cherché un espace sur sa droite en prônant "la restauration de l'ordre" et "le ministère de l'immigration et de l'identité nationale".

"Sa conviction, c'est que les sujets régaliens sont ceux du président de la République, analyse un ministre. La justice, la sécurité et l'immigration sont des cordes de rappels." Pour sa part, un conseiller analyse : "Il ne faut pas relâcher la pression sur ses sujets et faire savoir régulièrement aux Français qu'on s'en occupe."

RETOUR AUX FONDAMENTAUX

A Sartrouville, entouré d'un service d'ordre important, le chef de l'Etat n'a pas prononcé le nom de Fadela Amara. Il s'est efforcé de maintenir l'équilibre entre la fermeté, symbolisée par la visite d'un système de vidéosurveillance municipal, et le dialogue, illustré par un échange avec des jeunes qu'il a assuré des bienfaits du futur plan banlieue : "Il y aura des mesures spécifiques pour les jeunes qui ont quitté l'école (…) car si vous n'avez pas de formation qualifiante, vous n'avez aucune chance de vous en sortir." Ce sera "donnant-donnant", a-t-il insisté.

Mais M. Sarkozy a aussi souligné l'amélioration du taux d'élucidation des délits par les policiers, et défendu les mérites de la loi sur les peines planchers pour sanctionner les récidivistes : "le premier droit de l'homme, c'est celui des victimes".

Ce retour aux fondamentaux du sarkozysme fait les affaires de Michèle Alliot-Marie, qui l'accompagnait à Sartrouville et devait se retrouver au côté du chef de l'Etat mardi à Pau et Bordeaux. Fort de ses bons résultats, elle entrevoit la possibilité de sortir du rôle subalterne où le chef de l'Etat l'avait confinée.

Annonçant, lundi, une reprise en main des GIR – les groupements d'intervention régionaux créés en 2002 pour lutter contre l'économie souterraine, elle a multiplié les "je" dans son discours. "J'ai décidé de mener un combat sans merci contre les trafiquants de drogue", a-t-elle affirmé.

Après la relance d'une police de proximité, perçue comme un couac de communication à l'Elysée, la volonté affichée de la ministre de l'intérieur peut apparaître comme le désir de s'imposer sur le terrain de prédilection du président. "MAM" joue sa survie. Pour conjurer les rumeurs, la ministre planifie, comme si de rien n'était, son agenda après les municipales, avec l'organisation, par exemple, d'une nouvelle "conférence de cohésion" dans le Val-d'Oise.

Luc Bronner, Isabelle Mandraud et Philippe Ridet

Source : Le Monde