2) Les effets socioculturels et institutionnels
Au niveau national, les projets des migrants contribuent au développement de l’esprit d’initiative des nationaux. Les institutions nationales intègrent de plus en plus la donnée migratoire en créant des ministères, des secrétariats d’Etat, ou des hauts conseils chargés des émigrés. Le rôle politique, syndical, et socioculturel des émigrés n’est plus à démontrer surtout quand ils retournent avec des projets novateurs dans des domaines comme la mode, l’animation culturelle, la création d’ONG dits du sud, ou des coopérative de production sur la vallée du fleuve.
Les émigrés ont élargi les liens entre pays d’origine et d’accueil grâce aux réseaux de solidarité créés avec les institutions françaises, les collectivités locales, les institutions européennes et les ONG de tous les pays du monde.
- CONCLUSION
Le 18 juin 1999 la presse internationale a révélé que selon les auditeurs de la Commission de Bruxelles, la Cote d’Ivoire, vient de détourner la somme de 180 millions de FF, soit 18 milliards de francs CFA représentant plus du tiers des dépenses de santé subventionnées par l’U. E., en combinant un système de fausses factures, des méthodes de surfacturation et les malversations "courantes". Ainsi, les prix des produits achetés ont été multipliés par dix, vingt, trente, etc... avec le record pour un pèse-bébé dont le prix à été multiplié par soixante-trois (il faut "initialiser" tôt les nouveau-nés au poids de la dette...). Ce pays a contourné les règles qui l’obligeaient à procéder à des appels d’offres pour toute somme supérieure à 15 millions de F CFA, en fractionnant les achats et en s’adressant à des entreprises complices. La Cote d’Ivoire en pleine effervescence sociale sera privée de l’aide budgétaire européenne de 1999 qui s’élève à 340 millions de FF.
Quand on observe les sacrifices consentis par les émigrés du Sahel pour envoyer des mandats tirés de leurs bas salaires ; quand on imagine les efforts qu'ils déploient pour envoyer du matériel sanitaire à leurs frais, pour construire des écoles, des dispensaires, des postes, des maternités, des puits, des mosquées, etc... avec seulement, si je puis dire, quelques milliards de francs CFA, ça peut faire réfléchir quant aux échelles... entre aides publics gaspillées et détournées, et les transferts des migrants qui font des sacrifices pour soutenir les famille et lutter contre la pénurie. Il faut surtout préciser que ce n'est pas tant les investissements sociaux qui agissent sur l'économie que les envois de numéraires aux familles au titre de l'aide alimentaire ; même si cette masse monétaire ne dynamise pas la production, elle alimente les importations venues d'ailleurs et transforme les habitudes alimentaires et plus généralement les fondements de la culture soninkée. Il est difficile de mesurer les effets nationaux de ces transformations locales.
Ce que porte en eux d'essentiel les investissements "non productif" des migrants, c'est l'espoir et l'enthousiasme qui les sous tendent malgré les difficultés et les malversations "à petite échelle."Hors des logiques productivistes, ces investissements font face aux urgences de régions en détresse. Bien que peu importants et mal orientées dans l'économie globale, ils pourraient montrer leur propre insuffisance et déboucher sur des investissements productifs.
On sait aujourd'hui, que la masse des aides publiques, ne servent qu’à renforcer le surendettement d'Etats corrompus, et partant à renforcer la dépendance des pays africains en grevant lourdement l'aide au secteur productif. Les investissement privés extérieurs se déconnectent de plus en plus de la production (capitaux flottants, narco-dollars, etc.) et les entreprises étrangères continuent d'exporter massivement leurs bénéfices vers les paradis fiscaux ; alors que les investissements des bourgeoisies locales n'ont jamais rien produit, ne servant qu'à importer des produits fabriqués ailleurs.
En prenant la dette comme exemple, on peut aller encore plus loin, et se demander si "éponger" une partie la dette des 41 pays les plus pauvres est une solution aux problèmes que les mécanismes de l’endettement posent aujourd’hui aux peuples des tiers mondes. Pourquoi remplacer les anciennes dettes par de nouvelles quand on sait l’usage qui est fait... des investissements dans le secteur public ? On peut crier au scandale, au complot, et imaginer de nouveaux scénarios d’endettement absolu pour le futur, de nouvelles perspectives de domination "douce" mais dont les conséquences à long terme pour l'Afrique sont encore plus désastreuses.
A partir de ce constat politique, économique, sociale et culturel on peut soutenir que malgré les insuffisances signalées plus haut, l'action de développement des immigrés est globalement positive, et finira par produire des effets d'entraînement dans la longue durée sur l'économie nationale, effets qui s'enchaîneront en synergie avec ceux d'autres acteurs économiques, sociaux et culturels. La condition siné qua non de l'efficacité des actions de développement des immigrés est l'implication de tous les acteurs d'ici et là-bas dans une perspective de politiques de développement et de décentralisation des Etats africains qui ne reposent pas sur les forces du passé mais sur la responsabilisation de tous les citoyens selon leurs compétences.
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