A une semaine de la cérémonie à proprement dite, qui a lieu un vendredi, les battements des tam-tams redoublent d'intensité tous les soirs jusqu'au jour j. A la veille de l'opération les murunto sont rassemblés chez le chef (xirse). Dans la soirée, on organise un grand tam-tam au cours duquel on met toutes les sœurs à contribution et plus particulièrement celles des futurs circoncis à qui, on demande d'aller cuisiner un plat copieux désigné sous le nom de (karkise). En fin de soirée, ceux-ci font une visite surprise aux villageois, en allant chanter devant de la maison des parents de chaque candidat à l'initiation. De porte en porte, ils entonnent ce chant :
Jaxa sere na xenqe Alors quelqu'un s'endormira
Xeeri ga d'a sella Et au dehors éclate pour lui le bonheur
Sere sire xaana xenqe Quelqu'un de gentil s'endormira aussi
Xeeri ga d'a sella Et au dehors éclate pour lui le bonheur
Kaati fulane xaana xenqe Un tel s'endormira aussi
Xeeri wu yan da sella Et au dehors éclate pour lui le bonheur
Ce chant traduit le caractère solennel et joyeux de l'événement. Car pour les Soninké, trois faits marquants sont importants dans la vie de tout parent : la naissance d'un enfant, la circoncision d'un enfant et le mariage d'un enfant. C'est pour mettre en lumière cette étape du passage à l'âge adulte de l'enfant, que ce chant est dédié aux parents pour amplifier le bonheur (xeeri) qu'ils éprouvent en ce moment intense de joie. Pour l'attrait de ce bonheur éprouvé, la société traditionnelle ne lésine sur aucun moyen afin de donner un éclat tout particulier aux rituels de la cérémonie.
A la fin de cette visite, les murunto font un passage éclair au tam-tam, avant d'aller passer la nuit chez le xirse. Dès l'aurore (bijibajewu), on vient les chercher pour les conduire hors du village, à l'endroit où a lieu la cérémonie de la circoncision. La description du déroulement de la cérémonie de circoncision qui va suivre se rapporte à un village Tanbo?inke, en l'occurrence Khabou, où les futurs circoncis sont conduits sur une grande place appelée la termitière de Khoumba Diémé (xunba jeeme tunguru n dala) ". Il faut préciser, à cet effet, que le caractère syncrétique religieux de cette cérémonie prend toute sa dimension dans les rapports qu'entretiennent les esprits avec certains clans. C'est le cas des tanba?inko, jadis très liés aux esprits surnaturels ; ils étaient tenus en toute circonstance événementielle importante de les avertir sous peine de provoquer leur colère (dont les répercussions peuvent être parfois désastreuses[4]) . Avant de commencer les cérémonies officielles, les futurs circoncis vont saluer l'esprit, en faisant un tour d'honneur près de son abri. Par ce geste en sa faveur, on considère lui avoir présenté les murunto et obtenu par la même occasion son assentiment pour investir les lieux. Au même moment, les forgerons, opérateurs traditionnels se préparent à entrer en scène. Ils se maquillent (memade) le visage avec du blanc, du bleu, du noir, du rouge, etc. de façon à avoir un masque effrayant. Les murunto sont amenés un à un par leur infirmier (guleye) auprès de l'opérateur pour être circoncis. Pollet et Winter (in La société soninké, 1971, éditions de l'université de Bruxelles) ont observé au cours d'une cérémonie de circoncision à Gori, dans le Dyahunu (Mali) que l'ordre que suit l'opérateur ne respecte pas la hiérarchie sociale établie. Il opère suivant l'ordre inverse de celui de la stratification sociale : " Il circoncit d'abord les esclaves, les nyakamala… " p.454.