Les Bouches de l eau du pays Soninké

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ImageLes " Bouches de l'eau " du pays Soninké.
Protohydraulique paysanne, gestion des ressources naturelles, aménagement des terroirs et développement rural en région de Kayes, Mali - Kayes 

Les projets de développement rural mettent beaucoup l'accent sur la maîtrise de l'eau dans les régions sahéliennes en particulier en vulgarisant des modèles techniques souvent importés. Cette vulgarisation se fait sans tentative de compréhension des modes de peuplement, des systèmes de gestion du foncier ou de l'eau, des tentatives d'aménagement et d'artificialisation de la ressource partant du principe que les sociétés Africaines n'ont pas d'histoire et n'ont pas développé de techniques hydrauliques spécifiques.

Une protohydraulique Africaine originale créée à partir de prises d'eau aménagées sur bourrelets de berge permet l'aménagement de terrasses alluviales fertiles, en captant et en fixant les alluvions, colmatant ainsi progressivement les dépressions argileuses. La place des végétaux dans ce dispositif est centrale : à côté de certaines herbacées, certains ligneux consolident les berges, forment de véritables parcs arborés multi-usages sur les berges, dans les dépressions et sur le pourtour des plaines inondables. Elles font l'objet de droits d'usage, de réglementations, de pratiques de cueillette et pêche particulières régies par des institutions comme les maîtres de l'eau. De nombreux objets techniques de maîtrise partielle de l'eau sont repérables et, combinés entre eux, permettent de gérer des systèmes de culture de crue (riz) et de décrue (sorgho, maïs, calebasse) associés aux parcs arborés inondables, aux ressources halieutiques qui entrent pour une large part dans la consommation alimentaire Soninké mais laissant peu de place à lélevage paysan, défavorisé par l'insécurité régnante. Certaines grandes mares à forte productivité fourragère ont néanmoins fait l'objet de travaux hydrauliques en particulier à l'initiative de potentats locaux disposant d'une forte accumulation en bétail.

L'accès foncier aux terres de décrue est très inégalitaire, seules les familles fondatrices en ont la maîtrise et, ce à une échelle spatiale souvent importante. Les rapports sociaux de domination ou de clientélisme sont fondés sur ces rapports fonciers même si les revenus de la migration tempèrent leurs effets sur les plans économiques et de sécurité alimentaire.
Le système est en crise avec le déclin des filières concernées, l'apparition de nouveaux bassins de production et la marginalisation progressive de la région de Kayes en raison de son enclavement. L'ouverture sur les marchés mondiaux parachève cette crise, donnant une place prépondérante à la migration de travail lointaine greffée sur des réseaux migratoires anciens.
Toute tentative d'aménagement du milieu devra en tenir compte à l'avenir. De plus, de nombreux villages ayant l'intention d'aménager des petits barrages ou aménagements de décrue comme ceux de l'ORDIK de Diama Djigui ou de Dionkulané, une analyse sociofoncière poussée reste indispensable. La coordination des aménagements ne pourra être effective qu'au travers d'un schéma régional d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Térékollé-Kolimbinné.
Un début de réhabilitation hydraulique de ces vallées se fait jour en raison des crises des migrations ouvrière en France et commerciale en Afrique côtière. Sera-t-il efficient ? Et pour quelles finalités ?

Source : cnearc