Mauritanie: retour à la case départ

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Tombeur du président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le 6 août dernier, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, 52 ans, aura réussi son second coup d'Etat en trois ans. La première fois, en août 2005, il n'était encore que colonel, chef du BASEP (bataillon de la sécurité présidentielle), un groupe d'élite formé dans les années 80, et aide de camp du président Maaouya Ould Taya. Cette fois, toujours responsable du BASEP, il était, depuis janvier dernier, chef d'état-major particulier du président Ould Cheikh Abdellahi. C'est pourtant lui qui était allé le chercher en 2007 pour qu'il se présente à la présidence soutenu par le groupe d'officiers putschistes de 2005. Les deux hommes avaient d'ailleurs des relations de famille, puisque le général Ould Abdel Aziz est un cousin de la présidente avec laquelle il entretenait des relations d'affaires.

L'histoire balbutie donc en Mauritanie où chacun s'attendait à un coup de force depuis plusieurs mois. Chacun savait aussi que le patron du BASEP en serait l'auteur. Ce vaste pays peu peuplé est coutumier des coups d'état militaires la " fleur au fusil ". Il a connu une trentaine de tentatives de putsch déjouées et de réglements de compte dans l'armée depuis l'indépendance !

Primauté des alliances tribales

En fait, la vie politique mauritanienne repose sur deux constantes. La première : la primauté des alliances tribales, familiales et financières au détriment des convictions politiques. Si le pays rassemble un condensé de toutes les idéologies existantes au sein du monde arabe, des nationalistes laïcs pro-Saddam Hussein aux islamistes purs et durs, le monde politique, celui de l'armée et celui des affaires sont étroitement liés. Le tout chapeauté par les grandes familles maraboutiques dont les dirigeants (même militaires) sont issus. Le président renversé Ould Abdellahi comme le général putschiste sont de familles maraboutiques, l'un est orginaire du nord du pays, l'autre du sud.

Seconde constante : depuis le premier coup d'état de 1978 contre le président Mokhtar Ould Daddah, un civil, c'est l'armée qui dirige le pays. Si en 2007, le Comité militaire de salut national (dont Ould Abdel Aziz était membre) avait accepté de rendre le pouvoir aux civils, c'est en voulant continuer à tirer les ficelles. L'armée veut se voir comme un rempart face aux errements du pouvoir politique.

Or, le président Ould Abdellahi espérait moderniser le pays, le rendre plus démocratique et le sortir du tribalisme politico-militaire. Il avait donc contre lui tous ceux qui refusent le changement. Et surtout ces militaires qui l'avaient fait roi et dont il voulait s'autonomiser. Ils ne lui ont pas pardonné.
photo récente du président mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi (à gauche) serrant la main du général Mohamed Ould Abdel Aziz. © AFP PHOTO/STR
Par Mireille Duteil, Le Point