Les ressortissants de Bokiladji et Dembancané en France refusent la «balkanisation» de leur terroir

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Pour l’instant, ce n’est qu’une proposition, mais les détracteurs d’une régionalisation de Bakel sont déjà sur le qui-vive. Et en France, ce sont les ressortissants des communautés rurales de Bokiladji et de Dembancané qui ont pris les devants pour «combattre» ce projet. Ils ne veulent pas du tout, en effet, voir le département de Bakel être érigé en région. Car cela aurait une incidence directe sur leur mode de vie, avertissent-ils. Et pour matérialiser leur hostilité à cette «balkanisation» de leur terroir, une délégation d’une vingtaine de personnes a rencontré,  hier en fin d’après-midi, le consul général du Sénégal à Paris, Léopold Faye. Au diplomate, ils ont exposé oralement les raisons pour lesquelles ils ne voient pas d’un bon œil l’érection de Bakel en région. Une déclaration a aussi été remise à M. Faye qui, selon des participants à la rencontre, s’est engagé à la transmettre aux autorités étatiques, notamment au président de la République.  En effet, si ces émigrés rejettent ce projet, c’est parce qu’il «remettra en cause la stabilité sociale, culturelle et administrative» de leur terroir. Explications : «Sur les rives du fleuve portant le nom de notre cher pays le Sénégal, terre de dialogue et de consensus, coexistent deux entités : Haïre (Matam) et Gadiaga (Bakel) séparées par le bras connu sous le nom de Ndiorol Kholé, fondement du pacte de bon voisinage et de non-agression aussi vieux que le temps auquel tiennent encore et avec force les populations. Ce pacte interdit aux deux parties toute poursuite et toute extradition de part et d’autre de ce bras du fleuve Sénégal. Les réunir porterait atteinte à l’histoire et aux croyances locales.» Ce que dénoncent surtout les pourfendeurs de cette  érection «inopportune» de  Bakel en région, c’est cette «balkanisation de la communauté rurale de Bokiladji qui sera divisée en deux distinctes collectivités locales contre la volonté des populations qui, dans la solidarité, la paix et l’harmonie, cohabitent depuis quatre siècles.» Car, pour eux, «cette commune volonté de vie commune est plus que jamais vivace et vivante. Elle a permis l’édification commune des écoles, des dispensaires, des collèges, des maisons des jeunes et de bureaux de poste, etc.». Autre conséquence qui découlera de la régionalisation de Bakel, c’est l’érection de Diawara en chef lieu de département. Or, écrivent les détracteurs du projet, «l’accessibilité de Diawara (…) est difficile en période sèche et périlleuse en hivernage et elle pourrait freiner bon nombre d’initiatives de développement. Il ne serait pas superflu de noter les désagréments que vivraient les populations qui devront se rendre à Matam pour leur propre état-civil et rallier Bakel pour celui de leurs enfants». C’est pourquoi, fustigent-ils, «ce projet ne présentera aucun  intérêt pour les populations».  

Mais derrière le projet de régionalisation de Bakel, les ressortissants de Bokiladji et de Dembancané y voient surtout une manœuvre «politicienne» et «électoraliste».  Certains pensent notamment que «le Pds cherche à couper l’herbe sous les pieds de l’opposition», après sa «déroute» aux Locales de mars 2009. Aujourd’hui, avant même que cette régionalisation ne soit effective, ils refusent «ce charcutage territorial et administratif dont les frais de fonctionnement pèseraient lourdement sur les finances publiques et sur les épaules déjà frêles des populations sinistrées par la vie chère». Tout comme ils refusent d’être «des moutons de panurge d’une volonté politicienne qui ferme les yeux sur nos droits, nos libertés et nos choix». Parce que, concluent-ils, «le descriptif du projet de régionalisation de Bakel affiche des carences indignes dans ses analyses et sa formulation. Signe de médiocrité politique et de cécité administrative».
Par Thierno DIALLO
Correspondant permanent  ( Lequotidien.sn )