Le professeur Dioncounda Traoré: un caméléon dans la ruche

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A 69 ans, l’honorable Dioncounda Traoré  attend son heure avant d’assumer cette lourde et passionnante responsabilité : celle de défendre les couleurs des abeilles à la présidentielle de 2012. Même si sa galaxie se met peu à peu en place, la tâche s’annonce difficile pour lui. Dans la ruche, le ’’caméléon’’ survivra-t-il aux dards?

Né le 23 Février 1942 à Kati, l’honorable Dioncounda Traoré est professeur de mathématique. Il est titulaire de trois DEA notamment un DEA en Analyse Numérique, un DEA en Algèbre, et un DEA en Analyse Fonctionnelle et Topologie Algébrique. Il a fait une Thèse de Doctorat de Spécialité en mathématiques.  

La vie de ce professeur a été fortement marquée par des activités syndicales et politiques. En 1980, il a été arrêté  par le régime dictatorial du général Moussa Traoré. Déporté dans le Nord du Mali, il a été suspendu de ses fonctions jusqu'en 1982. Le président de la République, Amadou Toumani Touré, dans ses confidences lors du lancement de la Campagne Nationale de Vaccination du Cheptel, à Dily, en décembre 2009,  a déclaré que Dioncounda Traoré a été un prisonnier exemplaire.
 
De 1992 à 1997, il fut respectivement ministre de la Fonction publique, du travail et de la Modernisation de l'Administration, ministre d'Etat chargé de la Défense, ministre d'Etat chargé des Affaires étrangères, des Maliens de l'extérieur et de l'Intégration africaine. Elu député à l’Assemblée Nationale, il quitte ses fonctions au sein du gouvernement. 
Pr. Dioncounda Traoré a été entre 1990 -1991 vice-président chargé de la Presse et de la Formation de l'Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA). Après mars 1991, il devient 2ème Vice - Président du Parti Adema – Pasj avant d’occuper le poste de 1er Vice - Président en septembre 1994. Depuis 2001, suite à la démission d’Ibrahim Boubacar Kéïta, il garde jalousement la ruche.

Dioncounda Traoré est-il un bon cheval ?
Malgré toutes les vicissitudes, voire les peaux de banane lancées sous ses pieds, cette figure emblématique du mouvement démocratique ‘’très cultivée et si modeste’’ n’a jamais quitté les rangs de sa formation de base. Cet homme ‘’courtisé pour son savoir, sa science et son expertise’’ dans divers domaines, continue de séduire également de nombreux militants du fait de son extrême humilité.

Président de l’Assemblée Nationale depuis 2007, il attend son heure avant d’assumer cette lourde et passionnante responsabilité, à savoir : celle de porter les couleurs des abeilles à la présidentielle de 2012. On le dit moins charismatique. Car, malgré son passé meublé par des années de lutte, on le juge inconnu du grand public au niveau national. On évoque même son manque de légitimité à la base. Les partisans de cette thèse citent volontiers sa difficile victoire aux dernières législatives à Nara contre l’ancienne ministre de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Mme Maïga Sina Damba. Sur la scène internationale, son carnet d’adresse ne semble pas être aussi étoffé comme celui d’Ibrahim Boubacar Kéïta ou encore de Soumaïla Cissé.

Dioncounda Traoré est-il un bon cheval ?
La réponse à cette question dépend d’une personne à une autre. Une chose est sûre : l’homme est toujours arrivé à ses fins. Comme un caméléon, Dioncounda Traoré avance à petit pas. Il change de couleurs pour s’adapter à son environnement. Certes, il entretient un flou artistique sur ses intentions présidentielles. Mais personne n’est dupe. Le 12 novembre 2010, Dioncounda Traoré avait affirmé qu’il peut être un bon, voire un excellent candidat pour le parti. Au sein de l’Adema, la galaxie de Dioncounda Traoré se met  peu à peu en place. Son cercle de fidèles manœuvre sur le terrain pour imposer sa carte. Pour la première fois, on a assisté au lancement des activités du Collectif des clubs de soutien aux actions de Dioncounda Traoré. Les responsables de ce collectif se sont même permis le luxe de répliquer au 6ème vice-président du parti, Zoumana Mory Coulibaly qui avait soutenu, par voie de presse, la candidature de l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé.
   
Dioncounda Traoré, juge et partie !

Pour une large adhésion à sa candidature, Pr. Dioncounda Traoré a commencé à fidéliser certains caciques du parti. Les récentes nominations des anciens ministres Moustaph Dicko et Ousmane Sy respectivement comme directeur de cabinet et conseiller spécial à l’Assemblée Nationale s’inscrivent dans ce sens. Lors de la mise en place des bureaux de femmes et des jeunes, le président de l’Adema a réussi à éviter la cassure à travers des choix que l’on jugeait proches de lui. La gestion de la présidence de l’Association des municipalités du Mali a sérieusement entravé l’autorité de l’honorable Traoré. De même que le report de choix du candidat du Parti, qui devrait avoir lieu ce 25 mai.

A vrai dire, la tâche ne semble pas être facile car il devrait jouer le rôle de rassembleur.  L’honorable Dioncounda Traoré se trouve être à la fois juge et partie. Il doit s’atteler à tout mettre en œuvre pour conserver l’unité, la cohésion du parti à l’aune d’une élection cruciale pour l’avenir de cette formation politique qui garde jalousement la  suprématie sur l’échiquier politique national.

Au sein de l’opinion, ses partisans devraient faire appel à de grands spécialistes en communication pour travailler sur l’image. Le vote du projet du code des personnes et de la famille, le 3 août 2009, par l’Assemblée nationale, a contribué à ternir l’image du Pr. Traoré. Tout au long de la fronde née de l’adoption de ce texte très controversé, Dioncounda Traoré a encaissé beaucoup de coups comme d’autres personnalités.Mais un‘’homme averti en vaut deux’’, dit l’adage. C’est pourquoi le président du parlement avait triomphalement annoncé dans son discours lors de l’ouverture de la session d’octobre la reconnaissance du mariage religieux et d’autres points de compromis avec les organisations islamiques.

 Compte tenu de leur capacité de mobilisation, ces organisations islamiques sont courtisées aujourd’hui par tous les hommes politiques.  

Ces derniers temps, le président de l’Adema a une seule obsession : l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé. A toutes ses rencontres avec les militants, il déclare urbi et orbi que le jeune frère de feu Mandé Sidibé n’est pas un militant de l’Adema. Donc, il ne saura être le candidat des abeilles à la présidentielle de 2012. Cette année-là, l’Adema doit retourner au pouvoir. Dioncounda Traoré le dit à qui veut l’entendre.

Boy Siby, Quotidien Le Challenger, via Maliweb.net