LA FRONTIÈRE SÉNÉGALO-MALIENNE EN PROIE À DE VIVES TENSIONS : Bakel en danger

 Imprimer 

Des arrestations systématiques des bergers sénégalais débouchent sur de vives tensions entre populations des deux pays. Un climat de vive tension prévaut à la frontière entre le Sénégal et le Mali. Au centre de cette affaire, une mesure des autorités maliennes d'interdire l'accès à leur sol aux bergers transhumants sénégalais. Une interdiction qui a été suivie d'une série d'arrestations systématiques de bergers sénégalais soumis à de fortes amendes.

À la suite de vaines médiations effectuées par l'autorité locale, les populations autochtones entendent appliquer la loi de la réciprocité et pire d’en découvre avec leurs voisins maliens. Une réunion est prévue le 22 février prochain, pour tenter de désamorcer la bombe. Chef-lieu d'arrondissement du le département de Bakel (région de Tambacounda), le village de Kéniaba est niché à la frontière entre le Sénégal et le Mali délimitée par la Falémé, affluent du fleuve Sénégal. Jusque-là dans l'anonymat, cette localité risque, si l'on n'y prend garde, de devenir tristement célèbre. Elle est le théâtre d'un conflit né de dissensions entre éleveurs de bétail de la zone et populations maliennes. Au coeur de ce conflit en latence depuis plusieurs années, selon des sources autorisées qui suivent cette affaire, «une mesure des autorités maliennes interdisant l'accès à leur territoire des bergers qui, au cours de leurs transhumances, convoient généralement leur bétail au niveau des pâturages maliens».

Ces incursions des éleveurs sénégalais et de leurs bétails ne sont pas pour plaire aux autochtones maliens qui sont parvenus à décrocher en 2010 ladite mesure qui protège leurs espaces. Seulement, l'habitude étant une seconde nature, les éleveurs sénégalais continuaient ces pratiques anciennes. Alors la répression ne s'est pas fait attendre, côté malien. L'acte de trop : l'arrestation le 10 février 2011 de trois bergers toujours retenus au Mali Déjà, le 4 décembre 2010, aux environs de 13 heures, renseignent nos sources, le chef du village de Dahessanou (Mali), qui est frontalier des villages sénégalais de Khermabono (Communauté rurale de Gadhiary, département de Bakel), avait arrêté le berger sénégalais Sidy Ka et les 10 moutons qu'il convoyait ont été saisis. Le chef de village lui inflige une amende de 150 000 F pour recouvrer la liberté et ses biens. Informées par cette arrestation, les autorités sénégalaises de la localité de Kéniaba - le sous-préfet Thierno Bocar Gaye à leur tête - ont entamé une médiation. C'est ainsi que le sous-préfet a pris langue avec son homologue malien, le sous-préfet de Ambé-dédi.

Des négociations qui ont finalement abouti à la libération du berger Sidy Ka et à la restitution de son bétail. À la suite de ce différend qui avait défrayé la chronique dans la zone et soulevé des passions, le sous-préfet de Kéniaba a effectué une sortie dans une radio sénégalaise de la place pour sensibiliser les populations locales sur la mesure prise par les autorités maliennes, en les invitant à rester sur le territoire sénégalais. Seulement, le discours de l’autorité locale n'a pas eu d’écho favorable auprès des bergers sénégalais qui s'offusquaient que leurs voisins maliens continuaient à promener leurs bêtes hors des limites maliennes, sans que les autorités sénégalaises leur appliquent la loi de la réciprocité. Décidés à braver ces mesures jugées «injustes» à leurs yeux, les éleveurs sénégalais ont fait la sourde oreille.

C'est ainsi que le 28 décembre 2010, soit 24 jours après le premier incident, Yaya Diallo, un autre berger sénégalais de 23 ans, est appréhendé vers 18 heures, au niveau du point d'eau à cheval entre les villages maliens de Goudoutou et Dahessanou. Les populations frontalières menacent d'en découdre avec leurs voisins maliens Une fois de plus, le sous-préfet de Kéniaba, Thierno Bocar Gaye, analysant les tournures que prenaient cette seconde arrestation non digérée par les proches du berger Yaya Diallo, reprend langue avec son homologue malien. Cette fois, sa médiation ne connaît pas le même succès. L'autorité malienne ayant certainement décidé de taper sur la table a maintenu le berger Yaya Diallo et son bétail en détention au Mali, un mois durant, non sans lui infliger une amende ferme de plus de 900 000 F que le pasteur a déboursée contre sa libération.

 Et l'épisode des arrestations systématiques s'est poursuivi avec l'interpellation, le 10 février 2011, vers 17h30mn, de trois bergers en terre malienne. Arrêtés ils ont été conduits, précisent nos sources, dans la localité de Koumbarou, où une amende de 150 000 F a été infligée à chacun. Seulement, depuis lors, leurs proches n'ont plus de nouvelles d'eux. Une arrestation qui semble avoir fait déborder le vase dans la plupart des villages de l'arrondissement de Kéniaba. «Les populations ont laissé entendre qu'ils ne vont plus continuer à subir les humiliations maliennes.

 Elles se sont plaintes au niveau de la sous-préfecture, de la gendarmerie, mais demeurent convaincues que l'État du Sénégal ne veut rien faire pour imiter les Maliens. Elles semblent de plus en plus déterminées à s'armer pour en découdre avec leurs voisins maliens, s'ils n'arrêtent pas de mettre la main sur leur bétail», ont soutenu des sources autorisées. Pour émousser cette ardeur grandissante, le sous-préfet Thierno B. Gaye a, selon toujours nos interlocuteurs, annoncé l'organisation, le 22 février prochain, d'une réunion à laquelle il entend convier la partie malienne, pour trouver une juste issue à cette crise qui, relèvent nos sources, «rappelle une autre survenue entre le Sénégal et la Mauritanie». La triste affaire de Diawara qui a débouché sur les sanglants affrontements entre populations des deux pays et menacé d’un conflit militaire.

Senewebnews..