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La chaîne Buffalo Grill employait des dizaines de salariés sans papiers

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"Nos patrons menaçaient de nous livrer à la police"
D'un petit poste de radio, la mélodie griotte de Salif Keita couvre la musique country. Dans ce restaurant Buffalo Grill de Viry-Châtillon (Essonne), des dizaines de Maliens (pour la plupart) se tassent sur les fauteuils en similicuir rouge. Ils ont l'air épuisés, tourmentés, brisés. Mais au milieu de ce décorum texan, on les voit toujours délivrer un sourire à l'arrivée de clients, sidérés par cet accueil à l'africaine.

Depuis le 29 mai, quarante-sept salariés - sans-papiers - occupent, de 9 heures à 23 heures, une partie de ce Buffalo. Selon la CGT Essonne, ils proviennent de dix-huit restaurants différents de Paris et sa région. Ils étaient vingt-sept le premier jour.

La raison de leur mouvement ? Ils ont présenté de faux papiers lors de leur embauche. La direction jure qu'elle ignorait cette situation et se dit "contrainte" de les licencier. "Ils sont tous bons, assure-t-elle. On voudrait les garder." Eux jurent que les responsables des restaurants connaissaient parfaitement leur situation. Et qu'ils en profitaient... copieusement.

Tout a commencé le 19 février. Selon l'enseigne, la gendarmerie a contrôlé le restaurant d'Orgeval (Yvelines) et réclamé les titres de séjour des salariés étrangers. Quatre se sont avéré être des faux.

Le groupe décide alors, le 9 mars, de vérifier les papiers de l'ensemble des salariés étrangers des 191 restaurants gérés en direct en France. Les 110 franchisés sont priés de lancer la même procédure.


"ON NE POUVAIT PAS SE REBELLER"


Sur les 4 040 salariés, près de 600 sont des travailleurs étrangers, soit 15 % des effectifs. La direction attend toujours les résultats définitifs des vérifications préfectorales. A l'heure actuelle, toujours selon la CGT Essonne, dix salariés en situation irrégulière ont été licenciés, quinze sont en grève, vingt-deux ont démissionné. "Ils ont été forcés à démissionner", corrige Raymond Chauveau, délégué départemental. "Quand j'ai entendu l'histoire d'Orgeval, mon manager m'a dit : "Il faut que tu démissionnes avant que la police ne vienne t'arrêter"", raconte Camara Issa, 40 ans, deux ans au Buffalo de Montlhéry (Essonne).

Cet ancien préposé aux grillades démissionne le 15 mai. "Je n'ai même pas eu le droit à mon préavis d'un mois", pointe-t-il. Arrivé en France en 2004, il apprend, très vite, par l'un de ses amis maliens, que le Buffalo de Montlhéry cherche un HTM (hommes toutes mains). C'est à 45 minutes de vélo de chez lui mais, tant pis, il accepte. "Après trois jours de travail, le directeur me demande une photocopie de la carte de séjour et il me fait un CDD puis un CDI", détaille-t-il.

Après sa démission, Camara Issa se rend, le 25 mai, à une réunion d'un collectif de régularisation de sans-papiers près de chez lui, à Viry-Châtillon. Un des responsables du collectif appelle Raymond Chauveau, syndicaliste qui a géré une histoire semblable chez le blanchisseur industriel Modeluxe (Le Monde du 3 novembre 2006). Ensembles, ils décident d'occuper le restaurant d'à côté, à "Viry".

Comme tous les autres, Camara Issa insiste : "A mon embauche, on m'a demandé une photocopie de mes papiers, jamais l'original."

La loi est précise à ce sujet. L'entreprise n'a pas l'obligation, lors de l'embauche, de demander à la préfecture de vérifier l'authenticité des papiers présentés par le travailleur étranger. Par contre, elle doit réclamer les originaux. La direction de Buffalo Grill se défend : "Nos directeurs ont des consignes et des formations juridiques. On leur explique qu'ils risquent des peines d'amendes ou de prison s'ils emploient des sans-papiers." Pourtant, elle convient : "On ne peut pas garantir que, dans 100 % des cas, il y a eu présentation d'originaux." C'est ce que reconnaît le directeur d'un restaurant qui souhaite garder l'anonymat : "C'est vrai qu'à une période on était moins draconien sur la procédure d'embauche."

Raymond Chauveau dénonce un système où la main-d'oeuvre est "corvéable" et "jetable". "Ils ont un salaire. Ils paient leurs impôts et cotisent aux Assedic. Mais il n'y a plus de limites, débite-t-il. Ils travaillent non-stop." "On ne pouvait pas se rebeller, nos patrons menaçaient de nous livrer à la police", relate Demba Sidibe, 35 ans dont quatre au restaurant de Montgeron (Essonne).

Mamadou Saw, 43 ans dont trois au Buffalo de Montgeron, raconte même avoir dû travailler au domicile de son chef. "Je faisais des travaux", lance-il.

Pour éclaircir cette histoire, une rencontre à la préfecture de l'Essonne devait avoir lieu, lundi 4 juin, entre le préfet, le président du directoire de Buffalo Grill Erich Harasymczuk et une délégation de sans-papiers. "Nous demandons à être régularisés", réclame Balla Sissoko, 31 ans, six ans de maison. "Nous l'espérons, répond la direction. Car s'ils sont régularisés, nous nous engageons à les réembaucher."

Source :Moustapha Kessos, Lemonde.fr

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Commentaires (1)

  • Jade

    La condition humaine mise à mal une fois de plus.

    Combien de cas somme celui-ci existe t-il encore, qui un jour éclatera au grand jour?

    C\\\'est bien là qu\\\'est tout le problème quelque part nous avons des frères qui sont exploités, malmenés, intimidés, etc...par leurs employeurs, du fait qu\\\'ils ne possèdent pas de titre de séjours.(Ils souffrent en silence).

    Vivre constamment avec cette épée de damoclès au dessus de la tête (menace, risque de licenciement, ou contraint et forcé à démissionner), c\\\'est une angoisse permanente qui fait quasi partie de leur quotidien.

    Ils sont en quelque sorte assis sur des sièges ejectables....C\\\'est triste, malheureux et très douleureux!

    Ce que je vais écrire peut paraître utopique, mais j\\\'y tiens.
    J\\\'espère de tout coeur que les personnes qui vivent cette situation épouvables tous seront régularisés.

    Ils ne rechignent pas la ou les tâche qu\\\'ils leurs sont demandés d\\\'effectuer, pratique des horaires de travail qui demandent un effort surhumain pour pouvoir les tenir, paient leurs loyers, impôts, et j\\\'en passe... donc j\\\'estime qu\\\'ils sont droits à une reconnaissance à ce titre et que c\\\'est salutaire.