Karim Wade, un novice inexpérimenté et dangereux

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La nouvelle répartition des services de l’Etat est injuste, inéquitable et incohérente. Elle contient des affectations insensées qui bloqueront le fonctionnement normal de ce gouvernement pléthorique, de fermeture et de guerre politique. D’ailleurs pour moult raisons, particulièrement les conflits de compétences, le président de la République et le Premier ministre doivent apporter les correctifs et procéder le plus rapidement à un dispatching correct des services de l’Etat.

Un réajustement en profondeur est impératif pour redorer des institutions telles que la Présidence et la Primature, mais aussi pour corriger les caractéristiques des ministères dits de souveraineté tels que les Affaires étrangères, les Finances, les Forces armées, la Justice, l’Education nationale et l’Intérieur. Ces départements sont devenus vides et dépouillés de leurs contenus, par le ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Infrastructures et des Transports aériens qui se taille d’énormes attributs. Ses prérogatives gigantesques donnent à son ministre de tutelle, un large espace sur les ministères dits de souveraineté, la Primature et la Présidence. Cette situation bloque le Sénégal qui compte deux présidents : un de juré, c'est-à-dire celui qui exerce la légalité constitutionnelle en l’occurrence Abdoulaye Wade, et aussi un autre président de fait, c'est-à-dire de facto Karim Wade qui détient tous les pouvoirs et qui exerce illégalement la fonction de président de la République. Ce qui constitue naturellement un coup d’Etat en douceur avec la complicité du père-président qui manœuvre les institutions et la constitution pour que l’enfant le dépose en catimini.


Toujours avec cette situation de blocage, le Sénégal compte deux Premiers ministres, un de nommé c'est-à-dire celui qui a été désigné par le président de la République et qui manque d’affirmation parce que bâillonné et un autre Premier ministre de fait qui oriente et coordonne l’action gouvernementale en donnant des directives aux ministres et au Premier ministre, sapant ainsi le principe sacro saint des normes juridiques et hiérarchiques.

Pour en revenir à la composante de ce portefeuille colossal, le ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Infrastructures et des Transports aériens compte quatre départements pleins et stratégiques, huit sous maroquins que sont la Coopération économique, la Coopération au développement, la Coopération du développement durable, la Coopération scientifique, universitaire et culturelle, la Coopération militaire, la Coopération financière internationale, la Coopération internationale décentralisée et la Coopération judiciaire internationale. En plus de ces huit sous-ministères, un ministère délégué chargé de la Coopération décentralisée a été affrété auprès de Karim Wade qui gère en sus un Fonds d’entretien routier autonome (Fera) dont nul ne peut estimer le montant exact.

Ce grand ministère compte huit agences de l’Etat qui ont été délocalisées de la Présidence et de la Primature : l’Agence autonome des travaux routiers (Aatr), l’Agence des aéroports du Sénégal (Ads), l’Agence nationale de la météorologie du Sénégal (Anams), l’Agence nationale de l’aviation civile (Anacs), l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat), l’Agence nationale des nouveaux chemins de fer (Ancf), l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna). Avec la nouvelle répartition des services de l’Etat, le ministère obèse de Karim Wade comprend quatre grandes directions générales que sont la Direction générale de la Coopération internationale, la Direction générale des Infrastructures, la Direction générale des Transports aériens et de l’Industrie aéronautique, la Direction des Financements et du Partenariat Public Privé et l’Apix.

Cette répartition des services de l’Etat renforce Karim Wade en lui donnant un vaste couloir sur les relations internationales, faisant ainsi du ministre d’Etat Madické Niang, un figurant en bonne et due forme, racketté de ses prérogatives de droit. Karim Wade, dans ses attributs, s’occupe de l’Amérique centrale et du Sud, de l’Europe de l’Est, du Moyen Orient et de l’Asie, c'est-à-dire des pays émergents qui sont un enjeu diplomatique et géostratégique. Ces économies officient avec le Sénégal une coopération bilatérale appréciable. Ces pays ne se préoccupent pas du comment est gérée l’aide au développement. En plus, ils ne tiennent pas rigueur de nouveaux critères d’allocations de l’aide internationale tels que la conformité du Sénégal dans des domaines comme la bonne gouvernance, la bonne gestion des affaires publiques, les droits politiques, civils et de l’homme, la stabilité politique et l’absence de violence, l’efficacité du gouvernement, la qualité de la réglementation et la primauté du droit et de la lutte contre la corruption.

Grosso modo le ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Infrastructures et des Transports aériens est le système nerveux de l’Etat et le centre de gravité du gouvernement. C’est un département juteux de business, de commissions, de contrat et des marchés. Il contrôle carrément l’Etat, ses composantes et ses leviers. D’ailleurs, il est devenu légitime de se demander quelle est l’utilité des autres ministres de souveraineté, surtout ceux des Finances et des Affaires étrangères.

Malheureusement, force est de constater que ce ministère est trop lourd pour Karim Wade parce qu’il n’est ni politique, ni stratège. Karim Wade n’est pas politique et ne cesse de se distinguer en novice inexpérimenté qui manque de culture et de formation politique. Il n’a aucune trajectoire, aucun militantisme et aucun courage. Sa première sortie a été un raté, il a livré une déclaration truffée de fautes : ’Au Sénégal, il y a le parti de l’action et le parti de la parole’. Ensuite, Karim Wade, à lui tout seul, a fait perdre toute une coalition lors des locales de mars 2009. Malgré les leviers de l’Etat en sa possession, il a été battu à plate couture dans son propre bureau de vote, son centre de vote, et dans toute la ville de Dakar. Il a même coulé son père et sa mère qui ont fait campagne dans les coins et recoins les plus reculés du pays.

Ce ministère est trop lourd pour Karim Wade qui n’est pas opérationnel, il a échoué lamentablement son sommet de la honte malgré la réquisition de tous les corps de l’Etat, de toute une administration compétente. Son sommet de la honte qui n’a pas déplacé plus de deux monarques et plus de dix chefs d’Etat, a subi un revers spectaculaire par ses défaillances techniques, diplomatiques, infrastructurelles, événementielles et organisationnelles. Ce fiasco inqualifiable s’explique tout simplement par son déficit d’idées et les incongruités dans ses choix. Il n’est ni alerte ni vif. Sur cinq ans, il n’a pas été dégourdi de livrer une seule chambre et un seul kilomètre de route.

Enfin, ce ministère est trop lourd pour Karim Wade qui n’est pas catholique, il est constamment cité dans des dossiers à sous tels que l’Anoci, la Sudatel, l’aéroport Blaise Diagne, la Jafza, la société fictive ZamZam, le Dubaï Port World, les contrats de pêche, la Veolia, les Ics, la Senelec, la Sonacos, les Fonds spéciaux, les dons Taïwan, le Monument de la renaissance, la Sentel, etc.

En somme, la répartition des services de l’Etat pose un sérieux problème à l’Etat même, à ses services et son administration. Elle renforce les pouvoirs monarchiques de Karim Wade qui est un novice extrêmement dangereux qu’il faut maîtriser afin de faire capoter le fameux plan de dévolution monarchique activé par son père depuis Mathusalem. Le président Abdoulaye Wade prend l’Etat pour un manège, en confiant à son fils un portefeuille hyper sensible, ultra stratégique extrêmement lourd et qui n’est pas de son niveau politique, professionnel et scolaire. Sans oublier les prérogatives officieuses que son fils contrôle à ses cotés telles que la gestion des fonds politiques, la nouvelle ville de Pekès, la négociation avec les opérateurs en téléphonie, la séance de signature, les renseignements généraux, la formation du gouvernement, la nomination dans l’administration et dans la diplomatie, le pèlerinage à La Mecque. Tous ces attributs sont trop lourds pour une seule personne (…) Au contraire, cette situation met le Sénégal en danger parce qu’elle met en péril ses fondements et sa sureté.


Cheikh Sidiya DIOP Secrétaire général de la Ligue des Masses

Source : walf.sn