Interview : Djibeïrou TALL, le chevronné Professeur à cœur ouvert

 Imprimer 

Image

Originaire de Yaféra, Djibeïrou TALL est aujourd'hui un valeureux soldat de l'enseignement Sénégalais. Cet amoureux de la langue de William Shakespeare est fier de ses origines et ne ménage aucun effort pour le rayonnement de son terroir. Doté d'une fibre associative sans faille, il est de tous les combats de son Yaféra natal et de son département d'origine. Il a accepté de revisiter avec nous son parcours, sa vision de l'éducation nationale... Il a mis à nu les problèmes actuels de l'enseignement secondaire sans oublier de tirer sur la sonnette d'alarme. Il a également communiqué sur les associations dans lesquelles il milite de nos jours.

1*-Dois-je dire Djibeïrou ou Djibril Tall ? Pouvez-vous vous présenter à notre public de Bakelinfo ?

Je m’appelle Djibeïrou Tall, homonyme de mon grand père. C’est vrai que le prénom est assez rare en milieu soninké. Mon arrière-grand-père, était Toucouleur. C’est une famille Timéra qui lui a offert l’hospitalité aux fins d’élire domicile dans notre village. Je suis né le 25 septembre 1968 à Yaféra, un village de Gadiaga à une trentaine de kilomètres de Bakel.

 Mon défunt père, Demba Tall né en 1928, sortit Sergent de l’Armée Française où il resta sous les drapeaux de 1949 à 1962. Il était ce militant exemplaire du parti socialiste en parfaite harmonie avec ses amis Feu Yaya Konaté et Abdoul Khadre Cissokho de Bakel. Il n’a jamais rien demandé ni obtenu quoi que ce soit des dignitaires de l’époque jusqu’à la fin des années 90 où il a commencé à se retirer de la scène politique. Son passage à la tête de l’Association des Parents d’Élèves (APE) de l’École Élémentaire est jusqu’à présent offert en exemple par les villageois et les instituteurs qui ont eu à travailler avec lui. Ma mère s’appelle Haby Tall et elle est femme au foyer. Originaire du Mali, ma famille maternelle est aujourd’hui de nationalité Gambienne depuis que mon grand-père s’exila définitivement en Gambie au début des années 50. Ma mère a souvent bénéficié de la confiance de ses collaboratrices pour présider aux destinées de leurs associations et regroupements féminins ou alors faire partie des instances dirigeantes. Fils ainé d’une famille de trois veuves, j’ai 9 sœurs et 6 frères. Professeur d’Anglais depuis 1997,  je suis marié et père de trois filles et d’un garçon.

2*- Monsieur TALL, quel a été votre cheminement de votre Yaféra Natal au carrefour du bassin arachidier que symbolise la ville de Khombole ?

Les six années de mes premières humanités ont eu lieu à Yaféra où je suis reçu à l’Entrée en Sixième et au Certificat d’Études Primaires Élémentaires. J’y ai simultanément appris le Coran.  Nous avons, mes camarades et moi, la chance d’être les premiers élèves de l’unique classe de Sixième du Collège Waoundé Ndiaye de Bakel à son ouverture en 1981. Par la grâce d’Allah, après quatre ans de collège j’ai obtenu le Brevet de Fin d’Études Moyennes, BFEM. Faute de tuteur à Tamba, je suis venu poursuivre mes études au lycée Blaise Diagne de Dakar où j’ai décroché le Baccalauréat Série A’3 en 1990.

A l’Université Cheikh Anta de Dakar, j’ai réussi aux Duel 2 en 1992, Certificat de Licence en 1995, Certificat de Spécialisation en Littérature Africaine en 1996, Certificat de Maitrise en 1997 et au Certificat de Mémoire en 2003.

En 1998, J’ai commencé à enseigner au lycée Sénégalais de Banjul comme vacataire. Mes camarades de promotion de l’École Normale de Dakar et moi avons été les premiers à être sacrifiés de 1997 à l’an 2000 sur l’autel des « mesures d’ajustement structurel » du régime socialiste. En 2000, à la faveur de l’Alternance, la Fonction Publique est enfin venue couronner trois longues années de refus de l’arbitraire et de l’injustice. Il faut dire que c’est au cours de ces années, que je me suis forgé un mental de syndicaliste. Ma carrière a démarré officiellement au Collège de Ndondol. Depuis 2006, j’enseigne au Lycée Coumba Diack Guèye de Khombole.

3-* Vous êtes aujourd’hui Professeur d’anglais, choix par défaut ou envie débordante de transmettre le savoir ?

En toute honnêteté, j’avoue qu’au commencement il y avait un besoin pressant de donner un sens et une trajectoire à ma trajectoire universitaire. Après avoir connu l’année blanche en 1988 au lycée, la session unique en 1993 et l’année invalide en 1994 à l’Université, le concours de l’École Normale en son temps était l’alternative qui s’offrait à nous. Pour une première tentative fructueuse en 1995, j’ai depuis lors, avec la complicité de mes formateurs, appris à mieux connaitre et adorer l’enseignement. J’aime partager, savoir et découvrir. C’est pour cette raison, en toute modestie, que je suis titulaire des trois diplômes de l’École Normale Supérieure.

4*- Vous êtes titulaire de plusieurs certifications de l’ENS et de L’Université de Maryland, disons que vous êtes bien outillé aujourd’hui pour ce métier… Comment se passe aujourd’hui la transmission de cette belle langue de William Shakespeare ?

Je rends grâce à Allah. En 1997, j’ai le Certificat d’Aptitude à l’Enseignement dans les Collèges d’Enseignement Moyen option Lettres-Anglais (CAE.CEM), en 2000 le Certificat d’aptitude à l’Enseignement Moyen option Anglais (CAEM) à l’École Normale Supérieure de Dakar (ENS) et en 2006, je suis titulaire du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire option Anglais (CAES) de la Faculté des Sciences et Technologies de l’Éducation et de la Formation (FASTEF ex-ENS). Effectivement en fin 2010, j’ai été Lauréat international du Programme de Bourse en ligne intitulé ‘E– Teacher Scholarship Program on Teaching English to Young Learners’; programme sponsorisé par l’Ambassade des États-Unis d’Amérique à Dakar et l’Université de Maryland Baltimore County d’Oregon aux USA (UMBC). Après 10 semaines de cours et d’évaluations via l’Internet, j’ai obtenu en mars 2010 mon Certificat d’Aptitude à l’Enseignement de l’Anglais aux tout-petits (Teaching English to Young Learners) de cette même université américaine. Nous devons avoir un crédo et un sacerdoce ; aimer notre travail, bien le faire et ne jamais nous satisfaire des acquis car la didactique de l’Anglais est très dynamique et innovante. L’enseignement de l’Anglais se passe bien au vu des énormes progrès accomplis à travers la prise en charge de l’ensemble des besoins de l’élève déclinés dans le nouveau curriculum. A mon avis, les Inspecteurs de l’Enseignement, les décideurs et les professeurs ne sauraient rester trop longtemps inactifs face à l’inadéquation entre les résultats catastrophiques des élèves en Anglais et l’avènement de l’approche communicative venue pourtant corriger tous les impairs dans les situations enseignement-apprentissage.

5*- Comment jugez-vous aujourd’hui le niveau des élèves ? Est-ce le même qu’au début de votre carrière ?

Vous faites sans doute allusion à la supposée baisse du niveau des élèves. Nous constatons effectivement que les performances scolaires de nos apprenants, au fil des années, confirment cette hypothèse. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les conditions de réussite sont aujourd’hui plus favorables qu’à la fin des années 90 mais malheureusement les taux d’échecs enregistrés dans nos écoles depuis une décennie doivent donner à réfléchir. Je me demande si toutes les possibilités didactiques et pédagogiques sont utilisées à bon escient par les acteurs du système éducatif de façon rationnelle et équitable.

6*- Plusieurs d’entre nous ont appris l’anglais pendant des années sans autant pouvoir s’exprimer « terre à terre » dans cette belle langue, que faire pour consolider les acquis, selon vous ?

Je me rappelle à Yaféra, un de nos instituteurs a réussi le tour de force de nous imposer à parler Français même dans la rue par le biais du « symbole ». Un élève se fait confier ledit objet sur injonction du maître ; l’objet doit être remis à l’élève qui s’aventurerait à s’exprimer en langue maternelle (le soninké). Il est aisé d’imaginer le supplice du martinet sur la peau de celui ou celle qui se présenterait en classe le lendemain en possession du « symbole ». J’ai toujours fait comprendre à mes élèves que le propre d’une langue demeure l’oral et que les incorrections sont inhérentes à l’apprentissage. Déjà au collège, nos professeurs d’Anglais dispensaient les enseignements en Anglais et n’encourageaient pas du tout l’emploi du Français. Cependant cette approche pédagogique de nos professeurs d’Anglais avait contribué à inhiber certains de nos camarades qui, de toutes les façons, ne s’intéressaient plus au cours d’Anglais. C’est pourquoi, l’enseignant doit être éclectique, c'est-à-dire intégrer et varier les différentes techniques et méthodes classiques et modernes, afin que l’élève qui est au centre du système, puisse évoluer dans cette grande galaxie appelée Communicative Language Teaching (C.LT). Tout tourne autour de la communication. La question est de savoir comment être communicatif ; en d’autres termes il faut au préalable faire preuve de compétence tout court (maitrise de son sujet) ou alors de compétences (linguistique, sociolinguistique, discursive et surtout stratégique). La compétence stratégique reste pour moi un domaine peu maitrisé ou négligé de nous enseignants. Le bon sens nous recommande la flexibilité  dans des situations d’apprentissage où les barrières linguistiques rendent superflue ou impossible la compréhension de certains concepts. Il arrive même que le recours au Français ne soit pas la solution. Nous cherchons souvent loin ce qui est à portée de main ; en effet le maître et l’élève Sénégalais partagent des réalités socioculturelles et linguistiques qu’il faut de temps en temps convoquer en classe pour, ne serait-ce qu’en ces moment solennels, ‘humaniser’ le cours par des mots, des anecdotes, des histoires en langues nationales. Je ne suis pas foncièrement l’avocat de l’approche de la didactique de l’Anglais par le Français ou les langues nationales. Je demeure convaincu que l’inverse, l’Anglais ou rien en classe, va continuer à réduire voire anéantir la chance et la possibilité offerte à bon nombre d’élèves de pouvoir communiquer dans « cette belle langue » comme vous le dites. Il s’agit moins d’une consolidation des acquis que d’une mise en œuvre de stratégies pour la motivation des apprenants.

7*- Quelle lecture faites-vous de l’Éducation nationale dans sa globalité de nos jours ?

Question difficile à répondre ! Je peux me tromper mais je pense que les gens ont une vision réductrice de l’éducation. Au Sénégal, éducation rime malencontreusement avec scolarisation et savoir savant. Des ressources matérielles et humaines importances sont mobilisées pour faire fonctionner écoles, collèges, lycées, instituts, centres de formation et universités et pourtant le constat s’impose : le système éducatif est malade de son mode de fonctionnement. L’argent crée un climat de malaise, de suspicion, de népotisme et de spéculation. Les grèves récurrentes des élèves, enseignants et travailleurs sociaux emboitent le pas à la contestation sociale souvent fille d’enjeux politiques majeurs imminents. Au même moment chacun trouve le temps de s’occuper de choses personnelles et privées. A y voir de plus près, on serait tenté d’incriminer la politisation outrancière de l’espace scolaire et universitaire. Que sont devenus les grands dirigeants de grève des années 1988, 1993 et 1994 ? Ce jeu doit cesser. Il faut qu’on arrête de fabriquer de futurs leaders qui ambitionnent de faire des élèves et des enseignants des escaliers pour assouvir des ambitions politiques personnelles. En revanche, la diabolisation, la manipulation et l’intimidation des syndicats d’enseignants par les Autorités démontrent à suffisance le manque de volonté politique de ces dernières à créer les conditions d’émergence d’une véritable école d’excellence. En toute objectivité, peut-on prétendre à l’excellence si l’enseignant n’est pas mis dans des conditions de performance ? Ils n’exigent pas des voitures de luxe avant leur prise de fonction. Ils demandent la revalorisation du statut de l’enseignant et une école de qualité et non des réformes hasardeuses, inopportunes et incohérentes. Qu’est-ce qu’il faut comprendre dans le Projet Zéro Redoublement (PZR) sachant que la finalité de l’évaluation sénégalaise prône l’excellence et le mérite ? Franchement on y perd son latin. L’école a besoin d’enseignants bien formés et vraiment motivés. L’éducation est trop sérieuse pour être une affaire de business. A ce rythme, la privatisation galopante de notre système finira par exacerber les disparités entre riches et pauvres. C’est d’ailleurs à l’image des autres pratiques primées dans notre pays. Pour atteindre les sommets de la gloire et asseoir une aisance financière et matérielle, il est admis que la Politique, la Religion, l’Éducation et la Santé s’offrent comme alternatives. On se sert habilement et avec tolérance de ces secteurs pour notre survie personnelle et communautaire. Notre cher Sénégal doit réussir le pari de former ce citoyen qui, par l’exemplarité de son comportement et sa noblesse de caractère, va effectivement veiller à la préservation et à la sacralisation du bien commun. C’est là le véritable projet éducatif à mon avis. Ce citoyen-là fera autre chose que de voler et détourner les milliards de ses compatriotes au profit de sa personne et des siens. Un maillon est cassé quelque part. Il faut rendre l’homme à Son Créateur. L’éducation religieuse parait la solution.

8*- On impute souvent le retard du Sénégal aux filières jugées « inutiles » par certains technocrates comme les lettres, les langues mortes ou vivantes, en tant qu’enseignant, quel commentaire faites-vous face à ces critiques ?

Grande serait ma surprise quand bien même des chercheurs en Sciences de l’éducation en venaient à confirmer une telle hypothèse. Les raisons de notre retard résident ailleurs. Ce débat autour des séries et filières blesse la conscience et manque de respect à l’intelligence. En filigrane, il est insinué que l’esprit scientifique et l’esprit d’entreprise sont la chasse gardée des seuls diplômés des séries dites scientifiques. C’est grotesque à mon sens. Les grands savants vous diront que les inventions scientifiques et les progrès technologiques résultent de la mise en pratique intelligente et patiente de deux atouts de l’esprit (le bon sens ou la science et le possible ou la technologie). Qui peut dire par exemple que l’enseignant, le chercheur, le magistrat, et l’artiste qui exercent leur profession dans les règles de l’art font fi de la démarche scientifique et sont donc incapables d’entreprendre ? Dans quelle société allons-nous vivre si tout le monde tournait le dos aux séries dites littéraires et autres filières inhérentes ?   

 10*- Dans le domaine de l'Éducation, Bakel est toujours à la traîne (manque de professeurs, manque de classes, fracture numérique...), si vous étiez décideur dans ce domaine quel plan mettriez-vous en place ?

C’est la même politique éducative que j’allais mettre en place pour tout le Sénégal en accordant une attention particulière aux zones déshéritées comme Bakel. En général, les localités du pays qui vivent de telles réalités souffrent d’enclavement, de manque d’eau, d’inexistence d’infrastructures et peut-être d’insécurité. Dans un premier temps, je m’attaquerai à rendre la zone plus accessible (construction de routes et pistes de production), accueillante (redynamisation de l’agriculture et la pêche et maîtrise de l’eau), et enfin sécurisée (mobilisation des forces de l’ordre à des postes stratégiques aux frontières, aux marchés hebdomadaires, aux zones avec d’intenses activités commerciales et économiques tels que les grands villages et communes mis en valeur par les émigrés). Toutes ces conditions réunies, l’environnement des affaires ne peut que se trouver au beau fixe. La motivation et l’envie d’habiter et d’investir s’emparent de tous. Chemin faisant, les enseignants se bousculeront pour y être affectés. Pour le reste, il appartient aussi à l’État de veiller aux conditions d’étude en faisant une répartition rationnelle et judicieuse des fameux 40 % du budget alloués à l’éducation. Dans mon plan de redynamisation du secteur, il reste entendu que je resterai ouvert à l’appui et au concours de l’expertise nationale et internationale.

11*- Votre corporation est souvent épinglée par la brigade des mœurs parce que faisant souvent le mélange des genres (Liaison amoureuse avec leurs élèves, Grossesse ...), quel commentaire faites vous de cette tare de l'éducation sénégalaise ?

C’est regrettable et déplorable que notre image soit aussi ternie du fait du comportement licencieux de certains collègues. En vérité, notre statut d’éducateur pèse lourd sur certaines épaules et la société est en droit de s’attendre à des attitudes beaucoup plus responsables de notre part. D’ailleurs autant les jeunes filles fautives sont exclues dans la plupart des cas, autant les professeurs doivent être sanctionnés si leur culpabilité est prouvée ou avouée. L’enseignant ne doit pas se tromper sur les sentiments de l’enfant confiée à ses bons soins ; les filles jouent à cet effet un jeu pour entrer dans les bonnes grâces du professeur au moment de l’évaluation. Si nous admettons que l’enseignement est un art, nous devons mettre sur scène tout notre talent et développer des artifices dans le but de différer indéfiniment la phrase ou le geste de trop. Sans vouloir dédouaner les brebis galeuses dans nos rangs, il est grand temps que la société sénégalaise se regarde dans la glace et réalise l’état de dégradation de ses mœurs. L’attentat à la pudeur n’offusque plus personne. Depuis une bonne dizaine d’années, la célébrité d’un journal se mesure et se monnaye à l’audace et à l’impudence de sa « une » de choc. Inceste, parricide, matricide, viol, pédophilie, assassinat, sacrifice humain, maraboutage, pratiques occultes, corruption, détournement de milliards, homosexualité, tout y passe. Je doute fort bien que les enseignants en soient les seuls à être coupables de tels crimes. Finalement aucune personnalité n’est à l’abri de la tentation désormais dans une société où la morale a dangereusement tangué vers le culte de l’argent et du mieux-avoir et les sénégalais qui s’abstiennent de monter à bord sont labellisés et stigmatisés comme des attardés. 

12*-Vous êtes de Yaféra, comment se porte ce grand village Soninké du Goye Supérieur de nos jours ?

Macha Allah ! Yaféra, petit certes par l’espace géographique occupé mais grand par la qualité de ses hommes : le village des Fofana (les premiers habitants) et des Timéra (de la lignée des chefs de village et de la lignée des marabouts). A titre d’exemple Sada Ciré Timéra, un arrière grand-père à moi, décédé en 1956 était déjà du temps de l’Afrique Occidentale Française (AOF) Capitaine dans l’Armée Française et Garde Républicain au Dahomey, actuel Bénin. Il fut également le Chef de Canton du Goye Supérieur. D’autres illustres personnalités ont écrit les plus belles pages de mon village. La relève est assurée car les élèves et étudiants de Yaféra se sont toujours illustrés par leurs brillants résultats scolaires. Ils sont, je touche du bois, parmi les meilleurs aux Collèges d’Aroundou, de Golmi, de Kounghany et au lycée Waoundé Ndiaye de Bakel. Depuis quelques années, les potaches se sont passé le mot d’ordre, à savoir 100% de réussite à l’Entrée en Sixième. J’en profite pour exprimer ma reconnaissance au travail titanesque et professionnel de leurs instituteurs. Nous avons aussi des enseignants d’universités au Sénégal et en France, dans le secondaire et les écoles de formation, des médecins, des hauts gradés de l’Armée, et dans le monde des banques et finances. Mais malheureusement, Yaféra qui étrenne son école élémentaire depuis 1961 attend toujours son Collège d’Enseignement Moyen malgré les démarches entreprises.

13*- De loin pour des raisons professionnelles, quelle lecture faites vous du département de Bakel ?

Nous devons tout au département de Bakel qui nous a beaucoup marqués. Certes des progrès sont notés depuis l’érection du Collège en lycée, cependant beaucoup reste à faire. Il urge de désengorger le lycée et de multiplier les collèges de proximité. Nous autres qui sommes ailleurs, devons un jour faire un retour au terroir et participer à l’effort de développement local.

14*- Vous êtes Membre actif de plusieurs associations (CCB, AJY...), parlez-nous de vos engagements dans ce domaine ?

L’Amicale des Jeunes de Yaféra (AJY) a été portée sur les fonds baptismaux vers les années 1980. Depuis lors, les jeunes restés au village, à Dakar et en France ne cessent d’œuvrer pour son épanouissement. Même si l’âge m’oblige à céder la place aux jeunes, je n’entends me détourner de cette association à laquelle j’ai milité en tant que membre et aussi Président de la Commission Culturelle et Secrétaire Général au début des années 1990. Depuis octobre 2011, je suis le président de la Commission Sociale de la Convention des Cadres du Département de Bakel. Notre engagement, mes amis de la Convention et moi, répond à une double préoccupation : réfléchir pour agir ensemble. La lutte pour la sauvegarde de l’image de l’école sénégalaise et la préservation des intérêts de ma corporation m’ont mené à faire du syndicalisme. J’ai fait partie des membres fondateurs du Syndicat Autonome des Enseignants du Moyen Secondaire du Sénégal (SAEMSS) en 2003. Présentement je suis depuis 2010 le Secrétaire administratif du Cadre Unitaire Syndical des Enseignants du Moyen et du Secondaire (CUSEMS) du lycée Coumba Diack Guèye de Khombole, syndicat auquel j’ai adhéré depuis sa naissance en 2009.

15*- Qu'a fait l'AJY pour Yaféra ?

Le palmarès des réalisations de l’Amicale des Jeunes de Yaféra (AJY) est assez élogieux. Je n’en citerai que quelques unes. Nous pouvons noter d’une part une fraternité agissante et une franche collaboration entre les arabisants et les élèves et étudiants, ce qui s’est souvent matérialisé par des conférences religieuses à Dakar et à Yaféra, des cours de vacances et d’autre part la création de quatre équipes autour d’un tournoi de football (à l’origine Djiké, Dango, Soobé et Sanda) scella définitivement l’union sacrée et permit de canaliser cet esprit chauvin et partisan qui caractérisait les jeunes des deux grands quartiers du village. A Dakar, « les tours de famille » consolidèrent des amitiés et liens de parenté. Les antennes de Dakar et Paris, en synergie avec Ingénieurs Sans Frontières (ISF) réussirent à moderniser les installations du dispensaire en y affectant un frigo pour la conservation des médicaments et à électrifier également la mosquée du village grâce à l’énergie solaire. Des journées d’investissement humain sont aussi à l’actif de l’Amicale. 

16*- Connaissez-vous l'association JIKKE de Yaféra, que pensez-vous de cette association ?

Je sais qu’il ya un groupe qui porte le même nom sur Facebook et j’en suis membre. Je connais quelques uns de ses membres qui sont des cousins et cousines, des amis d’enfance ou camarades de classe à Yaféra.

17*-Quelles sont les urgences de votre village aujourd'hui ? Et que préconisez-vous à vos compatriotes pour soulager les maux de Yaféra ?

L’ouverture d’un collège qui puisse remplir les conditions pour abriter un futur lycée est une urgence. Les Yaférois attendent avec impatience Le bitumage de la route Yaféra-Marsa-Saré pour déboucher sur la Nationale 2 Kidira-Bakel et l’adduction en eau potable.

18*- Votre dernier mot ?

Tout d’abord je voudrai vous remercier pour cette heureuse initiative et saluer les internautes et fidèles visiteurs de Bakelinfo. Je suis ému du choix porté sur ma modeste personne. J’invite l’État et les syndicats à trouver des solutions pérennes à la crise scolaire. Malheureusement il semblerait que les Autorités ont d’autres préoccupations. Il est grand temps que les Sénégalais, et surtout ceux qu’on appelle les intellectuels se mettent au travail et sachent que la politique n’est pas une profession mais une science.

 

Par Samba KOITA dit EYO, www.bakelinfo.com