FACE A SES DIFFICULTES FINANCIERES : L’Etat s’endette pour payer ses dettes

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Abdoulaye Diop

BOURSE - Emission de bons et d’obligations du Trésor pour 100 milliards : Le Sénégal va habiller Paul avec l’argent de Pierre

Pour satisfaire ses partenaires multilatéraux et payer les dettes dues aux entreprises privées nationales, le gouvernement, comme il l’avait annoncé, a lancé une émission de bons du Trésor, ainsi que d’obligations du Trésor, pour un montant total de 100 milliards de francs Cfa. Alors que rien ne prouve qu’il soit en mesure de payer des émissions réalisées il y a deux ans, et qui arrivent bientôt à échéance.

L’opération qui avait été annoncée depuis quelque temps, est lancée. L’Etat a annoncé officiellement hier, sa volonté de trouver sur le marché financier sous-régional, les 100 milliards de francs Cfa qu’il souhaite obtenir pour faire face à ses difficultés de trésorerie. Le journal Le Soleil a publié hier, deux annonces de la part de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), et qui informent du lancement de l’opération d’adjudication des obligations du Trésor, pour 60 milliards de francs Cfa, et des bons du Trésor pour 40 milliards de francs Cfa.

La date limite de dépôt des soumissions étant le samedi 17 juin à 10h 30 minutes, les valeurs prendront effet dès le jour ouvré suivant, le lundi 19 juin. Cependant, si les obligations sont émises pour dix ans, les bons du Trésor eux, sont d’une durée de 728 jours. Les échéances se décomposent en quatre tranches de 25% chacune, dont la première arrive à terme le 18 décembre 2008, et la dernière le 17 juin 2010.

Au-delà de ces détails techniques, ces émissions d’obligation et de bons du Trésor trahissent l’urgence qu’il y a pour les finances de l’Etat, de trouver de l’argent. On se rappelle que le représentant du Fonds monétaire international, Alex Segura, avait demandé un assainissement des finances de l’Etat, qui passait, selon lui, par le règlement des créances dues au secteur privé national (voir Le Quotidien n°1605 du vendredi 16 mai 2008). Ces créances étaient estimées par lui à 150 milliards de francs Cfa. Pour M. Segura, le non-paiement des dettes dues aux entreprises locales mettait en danger la structure financière de l’économie nationale.

En voulant lui donner la réplique et le démentir sur l’état des finances publiques, les autorités de l’Etat, par la voix du ministre d’Etat Abdoulaye Diop, ont annoncé leur intention de trouver 100 milliards de francs Cfa sur le marché financier régional, ce qui vient d’être fait.

Cependant, s’il est vrai que cette mesure est l’une des recommandations de ses partenaires internationaux, la décision de l’Etat de s’endetter sur le marché financier international ne soulève pas que de l’approbation de la part des observateurs. Dans les colonnes du journal Le Quotidien, du mardi 3 juin 2008 (n°1620), le dernier Premier ministre du régime de Abdou Diouf, M. Mamadou Lamine Loum, déclarait, parlant du mode d’endettement pour réaliser les travaux d’infrastructures dans le cadre de l’Oci : «Les emprunts doivent être des emprunts dont le profil de remboursement correspond à ce que l’Etat peut rembourser. En général, quand on lance des billets de trésorerie ou des emprunts sur le marché, dont les durées sont souvent courtes, de trois à cinq ans, après qu’on vous a annulé des dettes d’une durée de vie de 20, 30, 40 ans, il y a manifestement un problème d’adéquation entre les emplois et les ressources.» A son avis, il n’était pas sensé de s’endetter à court terme pour régler des dettes contractées dans le cadre de travaux d’ouvrages, dont la rentabilité se mesure à long terme.

Par ailleurs, il suffit de rappeler que l’année prochaine, arrivent à échéance des obligations du Trésor que l’Etat a contractées, pour 75 milliards de francs Cfa, il y a trois ans. Un gouvernement qui s’endette est-il en mesure de payer des dettes échues ? La réponse sera bientôt connue. Quoi qu’il en soit, le même montant a été également contracté, l’année dernière, en bons du Trésor, qui vont arriver à échéance l’année prochaine. Dans ces conditions, on voit que la garantie de la Banque centrale, à travers laquelle cette nouvelle levée de fonds, lancée hier, est faite, n’est pas de trop, malgré les incantations qui répètent que la situation financière de l’Etat est solide et que le Sénégal peut se permettre encore de s’endetter très largement. Au moins, les investisseurs et les spéculateurs qui vont prendre le risque de croire en la signature de l’Etat, ne s’engagent pas sur un terrain totalement mouvant.

 


 
Auteur: Mohamed GUEYE 
 
sOURCE : seneweb.com