ECHANGES - Un débouché économique en panne

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Pont de KayesLa démolition du pont de Kayes pénalise les commerçants sénégalais

Depuis bientôt trois mois, la circulation est perturbée entre le Sénégal et le Mali, du fait de la démolition du pont qui traverse le fleuve Sénégal à Kayes. Bizarrement, cette situation, qui pénalise les négociants sénégalais qui commercent avec le Mali, semble laisser indifférentes les autorités politiques sénégalaises, emmurées dans un silence de marbre.

Par Mohamed GUEYE

Le pont de Kayes au Mali est coupé depuis bientôt deux mois, et la situation ne va pas changer d’ici trois mois encore. Et au Sénégal, les opérateurs économiques qui travaillent avec ce pays frontalier sont plus qu’inquiets, beaucoup commencent à ressentir de l’abattement. Comme le dit l’un d’eux, qui travaille beaucoup avec le pays de Amadou Toumani Touré, «au Sénégal, à tous les niveaux, on n’entend personne s’inquiéter de cette situation qui, pourtant, pénalise plusieurs secteurs de l’économie. Depuis quelques temps, les marchandises sénégalaises ne vont au Mali qu’au compte-goutte, comme il en est de même avec les produits en provenance du Mali vers le Sénégal». Une demande de renseignements transmise au Port de Dakar, qui pourtant, entretient des entrepôts à Bamako, la capitale du Mali, est restée sans réponse.

Il a fallu s’adresser à des personnes au Mali, pour savoir ce qu’il en est de cette histoire. Et c’est à ce niveau que l’on aura confirmation que le pont de Kayes, sur le fleuve Sénégal, a été démoli par le gouvernement du Mali, dans le cadre de sa politique de doter le pays d’infrastructures solides. Le vieux pont était devenu vétuste, et il a été décidé de le reconstruire en plus dur. En attendant, c’est le seul pont du chemin de fer qui reste debout, pour assurer le passage des personnes et des biens grâce au train. Néanmoins, le fonctionnement du train, en particulier en ce qui concerne le transport des passagers et du petit fret, a toujours été tellement problématique depuis la privatisation du chemin de fer au début des années 2000, que plusieurs personnes, en particulier les opérateurs économiques, n’ont jamais voulu baser leurs activités sur ses navettes. De plus, ces derniers mois, la compagnie Transrail, qui exploite le chemin de fer Dakar-Niger, est régulièrement secouée par des grèves cycliques, qui en ajoutent à sa paralysie.

Principal client dans l’Uemoa

Cette situation a fait que les activités des opérateurs économiques qui travaillent avec le Mali se trouvent fortement réduites, et ils ne reçoivent aucune consolation des pouvoirs publics. La plupart des camionneurs, en particulier maliens, ont arrêté leurs activités, pour éviter les ruptures de charges. Quant aux passagers qui persistent à voyager par route, ils sont obligés de débarquer au niveau du pont, et de traverser celui-ci à l’aide d’une pirogue, pour prendre un autre véhicule de l’autre côté du fleuve. Si pour les voyageurs, le parcours est déjà fastidieux, il devient insupportable pour des commerçants qui transportent leurs marchandises. Certains ont tout simplement décidé de mettre un frein à leurs activités, en attendant d’y voir plus clair. Or, font remarquer certains d’entre eux, le Mali est le débouché naturel du Sénégal par voie de terre. De plus, la balance économique du Sénégal avec le Mali est tellement favorable à notre pays, que les autorités auraient dû faire du rétablissement du trafic routier entre les deux pays, une question prioritaire.

Comme pour conforter leurs déclarations, la Note d’analyse du commerce extérieur pour 2008 (Nace) publiée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd),souligne que le Mali demeure le premier pôle d’exportation du Sénégal dans la sous-région. Ce pays absorbe 53,7% des produits sénégalais vendus dans la sous-région, et 75% des ventes du Sénégal dans la zone Uemoa. Il s’agit principalement des produits pétroliers et du ciment, qui ont rapporté au pays, 213,2 milliards de francs Cfa en 2008. Mais le Mali achète aussi du poisson et quelques produits industriels au Sénégal.

Les importations du Sénégal vers le Mali sont de leur côté, absolument insignifiantes. La balance commerciale entre les deux pays penche très fortement en faveur du Sénégal. Pour preuve, pour l’année dernière, l’Ansd n’a enregistré que 271 millions de francs Cfa d’importations. On peut déduire de cette situation que les Maliens pourraient ne pas se presser pour rétablir les communications entre les deux pays, puisque, dans le fond, ce n’est pas à l’avantage de leur balance commerciale.

Source : http://www.lequotidien.sn